LA DELINQUANCE FEMININE

 

E.M. Fontaine

 

 

                Le sujet nous a été suggéré par Madame le docteur Escoffier Lambiotte et c’est avec plaisir que nous avons réuni les éléments suivants.

 

1 – DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PARIS DURANT LA SEMAINE DU 22 AU 28 NOVEMBRE 1965.

 

                Au cours de cette semaine d’observation, 643 personnes avaient été jugées dont 578 de sexe masculin, soit 89,9 % est de 65 de sexe féminin, soit 10,1 %.

 

a) Les faits

 

                Ces femmes ont été jugées de la manière suivante :

 

Vol :          9 condamnations avec sursis de 8 jours à 10 mois (m = 3,2 mois)

                12 condamnations fermes, de 8 jours à 10 mois (m = 5 mois)

 

Escroquerie, abus de confiance :

                  9 condamnations avec sursis de 1 à 36mois (m = 7m)

                  3 condamnations fermes à 3,6 et 24 mois

 

Mauvais traitement à mineur de 15 ans :

                  2 condamnations fermes de 10 et 18 mois

 

Homicide involontaire :

                  1 mois avec sursis

 

Délits de fuite :

                  3 mois fermes

 

Vagabondages :

                  5 condamnations fermes de 8 jours à 1 mois

 

Chèques sans provision :

                  4 condamnations avec sursis, de 8 jours à 3 mois

                  1 condamnation ferme de 4 mois

 

Proxénétisme hôtelier :

                  2 condamnations avec sursis à 1 et 4 mois

 

Proxénétisme :

                  8 mois fermes

 

Avortement :

                7 condamnations avec sursis à 2,5 mois en moyenne

                1 condamnation ferme de 13 mois

 

                Nous avons encore relevé quelques condamnations tout à fait mineures pour outrage public à la pudeur (il s’agissait en général de prostituées surprises «in ipsis veneris rébus» au vois de Vincennes), pour coups et blessures volontaires, détournement de gage, banqueroute (8 jours à 3 mois avec sursis ou amende inférieure à   1 000 F).

   

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                b) L’âge des condamnées

 

                L’échantillon que nous possédons des femmes délinquantes était nettement plus petit que celui des hommes. Pourtant, la distribution en fonction de l’âge est à peine moins nette.

 

                Nous retrouvons les mêmes caractéristiques : une délinquance d’occasion distribuée selon une fonction normale de Laplace entre 18 et 73 ans avec un premier quartile à 23 ans, un troisième à 45 et une moyenne arithmétique à 32 ans.

 

                c) Les récidivistes

 

                Six femmes, primaires en novembre 1965 sont devenues récidivistes soit 9,2 %, ce qui est supérieur à l’échantillon masculin mais s’explique très bien car la proportion des voleurs était plus grande chez les femmes que chez les hommes. Le vol est le délit des jeunes (on commet le délit que l’on peut) et nous avons montré que la délinquance précoce annonce la récidive.

 

2 – DEVANT LA COUR D’ASSISES DE LA SEINE AU COURS DES ANNEES 1953 ET 1958

 

                Avant de donner les éléments que nous avons réunis là, nous devons prendre des précautions.

 

1)       Tant en 1953 qu’encore en 1958, de nombreux meurtres et assassinats ont été jugés dont les auteurs étaient en apparence d’origine Nord-africaine. Il est impossible de na ps penser que les événements politiques de l’époque y étaient pour beaucoup. D’autre part nous savons qu’à la même époque, ces immigrés amenaient rarement leurs épouse avec eux. Nous avons donc décidé d’éliminer toutes les affaires dont les auteurs portaient un nom d’origine maghrébine.

2)       L’expérience montre que la qualification des faits n’est pas toujours celle qu’une exacte application de la loi commanderait. Il en est ainsi du vol avec violences jugé tantôt comme vol tantôt comme violences, du meurtre qui n’est pas «qualifié» alors qu’il était commis à l’occaion d’un autre délit ou pour faciliter la fuite, de l’assassinat qui est disqualifié en meurtre…

 

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A/ Les faits jugés au cours de ces deux années par la Cour d’Assises de la Seine se décomposent ainsi :

 

                a) Meurtres

                Commis par les hommes : 19

                Commis par les femmes :    7

               

 

                b) Assassinats

                Commis par les hommes : 18

                Commis par les femmes :    4

 

B/ Les âges des criminels

 

                a) Meurtriers

                Hommes de 18 à 65 ans : Q1 = 36,5, Q2 = 44, Q3 = 49

                Femmes de 18 à 64 ans : Q1 = 35, Q2 = 42, Q3 = 49

 

                b) Assassins

                Hommes de 18 à 66 ans : Q1 = 24, Q2 = 36, Q3 = 45

                Femmes: 20 – 23 – 47 - 48

 

                Il s’agit à l’évidence de populations très voisines.

 

Conclusions :

 

                Alors que les femmes ne constituent que 10 % de la population condamnée pour délit, elles figurent pour 25 à 33 % parmi les personnes condamnées pour meurtre ou assassinat.

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                Il ne peut pas être ignoré qu’en matière correctionnelle policiers et juges ferment beaucoup plus souvent les yeux sur le rôle de la femme et se bornent à celui de l’homme. C’est plus difficile et rare en matière criminelle.

 

                Il ne peut pas être ignoré non plus que l’amour, le désir, la passion, la haine, la jalousie sont des ressorts très puissants du comportement humain. Très souvent l’homme volera, escroquera, falsifiera, tuera pour une femme, à cause d’une femme. La réciproque sera moins fréquente. Et souvent, si l’inspiratrice n’a accompli aucun acte, elle ne sera pas poursuivie.

 

                La différence – non de nature mais seulement de quantité – relevée entre les délinquances masculins et féminins résulte seulement de l’organisation de notre société et de nos mœurs.

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