DEUX CAS BANALS DE JEUNES DELINQUANTS

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Nous reproduisons ci-dessous les casiers judiciaires de deux jeunes gens dont nous avons masqué tout ce qui permettrait de les identifier et que nous avons baptisé Primus et Secundus. De tels casiers sont fréquents, nous pourrions en citer bien d’autres et ils sont parfaitement propres à illustrer les thèses que nous avons toujours soutenues.

 

Le cas de Primus

 

a)       Sa délinquance. En juillet 1961, il est appréhendé pour la première fois à 12 ans et 11 mois, pour un vol. Avant d’avoir 18 ans, il le sera encore 11 fois pour un vol simple, 6 fois pour des vols multiples, 1 fois pour coupes et blessures volontaires, 1 fois pour coups et blessures avec préméditation, 2 fois pour conduite sans permis et défaut d’assurance.

 

Il n’est pas exclu que d’autres affaires soient en cours. Les vols qui lui ont été reprochés sont essentiellement des vols à la tire dans le métro.

 

b)       Les sanctions. Elles ont évolué de la simple admonestation à 6 mois d’emprisonnement sans sursis pour la dernière à la veille de la majorité. Une fois le tribunal a condamné Primus à 1 000 francs d’amende.

 

c)       L’exécution des peines. Aucune des peines prononcés n’a été exécutée. A quatre reprises, à l’occasion des sixième, neuvième, dixième et onzième affaires, Primus a fait 6 à 9 jours d’emprisonnement à partir de son arrestation mais jamais au titre d’une peine à purger. L’amende n’a pas été payée.

 

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Primus, lors de sa première condamnation s’était vu infliger outre une admonestation, une mesure de liberté surveillée pendant deux ans. Cette mesure s’est traduite en tout et pour tout par un rapport établi par un délégué sur les parents, le milieu, l’éducation du jeune garçon. La liberté surveillée fut renouvelée lors de la 8ème intervention du tribunal «jusqu’à la majorité» mais ne donna pas lieu à d’autre mesure ou disposition ou compte-rendu de surveillance.

 

d)       L’efficacité du travail judiciaire. La Police a dons arrêté 22 fois le jeune Primus en 58 mois, soit une fois tous les deux mois et demi en moyenne. Chaque fois, cela a donné lieu à l’établissement d’un dossier, audition de la victime, de la personne interpellé, des témoins, rapport de transmission, présentation de Primus au Dépôt, examen de Primus par un psychologue de la Préfecture qui rédige un rapport.

 

Vingt deux fois le Tribunal pour enfants a examiné les faits reprochés à Primus, rendu un jugement.

Deux fois la Cour d’Appel a été saisie. Primus ayant depuis été arrêté une nouvelle fois comme majeur, les cinq jugements par défaut lui ont été signifiés. Si, comme il en a le droit, Primus fait opposition, le Tribunal examinera de nouveau ces cinq affaires.

 

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Deux possibilités vont s’offrir à ce jeune délinquant :

1)       se présenter au Tribunal et si la sanction ne lui convient pas, faire appel, auquel cas la Cour se penchera sur les dossiers.

2)       ne pas se présenter. Dans ce cas, le Tribunal par «itératif défaut», maintiendra la peine précédente.

 

Avant de la faire exécuter, le Tribunal devra faire procéder à une nouvelle enquête. De belles années de travail en perspective…

Cependant, un fait nouveau va intervenir. En avril 1981, il est d’usage que tout nouveau Président de la République, en don de joyeux événement, déclare amnistiés tous les faits punis d’une peine inférieure ou égale à 12 mois d’emprisonnement avec sursis ou 3 mois d’emprisonnement ferme… (c’est-à-dire les efface purement et simplement). Il ne restera donc que deux «peines» de six mois. Si elles étaient confirmées, Primus ne manquerait pas d’en demander la confusion…

   

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Le cas de Secundus.

 

a)       Sa délinquance. Né en juillet 1962, il est arrêté pour la première fois à 13 ans et 7 mois. Nous constatons à nouveau l’extrême précocité de ces délinquants. Précisons bien que lorsque le fait n’est pas grave, le jeune est seulement admonesté par le Commissaire de Police et l’affaire ne va pas plus loin. D’ailleurs la mention DPAC (détenu pour autre cause) montre que le jeune Secundus faisait l’objet d’une autre détention au moment où il est passé devant le tribunal pour enfants. Peut-être s’est-elle terminée par un non-lieu ou par une mesure qui n’est pas mentionnée sur la fiche. La sanction elle-même : 1 mois avec sursis et mise à l’épreuve pendant 3 ans confirme que les faits étaient relativement graves.

 

Secundus sera encore arrêté 26 fois avant d’atteindre ses 18 ans, soit au total :

-          16 fois pour vol

-            3 fois pour des vols multiples

-            3 fois pour des violences dont 1 sur des agents de la RATP

-            6 fois pour infraction à la Police de la SNCF (voyageur sans billet)

ou défaut de permis de conduire

ou défaut de carte grise, rébellion, etc.

 

Les vols étaient aussi en général des vols à la tire, des vols à la roulotte.

 

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b)       Les sanctions. Elles ont été comprises entre la simple admonestation et pour la dernière, 6 mois d’emprisonnement ferme.

 

c)       L’exécution des sanctions. Secundus a subi une peine de détention provisoire de 9 jours et une détention définitive de deux mois.

L’amende de 1 000 francs n’est pas payée à ce jour, les parents déclarés civilement responsables n’ont rien payé.

La liberté surveillée ordonnée par un an donna lieu à un rapport. La mise à l’épreuve pendant rois ans fut ordonnée trois fois mais ne donna lieu à aucune mesure, le sursis ne fut pas révoqué malgré la récidive.

Enfin, le Tribunal ordonna le placement dans un institut spécialisé d’éducation surveillée «pour la durée d’une formation professionnelle». Comment se déroula cette formation professionnelle ?

Un éducateur conduisit Secundus jusqu’à l’établissement par une belle matinée. L’accueil fut-il insuffisamment chaleureux, la soupe médiocre, le lit trop dur ? Le soir même, Secundus déçu quittait l’établissement. Le Directeur de l’Etablissement qui était blasé porta la mention «en fugue» sur le dosier et à quelques temps de là rendit compte au Tribunal qui avait ordonné le placement. Sans désemparer celui-ci donna main levée du placement et de la formation professionnelle.

Au total, la Police intervint donc 27 fois. Le Tribunal 29, car il y eut deux oppositions, la Cour d’Appel une fois.

 

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Conclusion sur ces deux cas et les autres qui leur sont semblables :

 

                La «délinquance juvénile». La prétendue «explosion de la délinquance juvénile» est là tout entière.

 

                La véritable immunité instituée en faveur de ces mineurs se traduit par une indifférence explicitement méprisante et goguenarde des jeunes délinquants à l’égard de la Police et de la Justice. Imaginez ce que peut être pour des policiers le fait d’arrêter 27 fois le même jeune qui sera remis en liberté dans les plus brefs délais. Là où on aurait dû voir une ou deux fois ces braves «enfants», on les a vus 22 et 27 fois. Mais les statistiques du Ministère de l’Intérieur comme celles du Ministère de la Justice sont anonymes. Tout ce qu’elles révèlent, c’est qu’on a arrêté (27 + 22) 49 jeunes délinquants… Une fois de plus, nous répétons qu’il n’y a pas augmentation du nombre des délinquants mais seulement augmentation du nombre des délits commis par les délinquants d’habitude parce que les peines sont trop courtes.

 

                Le manque de moyens de la Justice.

Qui soutiendra que la Justice qui peut se permettre de juger 49 fois deux individus, d’une manière parfaitement inutile, pour rien, sans jamais s’occuper de savoir à quoi cela sert, ce qu’il en résulte, sans essayer autre chose, manque de moyens !

 

                En fait, que se serait-il passé si ces jugements n’avaient pas été rendus ? Rien d’autre que ce qui s’est passé. Primus et Secundus ont commis chacun environ 200 vols. Ils ont été arrêtés une vingtaine de fois. Peut-on dire que, au moins, ils n’ont pas volé les jours où ils ont comparu devant le Tribunal ? Même pas. J’en ai connu qui volaient une voiture, celle du Président qui l’avait condamné…  «Si j’avais su, j’en aurais pris une autre…» s’exclama-t-il avec regret mais sans remords lorsqu’il connut l’identité de sa victime…

 

 

                Une personnalité posait récemment la question de savoir si la Justice doit être efficace…

 

                Nous laisserons à nos lecteurs le soin de conclure.

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