CHANGER LA PRISON

 

E.M. FONTAINE

 

 

                Nous avons montré, avec une grande joie, que dans 95 % des cas, la prison était inutile pour les délinquants primaires puisqu’une peine avec sursis était aussi dissuasive pourvu qu’elle fût, conformément à la loi, égale au moins au minimum prévu par les textes.

 

                Or, actuellement, les tribunaux n’accordent le sursis qu’à 50 % des primaires qui leur sont présentés. Quarante cinq pour cent des primaires sont donc punis cruellement puisque inutilement et la place manque pour les récidivistes dans les prisons.

 

                La loi du 17 juillet 1970 a institué le contrôle judiciaire comme substitut à la détention provisoire (voir le cahier n° 3). Le succès n’a pas été à la hauteur des espérances mises dans cette mesure. Pourquoi ?

 

-          Malgré le dévouement des contrôleurs, la personne placée sous contrôle judiciaire n’est pas séparée du milieu où elle vivait avant les faits et le retrouve dès son placement sous contrôle (voyous de banlieue, drogués, alcooliques, etc.).

-          Le plus souvent, la personne placée sous contrôle ne sait rien faire, elle est donc difficile de mettre au travail.

-          Le marché du travail est actuellement difficile, les formations professionnelles insuffisantes en nombre.

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Serait-il impossible de mettre en place une structure qui accueillerait les délinquants primaires ou récidivistes non dangereux et se situerait entre la prison et la liberté ? En utilisant le contrôle judiciaire ? Quelles conditions devrait-elle remplir pour offrir le maximum d’efficacité ?

 

                Si une telle structure existait, elle devrait, pensons-nous :

-          offrir une gamme aussi large que possible de travaux, pour toutes les compétences… ou incompétences.

-          Donner une formation professionnelle assortie d’études élémentaires conduisant au certificat.

-          Etre rémunérée normalement.

-          Délivrer des certificats de travail qui  ne permettent pas de deviner un quelconque placement judiciaire, donc utiliser une main d’œuvre venant d’autres horizons.

 

Tout cela ne serait-il pas possible si une grande œuvre comme le canal du Rhône au Rhin était entrepris ? Toujours promis, toujours remis, il permettrait, semble-t-il, d’ouvrir de nombreux chantiers. Il permettrait de rémunérer normalement les travailleurs et les jeunes délinquants, loin de leurs milieux, pourraient y trouver une formation professionnelle et des cours du soir. Un tel chantier permettrait de donner du travail à des chômeurs du niveau le plus modeste au plus élevé. Personne ne pourrait dire qu’il cherche du travail sans en trouver. Tout se passerait dans la discrétion et la liberté. Si le jeune délinquant justifie qu’il trouve un autre emploi, tant mieux, cela ferait une place pour un autre. S’il abandonne son travail pour faire des «bêtises», peu importe, il aurait aussi bien pu les faire à sa sortie de prison. S’il se conduit bien, il terminera avec un pécule et un bon certificat.

 

On a estimé que ce canal fournirait du travail à 5 000 ouvriers pendant 10 ans !

 

Qui pourrait dire qu’il vaut mieux garder des jeunes dans la force de l’âge couchés à longueur de journée sur des lits de prison plutôt que de leur offrir une grande œuvre à réaliser et la possibilité d’obtenir une promotion sociale ? Car évidemment tous ceux qui voudraient faire un effort obtiendraient le permis de conduire les plus gros engins, les grues ; il faudrait des cuisiniers, des gérants, des comptables, des métreurs…

 

Une telle expérience ne coûterait rien puisque les détenus coûtent fort cher et les chômeurs sont souvent payés à attendre un emploi. Une telle expérience pourrait être mise en place progressivement en cherchant le meilleur dosage délinquants-chômeurs-travailleurs recrutés pour l’encadrement.

 

Nous ne nous cachons pas que certains préféreront la prison au travail libre, que d’autres n’accepteront ce travail que pour préparer de mauvais coups et s’enfuir. Ils retrouveront donc la prison après avoir fait - eux-mêmes – la démonstration qu’ils ne sont pas prêts pour une réinsertion.

 

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