LA DUREE DES PROCEDURES D'INSTRUCTION.

E.M. FONTAINE



 

Tel un serpent de mer, ce sujet revient "à la une" à chaque saison. Journalistes de la Presse écrite, commentateurs de la Radio s'emparent de l'affaire, la traitent avec autorité en s'indignant (ils ont parfaitement raison), en révèlent les responsables, en général le juge d'instruction, (ils se trompent), et un nouveau sujet vient accaparer leur sagacité, laissant le problème posé sans solution.

La durée des informations a été agitée encore une fois cette semaine, deuxième d'Octobre 2000. Madame Eva Joly, distingué et éminent juge d'instruction au TGI de Paris avait confié à un journaliste qu'elle manquait de moyens pour régler "l'affaire du Crédit Lyonnais". Mr Forni, président de l'Assemblée Nationale, effrayé sans doute que quelque parlementaire pût la prendre au sérieux et demander une augmentation spéciale du budget de la Justice, peut-être à prendre sur la "cagnotte", répondit vertement en substance que "si Madame Eva Joly se préoccupait moins de prendre des poses médiatiques, l'affaire du Crédit Lyonnais avancerait plus vite".

Peu après M. Bernard Guetta, chroniqueur à France Inter s'indignait -avec plus de raison- que toutes les procédures d'instruction, même les moins importantes fussent si longues.

S'il veut bien me prêter une oreille complaisante, je vais essayer de lui expliquer pourquoi, à mon avis, il en est ainsi et pourquoi, en l'état, il ne peut en être autrement

Fidèle à notre ligne de conduite à la Société de Criminologie Expérimentale, nous allons ensemble analyser quelques procédures, telles que nous les avons connues et pratiquées pendant plusieurs décennies.

Prenons l'affaire qui parait bien la plus simple, un vol à la tire.

Dans le Métro, un Etranger pousse un cri, il vient de s'apercevoir que le jeune homme qui se pressait contre lui, vient de lui subtiliser son portefeuille. Un voyageur voisin devine que le voleur a passé le portefeuille à un autre jeune. La rame vient de s'arrêter, les portes s'ouvrent, les deux jeunes gens prennent la fuite. Pas de chance deux policiers étaient là, maîtrisent les délinquants. Le portefeuille est retrouvé au sol. Le Métro est retardé le temps de prendre l'identité des témoins, de la victime qui sont convoqués à quelques heures au Commissariat et les jeunes gens emmenés. La Police ouvre une procédure de "flagrant délit", la plus sommaire qui existe.

Les Policiers fouillent les délinquants, assurément des débutants, puisqu'ils trouvent leurs adresses. Ils savent qu'une perquisition là, leur en apprendra beaucoup.S'ils n'avaient trouvé cette adresse que les deux jeunes auraient cachée aussi longtemps que possible, la famille ou les amis auraient eu le temps de "faire le ménage".

Effectivement, comme toujours, on y retrouve cinquante, cent objets qui ne peuvent qu'avoir été volés: cartes de crédits, cartes grises, permis de conduire, appartenant à des Français ou à des Etrangers, briquets de marque en métal plus ou moins précieux, etc.

Retour au Commissariat, garde à vue, premier interrogatoire.

Les deux jeunes gens ne comprennent pas pourquoi ils sont là. Ils s'étonnent et sont indignés car ils n'ont rien à se reprocher: alors, quoi? Ce qu'on a trouvé à leur habitation n'est pas à eux, ils ne l'ont jamais vu...C'est quelqu'un qu'ils ne connaiossent pas qui les a apportés... peut-être la Police...

Audition de la victime et des témoins, rapide enquête sur la famille, examen par un enquêteur social, conduite au dépôt et mise à la disposition du Procureur de la République.

L'affaire est particulièrement simple car les deux hommes sont majeurs de 18 ans, français, pas de rébellion etc. L'affaire a été rondement menée et "ficelée" en 24 heures.

Que fait le Procureur? Il pourrait les présenter au tribunal, audience des flagrants délits pour le vol dans le Métro ou ouvrir une information qui couvrira tous les faits et les faire conduire devant un juge d'instruction désigné (en général à tour de rôle) par le Président du Tribunal.

Eh bien il va ouvrir une information, je dirai même qu'il ne peut pas faire autrement.

Car nos deux lascars qui ont pu communiquer soit pendant le transfert soit pendant leur séjour au "Dépôt" où ils ont attendu leur comparution devant le Procureur, se sont décidés à faire des déclarations: ils ont volé, c'est vrai, mais ils y étaient obligés par un homme de la Mafia. Tout ce qui a été retrouvé chez eux, lui appartient etc. mais ils avaient peur de le dire aux Policiers...Pendant ce temps le B1 du casier judiciaire est arrivé: les deux "intéressés" ont déjà été condamnés avec sursis (dont un avec probation) à de courtes peines et auraient dû être placés jusqu'à leur majoritédans un établissement spécialisé.

Il faut donc éclaircir tous ces points, retrouver les victimes de tous les vols, identifier l'homme de la Mafia...s'il existe. Comment prouver d'ailleurs qu'un homme de la Mafia n'existe pas...

Et le Procureur de requérir du Juge d'instruction un mandat de dépôt pour garantir la représentation des prévenus qui n'ont pu établir qu'ils ont un domicile régulier ou un travail.

Le juge d'instruction les entend. Ils acceptent de répondre, assistés, par un Avocat de permanence. Le juge d'instruction obtient des résultat concrets: selon le premier des prévenus l'homme de la Mafia est un grand brun appelé Momo. Selon le second, c'est Dédé, un petit blond.

Y aurait-il deux hommes de la Mafia?

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Vient le débat sur la mise en détention (qui sera prochainement confié à un autre magistrat que le Juge d'instruction): systématiquement l'Avocat demande la mise en liberté; les deux prévenus, fait-il valoir, ont manifesté leur bonne foi et leur bonne volonté en dénonçant au péril de leurs vies Momo et Dédé et en donnant leurs signalements (!). Ils s'engagent à se tenir à la disposition du juge pendant la procédure qui sera longue...D'autant plus qu'ils espèrent trouver bientôt du travail. Ils étaient sur le point d'avoir un contrat mais ne se souviennent plus de qui. Enfin, il le souligne avec force et insistance la détention ne peut être que l'exception et la présomption d'innocence est de droit.

Le Juge d'instruction est d'un naturel sceptique, il ordonne la détention et sur l'heure, déjà tardive, car tout cela a pris du temps il donne une commission rogatoire au service de Police qui a commencé l'affaire, d'identifier tous les auteurs et complices, toutes les victimes, délai d'exécution deux mois .

Dès le lendemain il demande le rapport qui a dû être établi sur les deux placements. Il reçoit quinze jours plus tard le premier rapport: le jeune a fugué, avis en a été donné au tribunal.

Deux semaines plus tard, le second rapport parvient à son tour: le jeune a disparu en emportant les affaires de son compagnon de chambre. Il était très agité, instable, violent. Le Centre de placement parait soulagé de ce départ.

Le Juge décide donc d'entendre les deux prévenus, son emploi du temps ne lui permet pas de le faire avant deux semaines, au fond de l'affaire d'abord, sans résultat, puis sur leurs placements. Celui qui avait été qualifié d'instable etc. le parait bien, peut être débile; pourrait-il simuler? On ne peut juger un simple d'esprit comme n'importe qui.

Que faire sinon nommer deux experts en psychiatrie? Délai deux mois. Quinze jours plus tard, lettre d'un expert demandant à être déchargé, pour raison de santé. Nomination d'un nouvel expert et prolongation du délai de quinze jours.

Après deux mois de procédure, premier envoi du Service de Police qui signale avoir entendu 20 des victimes dont le nom apparaissait dans la procédure. Sept autres n'ont pas répondu. Sur les 20 premiers, il y avait quinze vols à la tire. Deux documents avaient été volés dans des voitures dont un avec la voiture elle même, vol signalé et plainte déposée, procédure jointe. Les Etrangers dont les papiers avaient été retrouvés n'ont pas encore répondu, quant aux briquets Dupont et Dunhill, aucune plainte ne les vise à ce moment. Les Policiers demandent un nouveau délai pour achever leur mission...

Un mois plus tard nouvel envoi du service de Police: il a été possible de retrouver la plainte déposée par un Anglais: au moment oû il démarrait, il a été arraché de son siège et jeté en bas de la voiture par trois jeunes gens qu'il déclare pouvoir reconnaître. Sa voiture a été retrouvée quelques jour plus tard et lui a été remise.

La victime anglaise est aussitôt convoquée, les rapports d'expertise sont notifiés aux prévenus, Par chance l'Anglais vient souvent en France. Il reconnaît les deux jeunes gens parmi une douzaine d'autres et confirme qu'il y en avait bien un troisième...dont il donne un signalement assez précis. Copie du procès-verbal est envoyée à la Police.

Mais six mois se sont écoulés sans que l'affaire puisse être considérée comme terminée et renvoyée devant le tribunal. Les deux jeunes gens sont donc remis en liberté. C'est la Loi. Selon la Tradition française ils ne seront pas incarcérés à nouveau par le Tribunal.

J'arrête ici le récit de cette affaire qui prendrait encore deux pages pour être complet. Les prévenus ne se présentèrent pas au jugement, ils furent condamnés par défaut. Ils firent opposition, rejugés ils firent appel...pour être condamnés en définitive à une peine qui ne couvrait que la détention provisoire.

Pour en revenir à la durée de l'instruction, dans toute cette affaire, tous les Services ont été remarquablement diligents, les témoins de bonne volonté et pourtant deux garçons présumés innocents ont fait six mois de détention provisoire. L'affaire s'est ensuite poursuivie sans la priorité accordée aux affaires avec détenus.

Vous imaginerez facilement ce que peut être une affaire compliquée, ne parlons pas d'affaires monstrueuses comme celles du Crédit Lyonnais, d'Elf, des écoutes téléphoniques, ou d'affaires criminelles etc. mais simplement d'affaires où des expertises techniques, comptables, des investigations à l'Etranger sont nécessaires. Néanmoins dans cette petite affaire qui vous a été contée, vous trouverez tous les éléments qui prolongent les procédures et les détentions provisoires. Ils sont le fait :

- de la loi, de la tradition et d'un phénomène relativement nouveau , la "complexification", bientôt la "globalisation" des affaires.

Il fut un temps où la Justice française était rapide et les peines étaient longues. Il n'y avait pas de peine de prison, seulement des locaux où les suspects étaient gardés à la disposition de juges, le temps d'une brève instruction, ensuite c'était la peine, corporelle,le pilori, les galères etc.

La loi mettait à la disposition de magistrats des moyens dont ces derniers n'abusaient pas. Je veux parler de la "question, ordinaire et extraordinaire". Il faut cependant savoir que les juges l'appliquaient avec modération, que le seul fait qu'elle existait amenait les suspects à se confier rapidement, que les juges savaient reconnaître les aveux consentis par peur, des aveux sincères et qu'ils furent les premiers à demander la suppression de cette mesure d'investigation qu'on leur reprochait beaucoup. Je ne plaide pas pour le rétablissement de la question ou des peines corporelles, je crois seulement qu'il faut se placer à l'époque où elle existait pour en mesurer l'efficacité.

De même les magistrats n'hésitèrent pas à s'opposer au Roi lorsque celui ci, par ses services, émit la prétention de prolonger le séjour des condamnés aux galères par ce qu'il avait besoin de rameurs pour lutter contre les infidéles. Non, s'indignèrent-ils, nous avons dit vingt ans, pas un jour de plus!


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DIFFICULTES ISSUES DE LA LOI.

Rien ne vint remplacer la Question.

Pourtant, il y avait des dispositions que le législateur français a refusées alors qu'elles sont d'un usage courant ailleurs.

Le serment.

Une disposition particulièrement malheureuse fut adoptée en France, à l'opposé des pays anglo-saxons. En France, la personne inculpée n'est nullement prévenue de ses "droits constitutionnels" que tous les amateurs de polars connaissent bien: le juge d'instruction prévient seulement la personne qu'il inculpe des faits qui lui sont reprochés, d'une manière aussi précise que possible quant à leur nature, la date et le lieu de leur commission et les peines encourues. Il l'avertit qu'elle peut s'expliquer tout de suite mais qu'il lui est aussi possible d'attendre pour le faire d'avoir choisi son avocat (et d'avoir préparé sa défense avec lui). A partir de cet instant l'inculpé peut raconter tout ce qu'il veut, tout ce qui lui passe par la tête et il lui en passe beaucoup: il ne prête pas serment de dire la vérité et ne peut donc être condamné pour avoir menti à défaut de l'être pour les faits reprochés. Il ne saurait même lui en être tenu rigueur.

Bien souvent aux USA, des affaires importantes se terminent par une condamnation pour faux serment ou pour fraude fiscale.

Dans les pays anglo-saxons, l'inculpé qui ne veut pas être un témoin contre lui même, peut refuser de répondre, c'est son "droit constitutionnel"; cela fait en général mauvais effet, mais surtout, il ne peut inventer successivement une douzaine d'histoires, pour égarer les recherches et surtout faire perdre du temps. Vous vous souvenez sans doute de cet homme politique du Midi, le "Parrain du Var"se produisant à la Télévision pour affirmer avec des accents déchirants qu'il n'avait jamais, vraiment jamais, eu seulement l'idée de placer de l'argent en Suisse etc. etc. C'est bien simple, il était indigné! Et son avocat d'en rajouter.

Six mois plus tard, un record de coopération avec le Procureur de Genève, l'enquête établissait qu'il avait bien donné, en Suisse, à chacun de ses quatre ou cinq enfants, un million. De francs d'origine incertaine. C'était au moins un bon père.

A défaut du serment ou du silence, en France rien n'invite l'inculpé, au contraire, à coopérer avec la Justice, ce qui serait déjà un signe de repentance..faute avouée est à moitié pardonnée! Bien au contraire, s'il coopère ou avoue, il ne lui en sera tenu aucun gré, je dirai même que sa situation sera pire, puisque lui au moins, on saura qu'il est coupable. D'où le conseil aux générations futures du boucher Avinain montant à l'échafaud: "n'avouez jamais!". Il a été entendu et son appel résonne encore avec l'écho, au fond des vallées et des cabinets d'instruction.

Je ne parlerai pas ici du témoin assisté (d'un avocat) qui préfère s'expliquer sous la foi du serment avec les risques inhérents, pour éviter d'être inculpé -alors qu'il existe des raisons de le soupçonner.

- l'inculpation en France est trop souvent comprise par le public comme une déclaration de culpabilité. Le but de la loi était à l'opposé: en inculpant une personne de faits précis, on la mettait en mesure de se défendre, on lui donnait accès au dossier, on lui permettait d'être assistée d'un avocat: Dieu sait si c'est précieux, quand tout le monde vous abandonne de savoir qu'il y a au moins une personne pour vous soutenir ! C'est le contraire de la procédure qu'observaient les Inquisiteurs qui "tournaient autour du pot" en dissimulant l'objet réel de leurs questions.

Si le juge d'instruction venait, par mauvaise analyse de son dossier, à entendre en qualité de témoin une personne sur laquelle pèsent des présomptions de culpabilité, la sanction serait très lourde, ce serait l'annulation de toute la procédure qui a suivi cette audition! L'inculpation est un droit! Et il faut reconnaître qu'en général elle est faite à bon droit.

J'en parlerai certainement plus tard, du témoin assisté, quand la pratique actuellement très rare et presque réservée, sera devenue plus fréquente.
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Le témoin du Roi.

Les plus beaux exemples de cette pratique se trouvent dans la jurisprudence anglaise.

Lorsque plusieurs inculpés se trouvent poursuivis dans une même affaire, le premier qui racontera tout deviendra " le témoin du Roi" et sera à l'abri de toute poursuite. Pas à l'abri de la vindicte des amis qu'il a dénoncés, mais ceci sera une autre histoire.

Le témoin du roi doit prendre garde à ne rien oublier car il ne sera exonéré de toute peine que pour les faits qu'il a dénoncés...Un exemple célèbre concerne une bande de brigands qui avaient tué et volé au 19°. L'un d'eux prit le risque vis à vis de ses complices de tout avouer. C'est librement qu'il fut entendu comme témoin et dénonça ses anciens amis. Quand le procès fut terminé, on s'aperçut qu'il avait omis de parler du vol d'un cheval, ce qui a l'époque était puni de mort. Il eut donc droit à procès loyal et fut pendu...

La transaction avec le Procureur.

Cette pratique est typiquement américaine et sert tous les jours.

L'initiative peut venir de l'inculpé ou du procureur. Il y a un véritable marchandage entre la partie publique et la personne poursuivie: "dénoncez vos complices et vous ne serez poursuivi que pour des faits qualifiés moins gravement...ou pas du tout..." On se met d'accord ou non. Quand l'accord est fait, il n'est pas tenu secret et il est respecté.

Evidemment quand la procédure établit bien les faits, tout marchandage est inutile. On ne marchande pas non plus avec celui qui parait le plus coupable, mais de préférence avec un comparse...

En France de telles pratiques sont inimaginables et impossibles.

Aux USA elles sont normales et paraissent bien justifiées: le marchandage permet d'aller au bout de procédures qui, peut-être, n'aboutiraient pas. Il fait économiser du temps et de l'argent.

Celui qui en a bénéficié ne perd rien pour attendre et il n'en a pas fini avec ses complices...

Le juge d'instruction

C'est une invention française. En Grande Bretagne, toute l'instruction de l'affaire est conduite par la Police, aux U.S.A. par le Procureur.

La mission du juge d'instruction est bien définie: il manifeste la vérité. Pour ce faire, il instruit à charge et à décharge c'est à dire qu'il ne peut se contenter de retenir tout ce qui est en défaveur d'une personne sans examiner aussi ce qui pourrait faire tomber ces présomptions de culpabilité. Le juge d'instruction examine donc tout ce que font les Policiers et Gendarmes qu'il a commis, les experts dont il a précisé la mission et peut leur demander des précisions ou de nouvelles investigations; lui seul entend les inculpés dès qu'il y en a. Il est en quelque sorte le pivot, le maître d'oeuvre de la procédure qui lui a été confiée, tout passe par lui.

Logiquement le juge d'instruction dispose de moyens exceptionnels bien que toujours encadrés par la loi: il peut entrer où il veut, saisir ce qu'il juge utile et priver un citoyen de liberté. C'est quand même peu en regard de ce que peut faire chirurgien. Mais celui ci est autorisé "en connaissance de cause" par son patient. Je ne veux pas opposer deux agents aussi utiles à la Société, mais on doit admettre qu'il y a au moins autant d'erreurs ces deux cotés et personne n'a jamais souhaité supprimer la chirurgie.

N'oublions pas que le Procureur a un droit de regard: à tout moment il peut se faire communiquer la procédure, adresser des réquisitions au Juge d'instruction. Il peut même, c'est normal puisqu'il est une partie (publique), demander à être convoqué aux interrogatoires, transports sur les lieux, reconstitutions. A la fin, le Procureur examinera toute la procédure et prendra des réquisitions de non lieu, de poursuite s'il estime que quelque chose peut encore être fait ou de renvoi de l'affaire devant la juridiction de jugement si elle lui parait terminée.

Le Juge d'instruction devra toujours répondre par une ordonnance(qui est un jugement). Si l'ordonnance n'est pas conforme aux réquisitions du Procureur, l'affaire sera portée devant la Chambre d'accusation, émanation de la Cour d'appel qui tranchera.

On comprend sans difficulté que ce passage à chaque étape par le cabinet du juge d'instruction est une source de retard: si une des parties souhaite une mesure d'instruction, par exemple la vérification d'un état civil, de la situation de l'inculpé (il travaille ou non, il vit en concubinage, avec une "créature", il est saoul tous les soirs, etc.), la vérification pourrait être faite par un expert, par la Police, par une enquête de voisinage ou à la Mairie, par un "privé", etc

Passer par le juge donnera une garantie de neutralité dans le choix de l'expert ou du service, mais les parties pourraient aussi choisir l'expert sur la liste du tribunal; les "privés" peuvent aussi respecter la déontologie pour conserver leur licence etc. donc le bénéfice de l'intervention du juge n'est pas aussi évident qu'il y parait. Par contre, même si le juge est diligent, les transmissions ne sont pas toujours rapides (les services de Police suivent souvent la voie hiérarchique), ils ne sont pas maîtres de leur temps comme l'est un privé. Si tous les experts inscrits sur la liste se valent, au moins théoriquement, il en est de plus diligents ou de moins occupés. Enfin, il faut le reconnaître, les effectifs administratifs sont très souvent insuffisants: combien de fois, impatient de commencer mon instruction je demandais à un expert ou à la Police où en étaient les investigations et on me répondait qu'on n'avait pas encore commencé! Un tel retard est infiniment préjudiciable à la manifestation de la vérité: pendant que la recherche de la vérité piétine du côté de la justice, elle s'active du côté de la délinquance: les preuves disparaissent, les témoins sont circonvenus, les comptabilités sont falsifiées. Croyez-vous que "l'état des lieux" soit le même après seulement quelques mois? Qu'en sera-t-il après quelques années ! S'il fallait cent heures d'investigation tout de suite après le crime, mille ne suffiront pas deux ou trois ans plus tard. Le retard par suite de l'insuffisance de personnel judiciaire ou policier au début engendrera par lui même un retard beaucoup plus important et rendra la pénurie de moyens encore plus criante...

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Le travail du juge consiste donc à mâcher l'affaire pour qu'elle puisse être jugée sans difficulté. Au terme de son instruction, plus rien ne devrait manquer...Il en résulte une double obligation, contradictoire, faire vite et faire complet. Quand le juge d'instruction a refermé son dossier, s'il y a un détenu, l'affaire sera rapidement portée à l'audience, à un mois ou deux, sinon il y en aura pour plusieurs mois.

Avant la dernière guerre, un juge d'instruction traitait en moyenne par an une cinquantaine de dossiers dont une ou deux affaires criminelles, quelques vols de lapins ou de linge étendu dans une cour, des grivèleries, etc. Ce qui lui donnait le temps d'aller dîner en ville...

Ces dernières années un juge d'instruction avait à son cabinet trois cents affaires dont une douzaine criminelles ou d'importance équivalente. Pour ne pas être étouffé, il devait en régler une par jour ouvrable! D'après ce que j'ai entendu dire, rien ne s'est arrangé ces dernières années.

Je n'ai parlé jusqu'à présent que du juge; il existe pourtant au cabinet d'instruction une autre personne sans laquelle le juge ne peut rien faire et sans le concours de laquelle le juge est absolument désarmé: le greffier! Celui-ci est d'abord un témoin de tout ce que fait le juge, pour sa garantie et celle des parties à l'instance. Une visite des lieux par le juge seul, sans convocation des parties et sans le greffier est inimaginable.

Même si souvent, pour la compréhension de ce qui a été ditlors d'une audition, c'est le juge qui dicte le procès verbal en exprimant de la manière la plus compréhensible ce que vient de dire, souvent en charabia et heureusement avec force gestes, la personne interrogée, il doit en respecter scrupuleusement le sens. Si le juge trahissait, involontairement, bien sûr, ce qui vient d'être dit, le greffier devrait en faire la remarque, car c'est lui qui note ce qui est dit et l'authentifie. C'est le greffier qui tient en ordre les dossiers, les scellés, le tableau des détenus, celui des affaires, pour qu'aucun délai ne soit passé, qui envoie les convocations, tient à jour le double du dossier, doit connaître parfaitement la procédure pénale pour éviter les causes de nullité (scellés mal faits ou incomplets par exemple) etc. c'est dire l'importance de son rôle! On peut dire que le greffier assure au moins la moitié du rendement du cabinet d'instruction.

Il faut encore souligner que les fonctions du juge d'instruction sont les plus lourdes et les plus difficiles de toutes celles exercées dans un tribunal. Il est seul, mais heureusement assisté d'un greffier qui peut être le meilleur conseil.

On ne peut devenir bon juge d'instruction sans avoir siégé quelques années à l'audience, c'est à dire sans savoir, d'expérience, les difficultés qui se présenteront au moment de juger.

Pourtant, je vais vous surprendre, les vocations pour aller à l'instruction sont de plus en plus rares... alors que fait-on ? Faute de volontaire c'est souvent un jeune qui sera désigné. Avec un peu de chance, il sera assisté d'une jeune dactylo à qui on aura fait prêter le serment du greffier pour toute formation. Et cette belle équipe va se trouver à la tête d'un cabinet en déshérence depuis trois mois car la nomination du juge en remplacement de celui qui est parti a tardé. Si pendant quelques mois aucune affaire réellement grave ou difficile ne se présente, peu à peu la jeune équipe va se rôder et comme elle est toujours pleine de dévouement, tout va se mettre en place. Il n'est pas interdit à un juge d'instruction comme au greffier avec lequel il a en général les meilleures relations (heureusement, car il passe plus de temps avec lui qu'avec sa femme -ou son mari, bien entendu- d'aller demander conseil au collègue du cabinet voisin et qui est plus ancien.

Mais que survienne une affaire hors du commun, qu'il n'y ait pas une bonne entente entre le juge, le président et le procureur, tout est perdu, rien ne permettra d'éviter les nullités, de retrouver les indices piétinés, le dossier oublié ou perdu pendant des années.

Récemment quelques affaires de ce genre ont défrayé la chronique. On peut se demander ce que faisaient dans le même temps le procureur et même les parties civiles...Car à tout moment le procureur peut demander communication d'un dossier ( il lui sera envoyé un double complet pour éviter tout retard), mais les parties civiles peuvent rendre visite au juge d'instruction, demander à consulter le dossier et en tirer les conséquences.

Il faut bien le reconnaître, au rythme qui leur est imposé, il n'est pas question pour le Juge et le Greffier de ne pas être solides au poste, aguerris, disponibles, pas question de rester au lit pour soigner sa petite grippe (ou celle du bébé) ou le bras cassé aux vacances de Février, alors que des détenus ont été extraits de prisons souvent lointaines, que des témoins ont fait 100 kilomètres pour répondre à une convocation, que les avocats ont perdu leur journée ( eux aussi viennent souvent de loin) etc. Une grossesse, bien légitime et souhaitable en soi, du juge ou du greffier, ou des deux, ce qui prouve qu'ils ont encore une vie privée, est souvent une cause de retard car les remplacements ne sont pas faciles...

Dans ces conditions, le principe même du juge d'instruction est-il le meilleur ?

S'il arrive qu'il ne puisse pas prendre connaissance le jour même du courrier et décider aussitôt les mesures nécessaires, la présence du dossier à son cabinet sera prolongée d'autant. Qu'il soit absent quelques jours, ce sont TOUS ses dossiers arrivés "à maturité"qui prendront autant de retard. Aux termes du code pénal le juge d'instruction devrait pouvoir demander l'extraction d'un détenu et sa comparution sous quarante huit heures: 24 pour l'acheminement de la convocation et 24 pour que l'avocat puisse prendre connaissance du dernier état du dossier...Si un juge s'amusait à ce jeu, il serait mis à l'index par les avocats: le courrier met souvent quarante huit heures pour être distribué dans Paris même et l'emploi du temps des avocats est encore plus chargé que celui du juge. Souvent dans les affaires pourtant à peine importantes, le juge téléphone à l'avocat et tous deux conviennent d'une date.

Quand il y a plusieurs avocats c'est la Date La Plus Proche qui convient à tous qui est retenue: cela n'abrège pas les instructions. Pourtant les gros cabinets d'avocats ont toujours des stagiaires qui peuvent boucher les trous. Si les juges pouvaient en avoir aussi, quels progrès! Pour de nombreuses raisons, je pense que c'est la voie que toute réforme devra suivre.

Le Juge d'instruction, juge unique, toujours présent, toujours diligent pour que toute mesure rendue nécessaire soit mise en route à l'instant même, ne devrait-il pas être remplacé par une chambre d'instruction de trois juges dont un chevronné et un débutant, qui pourraient éventuellement se remplacer afin qu'il n'y ait jamais de retard... Ce qui aurait assuré une bonne formation des nouveaux etc. Cette idée de chambre d'instruction n'est pas de moi, ce qui devrait vous rassurer mais elle n'a jamais été adoptée pour autant. Un essai est en cours pour les affaires que je qualifie de monstrueuses: Crédit Lyonnais, Elf, etc, et il paraît que le plus dur est encore à venir!!!

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Je vous ai dit que le Juge d'instruction devait tout préparer pour que le Tribunal puisse juger.

Est-ce aussi simple? Si le juge est inquiet ou perfectionniste, il ne finira jamais son instruction, volontiers soutenu en cela par les inculpés qui repoussent ainsi indéfiniment la date du jugement et en rajoute. Quittes ensuite à se plaindre!

Souvent le juge prendra la précaution, avant de clôturer son dossier de convoquer les parties et de leur demander de déclarer par procès-verbal si elles ont encore des mesures d'instruction à proposer.

Cela n'a jamais empêché certains de s'écrier à l'audience que le dossier est vide et qu'il y manque ceci ou cela ou telle mesure d'instruction qu'il s'est bien gardé de demander avant la clôture de l'information!

Le modèle du genre fut l'affaire du dernier condamné à mort exécuté en France, Renucci, dont l'exploitation donna lieu à un roman et un film, le "pull over rouge", monstrueuse tromperie intellectuelle. Nous y avons consacré une rubrique à laquelle nous vous invitons à vous reporter si le sujet vous intéresse.

Certes, la sélection naturelle chère à Darwin joue rapidement dans l'espèce des juges d'instruction. Les uns se sauvent le plus rapidement possible, quelques uns sont gentiment poussés vers d'autres fonctions, mais il faut qu'ils se soient vraiment faits remarquer, en sorte qu'on en compte peu de "gratinés". On a tout vu, depuis celui qui -sous le coup de l'émotion- embrassait son inculpé Patrick Henri à l'énoncé de l'arrêt qui avait évité la peine de mort à ce dernier, jusqu'au juge pourfendeur du riche notaire des corons, en passant par le juge "spécial inspecteur Harry". Mais la raison a vite repris le dessus, le juge d'instruction est avant tout un juge, ni un pourfendeur ni un chevalier blanc, même si ce n'est pas très médiatique et il ne doit jamais s'impliquer personnellement.

La faiblesse du système français par rapport aux systèmes anglo-saxons est que précisément chez nos amis, nous l'avons vu plus haut, de nombreuses diligences peuvent être accomplies très rapidement par des organismes privés (notamment tout ce qui pourrait être à décharge et demandé par l'inculpé): enquêtes par des policiers privés, expertises par des laboratoires ou des psychiatres mis en mouvement par les parties etc. Souvent la conviction du jury se fera sur le succès d'un avocat qui aura mis en difficulté un témoin ou un plaignant à l'audience. Cela veut dire que celui qui aura l'avocat le plus diligent et les moyens de faire procéder aux investigations les plus coûteuses aura le meilleur dossier. Et beaucoup envient le système français plus lent mais plus égalitaire!

A l'occasion de campagnes contre la peine de mort, on révèle aux USA des gens qui ont été condamnés à mort en quelques mois mais qui attendent ensuite pendant quinze ou vingt ans, de recours en rejets, que le moment de l'exécution arrive. Alors des étudiants en droit retrouvent en une semaine des témoins qui se souviennent parfaitement ce que le condamné avait fait quinze ans plus tôt, dans la nuit du crime et lui fournissent un alibi! Merveilleuse Amérique...capable de tous les miracles.

Vous vous êtes peut-être demandé pourquoi nos deux détenus de tout à l'heure avaient été mis en liberté. C'est une disposition légale: trouvant que les procédures d'instruction étaient trop longues, les parlementaires ne se sont pas demandé pourquoi, ils les ont limitées à six mois... Malheureusement ils ont obtenu l'effet inverse! En effet, nos deux gaillards savaient bien qu'ils encouraient beaucoup plus de six mois d'emprisonnement: ils ont donc tout fait pour compliquer l'affaire et se sont retrouvés en liberté au bout de six mois sachant que selon la tradition, encore une fois, il y avait peu de risques que le tribunal prolonge leur peine et les remette en prison pour quelques semaines ou quelques mois, comme nous allons le voir.

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DIFFICULTES ISSUES DE LA TRADITION

Connaître l'affaire dans son ensemble, c'est une tradition française plus forte que tout. "Tout connaître pour tout pardonner".

La difficulté de la petite affaire dont je vous ai parlé, vous l'avez constaté, vient de ce que le Procureur ne pouvait pas, compte tenu de la Tradition, faire juger le vol dans le Métro séparément de tout le reste en saisissant le tribunal en flagrant délit: Il aurait pu dire " le troisième homme sera jugé séparément quand nous l'aurons retrouvé", ou encore "tout ce qui n'est pas flagrant fera l'objet d'une information". L'affaire aurait été terminée en moins d'une semaine, il n'y aurait pas eu de détention provisoire.

Jugés, les deux gaillards n'avaient plus aucun intérêt à compliquer ou prolonger l'enquête de ce qui restait à juger...Au contraire, car ils n'étaient pas assurés que la nouvelle peine à prononcer serait confondue avec la première...

La Tradition veut encore que tous les protagonistes soient identifiés. Je me souviens des affaires nées aux débuts du cinéma porno. Elles n'étaient terminées que lorsque tous les intervenants étaient identifiés: le producteur, le réalisateur, le scénariste, le metteur en scène et les acteurs et actrices, bien sûr, mais aussi les costumiers (?), les décorateurs, les peintres...Heureusement que le monde du porno est petit car nous n'y serions jamais arrivés autrement. Quand enfin tout ce beau monde était identifié, confronté, s'était expliqué, l'affaire venait à l'audience, deux ou trois ans après les faits, et c'était alors un jeu pour les avocats de montrer, revues illustrées en mains, que la pornographie avait fait de tels "progrès" que les faits à juger n'étaient qu'amusements d'enfants de choeur! Ils ne soupçonnaient pas à l'époque, ce qui se passait dans certains choeurs...Alors tout ce bel édifice juridique se terminait par quelques mois de prison avec sursis, amnistiables et plus souvent des amendes dérisoires. Beaucoup de bruit pour rien ! Une solution fiscale a été trouvée pour le porno et la Société ne s'est pas écroulée.

La caution.

Bien que prévue par la Loi française, elle est très rarement employée en France pour garantir la représentation des inculpés.

On lui reproche généralement d'être inéquitable car seuls les riches pourraient la payer. Je crois que c'est plutôt une peine supplémentaire pour eux car si le jugement qui interviendra est équitable, ils feront autant de prison que les "pauvres" et auront payé la caution (qui leur sera remboursée puisqu'ils se seront présentés à l'audience, mais il faut parfois, même quand on est riche, vendre ou hypothéquer un bien ou un portefeuille pour payer une caution importante).

Ce qui manque en France c'est la présence d'organismes qui feraient l'avance (risquée) de la caution moyennant un intérêt probablement légèrement usuraire et surtout s'emploieraient à la récupérer en cas de disparition du prévenu ( par un privé, bien entendu, on n'encombre par la force publique par des affaires de ce genre).

En tout cas elle assure bien la représentation des prévenus, coûte moins cher que le bracelet électronique, fait moins de dégâts que la prison en cas de non lieu mais ne la remplace pas lorsque les prévenus sont dangereux.

Dans certains cas elle est avantageuse pour tous. Je me souviens d'un personnage du show biz que je "gardais près de moi", à Fresnes, car il avait escroqué, disaient les plaignants avec quelque apparence de sérieux, des sommes considérables et n'avait ni emploi ni domicile fixe. A l'occasion d'un interrogatoire il me demanda en minaudant si je n'accepterais pas de lui accorder une liberté sous caution: -comment pourriez- vous la payer alors q ue vous prétendez n'avoir rien gardé des sommes ...empruntées? -Oh, vous savez, me répondit-il, je leur dois plus d'un milliard, ils me prêteront bien un ou deux millions! Pris au mot, il régla bientôt les deux millions, sortit de prison pour se retirer dans un grand hôtel parisien :il avait besoin de luxe. Quelques jours plus tard j'eus la visite de ses victimes qui me dirent avec quelque gêne qu'il y avait eu beaucoup de malentendus dans cette affaire.

Et bientôt ils retirèrent leurs plaintes.

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La "globalisation"

Je crois pouvoir affirmer que le monde a changé, dans tous les domaines depuis les années 50 et que la criminalité est celui qui a changé plus que tous alors que le monde judiciaire s'accroche à son passé et prétend lutter contre la délinquance avec les techniques du 19° siècle, des lois du 18° et un esprit évangélique... Permettez moi de m'expliquer.

Naguère, on volait une voiture pour s'en servir un moment, à la rigueur pour la maquiller et la conserver. Aujourd'hui des filières volent des voitures et dans l'heure les passent à l'étranger.

Des milliers de voitures par an!

Quand une information de ce genre vous arrive et qu'un des inculpés se met à parler vous êtes bon pour un dossier en plusieurs tomes gros comme des annuaires du téléphone.

Pour en finir avec l'automobile, faut-il parles des dix mille accidents mortels, des vingt mille accidents avec handicap grave ...des carambolages mettant en cause plusieurs dizaines de voitures! Pouvez-vous imaginer ce que peut-être un dossier à cinquante inculpés, cent victimes.

Les moeurs ont parait-il changé. Le sexe a été libéré, pourtant les prostituées sont toujours aussi exploitées, asservies, méprisées. Ce qui a changé c'est seulement les techniques du proxénétisme. Les "Julot-casse-croûte" avaient une ou deux filles sur le trottoir, souvent leur épouse ou leur maîtresse. Ils allaient la chercher en taxi après le "turbin", faisaient au restaurant voisin un bon petit repas et hop, au lit. Ils l'emmenaient en vacances sur la côte ou à la campagne chez ses parents... Aujourd'hui des bandes internationales exploitent des régiments de filles battues, violées, contaminées, exploitées, les enferment dans des "Eros Centers", leur font traverser les frontières, les déplacent d'un continent à l'autre et lorsque l'une d'elles renâcle, lui coupent la tête et l'envoient à la famille. Les patrons se promènent du fond de l'Albanie aux palaces américains et ne sont jamais inquiétés.

Je ne vous parlerai pas des cartels de la drogue, de l'argent sale qui fait le tour de la Terre en quelques minutes, de paradis fiscal en république ou principauté bananière, les journaux en sont pleins.

J'allais oublier la corruption politique..toujours punies d'une peine avec sursis et deux ans d'inéligibilité après quoi nos gaillards reviennent plus frais que jamais... sur le devant de la scène. Et cela après des années de dénégation, d'indignation vertueuse qui obligent à des années d'investigations, de vérifications comptables, de commissions rogatoires à l'Etranger.

Le terrorisme qui nous est épargné, au moins pour l'heure!

Il faut dire que les Occidentaux en général et les Français en particulier ont bien d'autres soucis: à en juger par les journaux de la Radio de ce jour (France Inter le 3 Novembre 2000)

- la côte de boeuf est-elle menacée?(alors que si les Français se contentaient de temps en temps d'un quignon de pain et d'une sardine ou d'un oignon, ils se porteraient mieux),

- la pollution des plages; un auditeur se plaignait d'avoir vu en 20 ans 3 catastrophes maritimes: "c'est notre vie et celle de nos enfants qui est en danger", disait-il... je ne crois pas que ces trois naufrages aient fait d'autres victimes que des oiseaux de mer (ce qui est bien regrettable) mais en 20 ans, c'est vingt mille morts qui ont été relevés sur les routes et quarante mille blessés graves...

Je pense que les valeurs et les idées doivent retrouver leurs places.

Le respect de la vie doit être assuré, sur la route, quel qu'en soit le prix et la frustration pour ceux qui seront interdits de conduite et de vitesse.

Il faut revoir la politique de la lutte contre les drogues, douces et dures. Rien n'établit que la prohibition soit la meilleure voie, au contraire. La meilleure voie sera sans doute la médicalisation qui coûtera infiniment moins et libérera la moitié des prisons.

Rien ne justifie que les prostituées soient encore traitées comme des pécheresses, hors loi, privées de leur liberté, des droits les plus élémentaires, au moment où il n'est question que de libération des moeurs et du sexe . Il faut leur donner un statut de profession libérale avec les sanctions les plus dures contre les proxénètes.

La République doit retrouver des hommes vertueux pour la servir

Le principe de la prison doit être réexaminé: punition ou précaution contre la récidive? Entre la prison, l'amende et les travaux d'utilité, il existe un immense domaine qui doit être exploité pour une véritable réinsertion des délinquants: apprendre un métier et l'exercer jusqu'à y prendre goût: ceci est à l'opposé de ce qui se fait aujourd'hui où l'on prend de solides gaillards et pour les punir on les enferme dans une promiscuité inadmissible, allongés tout le jour à gamberger et à préparer de mauvais coups pour le moment de leur libération.

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Tout est à revoir encore en ce qui concerne la corruption, les affaires financières, les fraudes fiscales et en tout genre. Peut-on encore supporter que la même peine soit encourue pour un vol de mille francs et une escroquerie de plusieurs milliards !

Pour un homicide involontaire provoqué par le mauvais réglage d'un chauffe-eau qui a tué une personne ou une procédure de fabrication mal conduite de préparation de sang à transfuser ou de farine animale qui en tueront peut-être, à Dieu ne plaise, des centaines!

Toutes les affaires de corruption commises par le personnel politique devraient être punies d'une privation des droits civiques à vie, pour ce genre d'affaires il ne doit exister aucune immunité, aucun privilège de juridiction.

On ne peut imaginer que de telles réformes soient un jour mises en chantier. La seule solution serait évidemment un droit de référendum d'initiative populaire...Il n'est pas pour demain!

Tous les hommes politiques sont bien d'accord là dessus, même ceux qui prétendent que 99 % du personnel politique est honnête. Et qui n'aurait donc rien à craindre.

Il faut punir sévèrement et rapidement ceux qui le méritent, revoir les peines et leur exécution. Qui pourra mettre de telles réformes en route, si le Peuple Souverain n'a même pas concience de leur nécessité?

Je ne puis m'empêcher d'ajouter un mot à propos de la réforme de la Justice dont nous avons vu qu'un premier volet, celui relatif à la "présomption d'innocence" va entrer en vigueur.

Nous savons que tout a changé. Depuis l'Ancien Régime, lentement: Napoléon faisait encore la guerre comme les Romains, à pied ou à cheval. Le changement s'est accéléré au 19° mais comme dans toutes les distributions exponentielles nous connaissons un véritable emballement.

Depuis la seconde guerre mondiale tout parait nous échapper, sauf à quelques uns d'entre nous qui suivent l'évolution avec succès et parfois la devancent!

Les fortunes se déplacent en quelques minutes, les gens vont plus vite que le son, un texte fait le tour de la Terre à la vitesse de la lumière et nous avons toujours la même organisation judiciaire, la même procédure, comme au temps "béni" au 19°: les magistrats étaient nommés après que le Pouvoir se soient assurés qu'ils étaient bien pensants, qu'ils avaient des revenus certains (fonciers ou immobiliers). Il s'agissait en général de fils de notables qui le deviendraient eux mêmes un jour. Ils ne souhaitaient ni avancement dans la hierarchie ni résidence plus agréable. Ils ne recevaient qu'un traitement symbolique et étaient propriétaire du fauteuil qu'ils faisaient porter à l'audience. Leur satisfaction était qu'on leur donnait du Monsieur, alors que les avocats avaient droit au Maître, les huissiers étaient "un tel" etc.

Moyennant quoi ils assuraient une ou deux audiences par semaine avec un rôle de quelques affaires que Racine a bien décrites.

Pour assurer la publicité, toute la procédure écrite des avoués était reprise et développée oralement par les avocats à l'audience. Daumier s'en est donné à coeur joie; il faut bien le reconnaître tout n'a pas encore changé.

Je n'aurai pas l'outrecuidance de proposer des réformes: je pense seulement qu'il faudrait tout mettre par terre et tout repenser:

- Pourquoi des avoués et des avocats,

- pourquoi deux niveaux de juridiction, si on n'a pas confiance dans la première, pourquoi seulement une seconde? On pourrait faire comme au tennis: on gagne aux deux ou trois meilleurs sets...

- si les procédures étaient suivies sur le web, la publicité serait bien meilleure qu'à l'audience et personne n'aurait besoin de se déranger donc pas de perte de temps etc.

Je ne vois qu'une solution, confier cette réforme à une commission européenne...dès que la réforme des institutions sera terminée.

Pour conclure, pour rester dans l'actualité et donner satisfaction tout à la fois à M. Forni et à M. Guetta, pour faire faire des économies à la République, en Policiers comme en Juge, voulez vous imaginer, je vous prie, ce que seraient les procédures d'instruction du Crédit Lyonnais, d'Elf, du Sentier, des marchés de travaux de l'Ile de France et quelques autres si:

LA LOI CREAIT EN FRANCE

- LE SERMENT DE L'ACCUSE,

- LE TEMOIN DE LA REPUBLIQUE,

- LE COMPROMIS AVEC LE PROCUREUR.

Cette réforme ne coûterait RIEN, abrègerait d'une manière inimaginable les procédures et les détentions provisoires.

 

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