LA
PROSTITUTION DES MINEURS
E.M. FONTAINE
Je viens de relever dans Le Monde du 15 Novembre 2001 un remarquable article de Madame Claire Brisset sur "Les adolescents à l'encan". Si je n'avais pas déjà versé l'article sur l'application de la loi pénale sur le site de la SCE, j'aurais pu l'y incorporer sans aucune difficulté.
De quoi s'agit-il ? Madame Brisset qui se déclare "défenseure des enfants" mérite à ce titre déjà toute notre estime et notre considération. Son témoignage ne peut être mis en doute. Ce qu'elle a vu, chacun de nous l'a vu aussi ou pourrait le voir dès ce soir car il est fait pour être vu: il s'agit seulement de la présence de pré-adolescents, fillettes et garçons de 12 à 14 ou 15 ans, en tout cas mineurs de 18 ans au Bois de Boulogne ou autres lieux réputés pour la possibilité de prostitution de tout genre. Mme Brisset se déplace avec les "Amis du bus des femmes " qui apporte aux femmes et aux hommes sur les lieux de prostitution un peu de réconfort, une tasse de thé, des préservatifs etc. , décrit ce qu'elle voit: des fillettes qui racolent , n'osent pas s'arrêter dans le bus plus de quelques minutes car leur souteneur reviendrait les mettre au travail aussitôt, avec une raclée pour être bien compris , des jeunes garçons qui "s'offrent" sous la surveillance de leurs "parrains". Les filles racontent comment en Bulgarie elles ont été mises en "apprentissage" : pendant 4 ou 5 semaines, elles ont été subis des viols à répétition jusqu'à ce que leurs bourreaux estiment qu'elles sont "cassées" et prêtes pour l'emploi...
Madame Brisset signale qu'elle a fait un rapport au Procureur mais -dit-elle- le problème de fond demeure: " même quand les adolescents demandent de l'aide, même quand la Police a réalisé des flagrants délits... trois problèmes se posent;
1- il n'y a pas d'institution susceptible de recevoir les victimes car il faut assurer leur sécurité et veiller à ce que les souteneurs ne les ré-enrôlent de force à leur sortie
2- il y a en France un vide juridique qui interdit de punir les clients de mineurs de 15 à 18 ans.
3- la lutte contre les réseaux n'est pas à la mesure de la gravité des faits.
" il faut donc que la lutte contre les réseaux deviennent une vraie priorité et il faut légiférer contre les clients." La seule réserve que je fais vient au moment où Mme Brisset écrit " Même quand la Police a réalisé des flagrants délits" Si l'un de mes lecteurs veut a eu connaissance de ces flagrants délits et veut bien me faire connaître quelle en a été la sanction, je le remercie de tout coeur par avance.
Ceci étant , qui pourrait ne pas être d'accord avec Mme Brisset sur le fond de son article ?
Mais si la loi n'est pas appliquée, comment et pourquoi une nouvelle loi le serait-elle?
Or que dit la loi, celle qui existe et qui n'est pas appliquée ?
" art. 225-7 du Code Pénal: le proxénétisme est puni de dix ans d'emprisonnement et de 10 millions de francs d'amende lorsqu'il est commis 1° à l'égard d'un mineur (de 18 ans)...
Art. 225-8: le proxénétisme prévu à l'article 225-7 est puni de 20 ans de réclusion criminelle et de 20 millions de francs lorsqu'il est commis en bande organisée .
Et le code prévoit que les dispositions sur les peines de sûreté sont applicables.
Croyez-vous vraiment que si quelques rafles amenaient quelques
proxénètes devant les Cours d'Assises d'abord et en prison
ensuite pour vingt ans (avec saisie de tout l'argent, des
voitures etc. dont ils sont friands que l'on ne manquerait pas de
trouver dans les perquisitions chez eux ou leurs amies qui
suivraient les rafles) les autres iraient peut-être ailleurs
exercer leurs talents.
Le temps d'écrire ces deux pages et j'entends au journal parlé qu'un projet de loi sera déposé dans les prochains jours, punissant de 10 ans d'emprisonnement et d'une amende de 200.000 euro ( 1.300.000 ff) le fait d'avoir des relations sexuelles avec un mineur (de 18 ans) même sans violence etc. mais en le rétribuant. On ne peut que se réjouir de voir le "client" presque aussi puni que le souteneur, mais il serait intéressant de savoir combien de souteneurs ont été punis aux termes de la loi qui existe. Le législateur pensera peut-être qu'il est plus facile de saisir le client "in ipsis Veneris rebus" que le souteneur caché dans les fourrés du Bois de Boulogne. Je vois déjà une faille dans la nouvelle loi. Il ne m'appartient pas de la décrire ce qui ferait de moi presque un complice... Nous en reparlerons dès que cette loi nouvelle sera entrée en application . Pour mémoire je vous ferai seulement souvenir qu'une ordonnance de Louis XIV condamnait les "filles" qu'on trouverait dans les casernements à avoir le nez coupé, qu'une loi de 1952 avait puni de mort les auteurs de "hold-up" même s'il n'y avait pas eu de mort, qu'une autre loi punissait les auteurs de chèques sans provision de 5 ans d'emprisonnement et que -nous venons de le voir- une loi punissait de 20 ans de réclusion les proxénètes en bande de mineurs...
On dirait que le raisonnement des différents gouvernements est le suivant : une loi n'est pas appliquée, faisons en une autre, cela nous donnera bonne conscience et la paix pour quelques années... D'ici là...