TRENTE ANS D’AVEUGLEMENT

 

Par Ernest-Max FONTAINE  (30 Septembre 2002)

 

 

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Mais est-ce bien terminé ?

 

 

 

 

AVANT PROPOS

 

        Où il apparaît qu’il est bien difficile de se faire entendre par-dessus les idées reçues !

 

Bien sûr, j’ai ramené le point de départ de cette incroyable période d’aveuglement des Français au début des années 70, époque à laquelle j’ai commencé à écrire que la délinquance et la Justice n’étaient pas ce que l’on disait un peu partout. Et surtout que cette dernière n’était pas ce que voulaient les Français.

En fait l’aveuglement de ceux-ci avait commencé dès la fin de la guerre 39-45 lorsque se remémorant les souffrances qu’ils avaient endurées, leur entrée dans l’illégalité, leurs détentions dans des geôles infâmes, ils furent pris de compassion pour les détenus qui souffraient comme ils l’avaient fait eux mêmes. Il s’en suivit une série de profondes réformes généreuses mais imprudentes car conduites sans précaution et sans aucun suivi des résultats :

- suppression de la relégation à l’Ile de Ré, de la déportation en Guyane, des bataillons disciplinaires, des maisons de correction qui, il faut bien le dire, avaient gravement dégénéré par suite de l’incurie de l’administration chargée de les gérer et de la carence du Parlement qui aurait dû les surveiller. Un aménagement aurait été préférable, au moins à titre transitoire pour prendre le temps d’une réforme de fond.

-de faire un sort spécial aux “enfants” car il paraissait impossible de traiter des mineurs comme des adultes. Le principe était bon mais le vocabulaire fâcheux. Sans même remonter au sens originel du mot où « l’infans » est  celui qui ne parle pas encore, on ne passe pas de l’état d’enfant à celui d’adulte. Quatorze ans c’est en général l’âge de la communion solennelle hérité de la Bar Mitzva où le jeune Juif devient un homme. On aurait pu parler des adolescents ou des mineurs...

On créa néanmoins des juridictions spéciales “pour enfants” et des peines atténuées. Il ne pouvait plus être question de les mettre en prison avec des adultes et on décida de créer pour eux des centres spéciaux.  Cela était parfaitement logique et admissible mais fut malheureu -sement faussé car on ne s’était pas assuré qu’il existait véritablement une délinquance juvénile, différente de celle des adultes. Il me revenait de le faire, comme on le verra plus loin.

Le pire fut que l’affaire ne fut pas suivie; dans les prisons les quartiers pour mineurs furent chichement mesurés, les centres de rétention ne furent pas créés, les mineurs même multirécidivistes furent laissés à la rue, les sentences n’étant que rarement exécutées.

L’échec fut total et les premières victimes furent les “enfants” eux mêmes. On les obligea à continuer à aller à l’école après quatorze ans alors qu’ils n’avaient plus rien à y faire, sinon gêner les autres: c’est là une des causes, probablement la plus importante, des troubles que nous connaissons dans les établissements scolaires, alors que ces jeunes mis en apprentissage

 

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auraient sans doute trouvé de l’intérêt et de la fierté à ce qu’ils faisaient en apprenant un métier. Ils auraient gagné un peu d’argent, pris l’habitude d’une certaine discipline et dépensé leur énergie sans gêner personne. Bien mieux, on en vint à envisager de fortes amendes pour les parents incapables d’empêcher leurs enfants de faire l’école buissonnière !

Et surtout, à mon avis, on aurait pu aménager l’instruction publique de manière que ceux qui l’avaient quittée trop tôt puissent y retourner lorsqu’ils auraient enfin compris tout ce qu’elle peut leur apporter.

Enfin il y eut un climat, une attitude des esprits et des comportements qui s’installa confusément partout : un animateur de radio ou de télévision n’est apprécié que s’il est agressif, un bel esprit doit choquer. Toutes les « idées reçues » telles que honnêteté, fidélité, correction, respect des autres, sobriété, bonne renommée, amour du travail bien fait, de la famille, voire de la Patrie, doivent être ridiculisées de même que les institutions. Mais les patrons, les Anciens, les institutions elles mêmes sont elles restées dignes de respect ?  Tandis qu’on abaissait l’âge de la majorité légale à dix huit ans, on s’employait à retarder l’âge où les enfants auraient l’obligation de subvenir à leurs besoins, fussent-ils étudiants …

 Que peuvent en déduire les « enfants prolongés contre nature » ?

Faute de les avoir corrigés quand c’était possible, ont en vint à les punir dès qu’ils étaient adultes, alors qu’il était bien trop tard pour leur apprendre quoi que ce soit.


A cette période que l’on pourrait qualifier d’humanitaire succéda, vers la fin des années 60, une période “politique” qui éclata en Mai 68 mais s’annonçait déjà avant : il s’agissait d’ébranler les structures de la Société dans leurs piliers les plus importants, la Police et la Justice, l’Armée qui certes n’étaient pas sans reproches...Les reproches qu’on leur faisait étaient donc fondés mais il paraissait plus simple de supprimer que de réformer.

L’aspect le plus grave de cette affaire fut que la contestation de la Justice prit l’allure de travaux scientifiques (techniquement nuls et sans aucune valeur ainsi que nous allons le voir) conduits au sein du Ministère de la Justice même,  présentés par lui et concluant que c’était la Justice qui fabriquait les récidivistes en les mettant en prison!! Il fallait donc supprimer la Justice et la Prison ! Cela fut affirmé avec insistance et autorité par les plus beaux esprits.

Les auteurs de ces travaux escomptaient bien que personne ne s’inquiéterait de savoir comment les dits travaux avaient été conduits et qu’ils seraient acceptés avec le label de garantie du ministère...C’est seulement parce que je m’étais intéressé à la délinquance et parce que les résultats proclamés me paraissaient monstrueux que je m’y arrêtai. 

Bien mieux, quand le Ministère fut prévenu -tout à fait officiellement- par Madame Suzanne Rozès, Présidente du tribunal de Paris que dans un exposé devant l’assemblée plénière , j’allais courtoisement mais sévèrement critiquer les travaux du Centre National d’Etudes et de Recherches Pénitentiaires, émanation du Ministère de la Justice et invita ses représentants à participer à la discussion (ce qu’ils se gardèrent bien de faire), quand elle adressa au ministre  ainsi qu’à la Cour d’Appel de nombreux exemplaires de mon exposé et que le Ministère ne put contester que ses “chercheurs” n’avaient trouvé que des sottises,   il fit pendant des années et jusqu’à ce jour,  la sourde oreille. Et se garda bien de mettre en doute quoi que ce soit ! Comment faut-il interpréter ce silence ? Je pense qu’une enquête, fut-elle parlementaire ou journalistique pourrait retrouver des personnes qui ont été les témoins de cette affaire curieuse. Car c’était bien une faute lourde à l’égard des milliers de victimes qui furent ainsi sacrifiées délibérément.

Je me trouvais donc embarqué dans cette aventure presque malgré moi : j’avais démontré qu’il y avait une explosion de la délinquance, j’en avais évalué les dégâts, j’en avais discerné la cause, devais-je me taire ?

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Devant le mur de silence qui me fut opposé, j’aurais pu me brûler sur la place Vendôme mais je rejetai immédiatement cette idée avec horreur: je n’aurais fait que gêner les touristes du grand hôtel voisin et ma mort aurait eu moins de retentissement que celle de la belle princesse dont ce fut la dernière halte! J’aurais pu entamer une grève de la faim ou simplement démissionner : l’expérience m’a montré que c’est rarement efficace. Je choisis donc d’essayer d’alerter l’Opinion publique. Je l’ai fait pendant trente ans, tout à fait inutilement.

Le document que je vous soumets n’est que le récit de mes tentatives.

Même si je parle souvent de moi ce n’est cependant ni une autobiographie ni un testament.

Serai-je plus heureux au jour d’hui ?

 

 

                                               

 

 

 

PREMIERE PARTIE

 

 

CHAPITRE PREMIER

 

TRENTE  ANS CONTRE LA PENSEE UNIQUE

 

 

Je vais souvent mentionner les efforts que j’ai consentis en vain pour diffuser mes résultats. J’en demande pardon par avance au lecteur. Je ne citerai pas toutes les personnes importantes, rédacteurs en chef de journaux écrits ou parlés, parfois satiriques,  hommes politiques de tous les partis auxquels -jusque très récemment-  je croyais rendre un grand service en signalant les problèmes et leurs solutions et qui n’y ont porté aucune attention.

Il y en aurait trop de tous les bords, de tous les partis. S’ils jugeaient que mes résultats n’étaient pas intéressants c’était leur droit de ne pas en parler. Mais ils manifestaient par là qu’ils n’avaient rien compris .

Par contre je vais citer quelques personnages importants qui soutinrent obstinément pendant des années des propos littéralement outrageants pour la Justice, propos qui n’avaient aucun fondement autre qu’une volonté politique de détruire, peut-être simplement une volonté de plaire à certains ou de faire du paradoxe, en toute irresponsabilité.

Je ne cherche pas à triompher car la tâche n’est pas finie. Les Français sauront-ils aller au bout du raisonnement, et adopter les mesures nécessaires? Cet essai sera-t-il seulement publié ?

Réduire le nombre des morts sur la route, vider les prisons en restaurant la sécurité n’était-ce pas rendre un service à tous les Français ? Il semble que cette question soit si futile qu’il est inutile de s’y arrêter.

N’allez pas croire, Cher Lecteur, que je cherche à prendre une revanche quelconque. J’ai bien compris que malheureusement je n’étais pas dans l’air du temps et je savais qu’on ne peut forcer à boire un âne qui n’a pas soif. Souvent je vous dirai que j’avais écrit à tel ou tel ministre, le plus souvent à ce pauvre ministre de la justice. Il est évident qu’il ne dépouille pas son courrier et ne prend connaissance que de ce qu’on lui communique. A lui de choisir des collaborateurs dignes de sa confiance car s’il n’est pas coupable, il restera

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cependant responsable, comme l’avait excellemment dit l’une d’eux.

Je suis pourtant persuadé que si un seul de ces directeurs de conscience de l’opinion avait seulement posé la question, tout aurait été emporté comme une digue de terre quand une taupe y fait un trou...Aucun rédacteur en chef d’un journal n’accepte de ne pas parler d’un sujet nouveau abordé par un autre. Il y a un effet d’entraînement qui fait que tous parlent toujours des mêmes sujets.

Bien sûr, je n’ai jamais pensé que mes travaux pourraient être acceptés sans vérification, sur mes seules démonstrations et ma bonne mine (?).  Mais il y a en France suffisamment de statisticiens beaucoup plus forts que moi, (ce qui n’est pas difficile), qui

auraient  pu refaire en quelques jours voire quelques heures ce que j’avais entrepris et dont     j’ai toujours donné toutes les références (par exemple : jugements du tribunal de Paris ou de Pontoise de telle à telle date) et dire enfin si c’était sérieux.

S’il avait été démontré que je me trompais, je pense que j’aurais été justement et vertement remis à ma place pour avoir osé dire que les statisticiens du CNERP étaient nuls. Mais si les personnes consultées, par exemple l’INSEE m’avaient donné raison, le Ministère pouvait-il rester silencieux? Les vérifications de mes travaux - car je pense qu’il y en eut- furent donc très discrètes.

Les Ministères de la Justice, de l’Intérieur ou des Transports prenaient cependant un risque à ne rien faire: ne pourrait-on aujourd’hui leur reprocher leur inertie alors que chaque jour des gens mouraient sur les routes en beaucoup plus grand nombre que les victimes du “sang contaminé” ou de la “maladie de la vache folle” ?

Sur les trente dernières années c’est une bonne part des 250.000 à 300.000 morts qui auraient pu être épargnées, sans parler des handicapés à vie, des blessés etc. : vingt à trente pour cent si on avait pu seulement remettre la France au rang des nations civilisées :

Si  au long des trente dernières années, on avait allongé le long d’une autoroute, par exemple celle de Paris à Lyon, les effigies des victimes de la route décédées dans les trente jours de l’accident, en prenant une moyenne de un mètre cinquante par personne, nous en serions à plus de quatre cent cinquante kilomètres soit justement la distance de Paris à Lyon ...

        Si ces morts affreuses et injustes étaient dues à des marées noires, l’appareil de l’Etat en aurait été ébranlé ...C’est évidemment très mal d’envoyer sur les mers des pétroliers pourris qui iront polluer les côtes, détruire la végétation et faire reculer les baigneurs, mais laisser tuer des dizaines de milliers d’automobilistes….

Ce qui est hautement significatif, à mon sens, c’est que la séminariste dont je parlerai plus loin qui avait  menacé les juges d’instruction, ses auditeurs malgré eux, de produire des “études” et le cabinet noir du ministère de la Justice qui détruisait mes lettres et rapports, se souciaient comme d’une guigne du sort des détenus dont les prisons devenaient innommables !

Il est possible que les ministres successifs n’aient pas eu connaissance de l’exposé du modeste juge Fontaine, mais ignoraient-ils l’état des prisons et  ce qui s’y passait ?

J’en ai entendu un et non des moindres qui expliquait que rien n’avait été fait parce que les Français ne voulaient pas de prisons “cinq étoiles”,  alors ... le Parlement et le Gouvernement s’étaient inclinés devant ce referendum !!! On écoute moins les Français quand ils réclament des logements, fussent­ ils à deux étoiles.

 

Souvent j’ai pensé au triste sort d’Ignace Semmelweis (1818-1865). Ce jeune médecin hongrois avait compris que la fièvre puerpérale qui causait la mort de milliers de parturientes était due au fait que les professeurs ne se lavaient pas les mains en passant d’une autopsie ou de la dissection d’un cadavre à un accouchement. L’audace du pauvre Ignace à faire des

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observations à ses mandarins ne pouvait être pardonnée et il fut chassé de la profession, devint fou et mourut dans la misère alors même qu’on avait reconnu la justesse de son appréciation ...du bout des lèvres. Une plaque devrait rappeler dans chaque maternité ce que les Mères lui doivent mais je crois que même nos jeunes médecins lui en veulent encore car il est bien oublié.  

Tel ne fut pas mon sort. Je n’ai aucun goût pour le martyre. Devant l’incompréhension dont j’étais l’objet, je pris le parti d’en rire et je publiai dans les Cahiers de la Société de Criminologie que j’avais fondée des articles plutôt moqueurs. Celà ne fit certainement pas monter mes actions à la Chancellerie ou dans les Instituts de criminologie; vous le savez, on ne peut plaire à tout le monde...Et la solidarité corporative n’est pas une abstraction.

En exposant mes travaux j’avais été aussi prudent que possible. J’avais seulement parlé d’une “application incomplète de la Loi”. Tous les “initiés”, en tout cas les magistrats, les avocats, les criminologues et surtout les policiers et gendarmes avaient parfaitement compris du contexte de mes propos  que je visais les peines anormalement faibles, par exemple un mois d’emprisonnement avec sursis et mille francs (cent cinquante euros) pour un homicide involontaire, sous l’empire d’un état alcoolique, les peines de un mois d’emprisonnement avec sursis prononcées à répétition ou avec des sursis probatoires multipliés pour des vols avec violences et des cambriolages qualifiés crimes par le Code Pénal, des peines légères et avec sursis voire des blâmes  pour des faits commis par des officiers ministériels que la loi qualifiait de criminels et enfin la non- application des circonstances aggravantes dans les cas de récidive aboutissant à faire passer trois fois et plus des auteurs de crimes tels que hold up sanglants devant une cour d’assise...


Mais ma retenue volontaire n’avait pas suffit: elle visait évidemment les procureurs qui n’avaient pas fait appel de telles décisions, les cours d’appel qui n’avaient pas réformé de tels jugements... Et ceux que je visais se sentaient si sûrs d’eux qu’on vit un substitut plein de morgue et d’arrogance faire taire par une lettre méprisante, une mère ( Madame Cellier) qui se plaignait de ce que le chauffard sous l’empire d’un état alcoolique qui avait fait mourir sa fille après un véritable calvaire ait été puni comme s’il avait commis une contravention, d’un mois d’emprisonnement avec sursis et mille francs d’amende! Alors qu’il y avait dix mille morts sur les belles routes de France !

Je le répète car je leur en suis reconnaissant, les seuls qui me félicitèrent furent les policiers et les gendarmes: ils étaient sur le terrain et tous les jours ce sont eux qui ramassaient les morts, les paralysés, les blessés handicapés pour la vie, les jeunes filles violées et assassinées, alors que les docteurs de la loi ratiocinaient gravement.    

Dois-je préciser que les décisions que je me permets de critiquer étaient légales et possibles mais -dans la mesure de mon modeste jugement- ne correspondaient nullement à l’esprit de la loi : on peut imaginer que l’auteur d’un homicide involontaire sous l’empire d’un état alcoolique puisse se trouver dans des circonstances si extraordinaires qu’elles puissent être qualifiées d’atténuantes au point de conduire à une peine tout juste symbolique mais que de nombreuses  peines soient ainsi qualifiées est invraisemblable et précisément dans le cas de la malheureuse Caroline Cellier ! 

 

 

 

 

 

 

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LES PREMIERS RESULTATS OBTENUS, d’où tout est parti !

 

 

L’aggravation exponentielle de la délinquance est maintenant acceptée, d’où ma tentative de publier ce modeste essai, mais elle était parfaitement déniée dans les années 70. On affirmait par exemple que si les chiffres de la délinquance augmentaient, c’était parce que le mode de calcul avait changé ou parce que les victimes portaient plus facilement plainte...ou encore par ce que la Police était plus active...

Je crois, c’est une formule modeste, en réalité je suis sûr d’avoir établi, que la population délinquante d’habitude est constante en proportion et très faible numériquement, environ 3 % , toutes caractéristiques qui inclinent à penser qu’elle a une origine génétique. D’ailleurs, la publicité faite à mon exposé devant l’assemblée plénière du tribunal de Paris et l’envoi officiel de nombreux exemplaires au Ministère aurait permis de chercher la faille de mon raisonnement et de l’exposer. Il n’en fut rien: Qui ne dit mot consent ? Mais n’y avait-il pas dans ce silence une faute grave par omission ?

Je sais bien qu’on aurait plus facilement admis mes travaux s’ils n’avaient eu cette composante génétique qui hérisse notre Intelligenzia. De même, mon adhésion à la peine de mort...comme le fait la majorité des Français mais qu’il est méprisable de citer! J’admets parfaitement qu’on souhaite l’abolition de la peine de mort mais je réclame la même liberté d’expression : je soutiens que la démarche logique est de lutter contre toutes les peines de mort, à commencer par l’assassinat et que la disparition de la peine de mort infligée par un particulier entraînera la disparition de la peine de mort infligée par la Société.

 J’aurai l’occasion d’y revenir. J’aurais eu l’impression de tromper mes éventuels lecteurs en leur cachant deux résultats de mes travaux, l’origine génétique de la délinquance et la nécessité de la peine de mort et je préfère retarder la parution de cet essai que le livrer incomplet..

Ce qui n’est pas encore admis, malgré tous mes efforts depuis tant d’années, c’est 

1- que ce n’est pas le nombre de délinquants qui augmente, à population égale, mais le nombre de délits ou de crimes commis par chaque délinquant d’habitude en fonction de la liberté qui lui en est laissée.


2- que les récidivistes commettent au moins la moitié de tous les crimes et délits et les plus graves. J’expliquerai plus loin pourquoi je ne suis pas plus précis et me contente d’affirmer « au moins ».

A) par une application détournée de l’ordonnance de 1945, les jeunes ont “bénéficié” en fait d’une véritable immunité et en ont largement profité. En celà, ils se montraient plus intelligents et plus prompts que les politiciens et les sociologues qui s’occupaient d’eux.

Il y a en France des jeunes gens (les “enfants”) qui ont été condamnés plus de 20 fois entre 14 et 18 ans, chaque fois pour des faits multiples et souvent graves mais qui paraissent de “petite délinquance” en raison de la légèreté des peines qui sont prononcées, sans même être exécutées, sans apparemment provoquer étonnement ou indignation. J’aurai l’occasion de revenir sur une fâcheuse tradition française, celle de la confusion des peines.

 

 

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Quand il apparaît qu’un individu est présumé l’auteur d’un fait et que des poursuites sont engagées, aussi longtemps qu’il n’est pas jugé, tous les faits qui peuvent lui être reprochés sont regroupés dans la même affaire, feront l’objet d’un seul jugement. Si par hasard, deux procédures ont été conduites dans le même temps un nouveau jugement interviendra pour confondre les deux peines, la plus courte s’imputant sur la plus longue. Ceci rend très difficile le calcul des faits reprochés à X ou Y. Et vous explique pourquoi je ne peux pas être plus précis qu’en vous disant “au moins la moitié” Pour y parvenir, il faudrait non seulement dénombrer les jugements mais analyser chaque jugement. J’ai partiellement fait ce travail et constaté que les délinquants primaires sont le plus souvent poursuivis pour un fait unique, alors que les récidivistes sont si “actifs” qu’ils sont toujours jugés pour plusieurs faits.

Dans la plupart des nations reconnues comme démocratiques, une peine vient sanctionner un fait et toutes les peines sont cumulées et non imputées sur la plus longue,  pour aboutir à des peines qui font rire les Français ...  

B) par la non-application de la loi dans ses dispositions sur la récidive, les récidivistes qui sont une infime minorité de la population (environ 3%) sont très vite remis en liberté pour ne pas dire en selle et multiplient les délits et les crimes. Il y a en France des individus (encore jeunes) qui sont passés 3 fois devant une Cour d’Assises et se préparent à une quatrième comparution. Le délai de la récidive criminelle étant de 10 ans, on comprend bien qu’on ne peut à quarante cinq ans avoir été condamné deux ou trois fois aux Assises après avoir encouru l’aggravation à  “20 ans ou à la perpétuité” prévue pour les récidivistes criminels !

Dès la seconde comparution,  ils auraient pu et dû, dans l’esprit de la Loi,  être condamnés à 20 ans de réclusion au moins. Que de victimes épargnées, par exemple celles du “Chinois”qui a défrayé récemment la chronique !!! Je ne parle évidemment que des faits reconnus pour lesquels il a été condamné.

Je sais qu’en écrivant ces lignes je provoque l’indignation de certains qui ne voient dans mes propos que ceux d’un forcené de la répression ; Ils se trompent, je montrerai plus loin que l’isolement par l’incarcération est la seule réponse actuelle mais l’existence d’un diagnostic exact de l’origine de la délinquance et de la criminalité permet d’espérer qu’un jour un traitement permettra d’autres solutions. Encore faut-il le vouloir plutôt que de détourner les yeux.

Vous comprenez maintenant pourquoi les magistrats du début du XX° siècle avaient si peu de travail : les délinquants pouvaient passer deux fois devant eux mais jamais trois...

 

3- en ce qui concerne la délinquance routière, là encore, j’ai établi que les conducteurs qui provoquent des accidents sont une infime minorité, ils ne représentent guère plus de 3 % de la population qui circule au volant. Je pense qu’il ne s’agit pas d’une coïncidence dûe au hasard avec la proportion des délinquants de droit commun (puisque ce sont souvent les mêmes) mais que au contraire, il s’agit de la conséquence d’une même cause, je persiste et je signe, très probablement génétique : elle est rare et se manifeste très tôt.


Dans sa thèse le docteur Legrand a bien fait apparaître la corrélation entre délinquance routière et de droit commun. Son mérite est d’autant plus grand qu’il n’avait pas comme moi accès au Casier judiciaire: il ne connaissait que les condamnations que voulaient bien avouer les gens qu’il examinait ! Pas bavards en général...

C’est quelque chose de tout à fait nouveau : à l’origine, l’homicide par imprudence sur la route paraissait tellement différent de la délinquance qu’on avait créé pour les infractions routières un casier judiciaire spécial ! Il semblait au Législateur des débuts du XX° siècle que

 

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les personnes distinguées qui possédaient une voiture automobile ne pouvaient être confondues avec les repris de Justice. Mais la voiture s’est démocratisée, comme le reste...Et surtout, chaque magistrat conduisant une voiture, il s’imagine qu’il pourrait un jour avoir à répondre d’un homicide involontaire: c’est évidemment une erreur. Les assurances qui couvrent la responsabilité civile des fonctionnaires, enseignants et magistrats le savent bien et peuvent pratiquer des tarifs très avantageux et pourtant rémunérateurs !

 Il serait possible de réduire très considérablement le nombre des accidents par de longs retraits ou des suppressions définitives de permis de conduire

A)  après un accident, après une condamnation de droit commun en récidive,

B) avant même que se produise un accident, en instituant la nécessité de joindre au permis de conduire,  une analyse de sang établissant que le porteur n’est pas alcoolique ni consommateur d’habitude de drogue (présence de gamma globulines spécifiques dans le sang): cela serait infiniment plus facile et efficace que d’attendre un homicide. Cela en outre ne serait nullement attentatoire des libertés individuelles: personne n’est obligé de conduire et celui qui préfère boire a le droit de choisir. Je crois devoir préciser qu’une abstinence totale de deux ou trois mois ramène le taux de gamma globulines à la normale. Vous me direz peut-être: quel est l’intérêt de cette mesure s’il suffit de s’abstenir trois mois, d’obtenir le permis et de recommencer à boire?

Je peux vous répondre que cela n’est pas aussi facile qu’il y parait. Un sevrage obtenu, ce sera souvent des vies sauvées, pas seulement sur la route. Et je souligne le fait que ces alcooliques d’habitude sont aussi le plus souvent les victimes des accidents du travail: mesurez-vous tout l’intérêt de la mesure que je propose ?

Pour aller au bout du raisonnement je suggère la création d’établissements fermés qui seraient des lieux de cure et non des prisons, où ceux qui le désirent pourraient se faire traiter comme on se fait interdire de jeu. On sait que les établissements de soins comme les hôpitaux et les cliniques n’ont pas les moyens d’empêcher les patients de boire. J’ai connu plus d’une affaire où de véritables réseaux de ravitaillement étaient organisés. J’ai même instruit une affaire où plusieurs patients en « voie de guérison » profitaient d’une permission pour une saoulerie mémorable. Un internement dans un établissement tel que je le propose –toujours volontaire- car le droit de boire même avec excès me parait constitutionnel, ne devrait rien avoir de péjoratif : l’alcoolisme est une maladie.

C) en instituant de même un contrôle périodique de connaissances et de santé pour valider le permis. Ces mesures d’expertises médicales seraient elles coûteuses ? Pas le moins du monde: elles pourraient être prises en charge par les Assurances qui vont économiser les sommes énormes que  coûtent les accidents corporels et les invalidités : chaque fois qu’un permis est retiré à un conducteur dangereux, le risque qu’elles couvrent diminue considérablement !

Certaines de ces mesures exigeraient un aménagement législatif. Je ne le répéterai pas chaque fois que je proposerai une réforme !

Ces mesures seraient elles impopulaires?   Certainement pas si la précaution est d’abord prise de bien montrer au Peuple qu’elles ne gêneront que 3 % de la population au profit des 97 autres: l’impôt sur la grande fortune, dit encore de solidarité, n’a jamais été impopulaire dans l’immense majorité des citoyens qui n’y était pas assujettie.

Nous allons voir maintenant comment ces résultats avaient été obtenus.           

 

 

 

 

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CHAPITRE DEUX

 

LA CRIMINOLOGIE  PEUT-ELLE  DEVENIR UNE SCIENCE ?

 

UNE AUTRE APPROCHE DE LA CRIMINOLOGIE

 

 

 

 

1–LA RECHERCHE SUR LE GENOCIDE ROUTIER

 

 

A partir de 1962, juge d’instance en “vivier” dans un tribunal de la banlieue Ouest de Paris (je revenais de Tunisie) et chargé à ce titre des audiences pénales (le “pénal” passe pour moins noble que le “civil” aux yeux des magistrats français)  composées à 95% d’infractions routières, je n’étais pas surchargé de travail. C’était le temps heureux où le Ministère avait trop de magistrats et ne savait comment les employer. Mais la Société Idéale ne serait-elle pas celle où les magistrats seraient (grassement) rémunérés à ne rien faire faute de délits et de contestations: il n’y avait pas de juges à l’âge d’or quand le lait et le miel coulaient à flots sans fatigue pour l’Homme “recubans sub tegmine fagi”.

  J’avais donc le temps de réfléchir à ce que je faisais et peu à peu je pris conscience du fléau que représentait l’hécatombe routière, sous nos yeux, sans que personne  s’en étonnât. Je crois qu’il fallait vraiment des yeux neufs !

Les Français de la Métropole s’étaient habitués insensiblement à ce massacre et chacun imaginait que cela ne le concernait pas. Il faut d’ailleurs bien considérer que dix mille morts par an sur quarante millions de Français majeurs, ne concernaient qu’un Français sur quatre mille. Or il est rare qu’un individu en connaisse plus de mille autres. Ce n’était donc que par la Presse qu’ils pouvaient être informés et non directement. Or la Presse n’en faisait pas ses choux gras. Avez-vous remarqué que depuis qu’une volonté se manifeste de lutter contre l’insécurité routière, il ne se passe pas de semaine sans qu’on nous décrive des accidents effroyables où un conducteur sous l’emprise d’un état alcoolique, prenant délibérément un risque sur la vie d’autrui, tue plusieurs cyclistes, piétons ou automobilistes ?

Ces jours derniers (Novembre 2002) je suivais avec intérêt ces nouvelles et me demandais si les Femmes en seraient absentes alors que selon moi elles sont dix pour cent de la population délinquante: c’est fait, on vient de mettre en examen une jeune femme, en état d’imprégnation

 

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alcoolique, qui provoque un accident matériel. Elle prend la fuite pour que son état ne soit pas révélé. Elle accélère pour ne pas être rattrapée par sa première victime et tue un malheureux piéton ! Au journal parlé que je viens d’entendre, une jeune et charmante journaliste commente le fait en disant que cette conductrice encourt cinq ans d’emprisonnement. Bien sûr, je lui ai envoyé aussitôt un “e-mail” pour la mettre au parfum -et si possible ses auditeurs: la chauffarde risque dix ans d’emprisonnement et un million de francs d’amende... Pas de remerciement ni de mise au point. 


Nous rejoindrons, si ces peines sont appliquées, le peloton des nations civilisées telles que le Royaume- Uni, où elles sont prononcées par des juges bénévoles, en général des Mères de famille ou des petits commerçants ou artisans qui n’ont plus d’enfants à charge mais savent ce que c’est un enfant !      

        Pour en revenir à la situation en 1962, la police, la justice, avec l’assistance d’experts, faisaient leur travail. Les Assurances remboursaient ce que les tribunaux ordonnaient; on en vint même à proposer une réparation forfaitaire des préjudices corporels. Ce qui aurait eu l’avantage d’accélérer la réparation.

Tout était bien dans le meilleur des mondes possibles puisque les peines généralement prononcées ( pour un homicide, en général 1 à 3 mois de prison avec sursis, toujours amnistié dans les plus brefs délais et 1000 francs d’amende)  étaient si bienveillantes que la seule sanction  pour le conducteur coupable était le montant des honoraires de son avocat ( s’il avait été assez timoré pour croire qu’il en avait besoin) et accessoirement un “malus” qui viendrait alourdir sa prime d’assurance de quelques centaines de francs !     

Par simple curiosité, j’entrepris donc de rechercher si on pouvait essayer de voir plus clair dans ce désastre national qui intéressait apparemment si peu les Autorités comme le bon Peuple et  dont le bilan devait pourtant être si lourd: 10.000 morts par an et quelques centaines de milliers de blessés souvent très graves et handicapés à vie, des milliards de francs de dommages matériels et corporels...un véritable budget d’état qui aurait pu être si utile ailleurs.

Les hasards de la guerre m’avaient permis d’acquérir une toute petite formation scientifique (génétique et statistique notamment) qui me fut bien utile.

L’étude fut extrêmement facile: chaque année 400  dossiers d’accidents (outre quelques milliers de contraventions) passaient entre mes mains, sans compter ceux qui venaient à ma connaissance lorsque j’étais invité à compléter le tribunal de Versailles ou de Pontoise,  ce qui m’assurait de bons échantillons vraiment aléatoires. Une difficulté subsistait: l’arrondissement où je “sévissais” était-il représentatif de toute la France? Comment le savoir?

Ce qui me décida à me lancer fut une étude politique qui établissait que la jolie petite ville médiévale où était mon siège votait toujours comme la moyenne de la France... Etait-ce suffisant ? Existe-t-il une corrélation entre le comportement des citoyens et celui des conducteurs ? Pourquoi pas? Au jour d’hui  je suis persuadé que c’est exact.

Avec du papier, un crayon et une calculette qui faisait les 4 opérations et le calcul des fonctions trigonométriques,  je me lançai donc.

Képler n’avait pas de calculette.  Pour l’établissement de ses deux premières lois (1609) il ne disposait même pas des logarithmes inventés par Neper en 1614 seulement. 

Il travaillait dans la salle commune de sa maison, au sein d’une famille particulièrement agitée: sa femme était folle et il avait six ou huit enfants qui passaient le temps à se quereller.. Alors que personne ne venait troubler le silence de mon cabinet. Kepler mit quand même vingt ans...

Aujourd’hui celui qui voudrait refaire mon étude disposerait pour quelques euros de calculettes qui font tous les calculs statistiques et les gardent en mémoire pour dessiner les

 

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courbes représentant les distributions...Ceci pour dire que ceux qui ont rejeté mes conclusions auraient pu les vérifier en quelques heures!


A ma grande surprise, l’affaire fut pourtant réglée en quelques jours: parc circulant, présence des conducteurs au volant, corrélation entre l’accident et l’âge, le sexe, l’ancienneté du permis, le type des voitures en cause, etc. Il apparut tout de suite que si on faisait la distinction entre l’échantillon de ceux qui avaient provoqué un accident (3% environ) que l’on connaissait bien à la fin de la procédure  et ceux qui en avaient été victimes (97%), la différence entre eux était totale.

J’étais parti de l’hypothèse que les conducteurs agressifs, bien identifiés au terme d’une longue enquête, tiraient au sort leurs victimes, comme on tire des billes de couleur d’un grand sac fermé: on ne tarde pas à connaître la composition du contenu du sac. Sans m’étendre, je constatai que la moyenne d’âge des agresseurs était plus faible que celle des agressés, que le sexe des agresseurs était pour 9/10 masculin et pour 1/10 féminin alors que l’âge et le sexe des victimes correspondaient beaucoup mieux à celui de la population en général.

Là dessus, merveilleuse surprise, une étude fut publiée, qui donnait une analyse de la circulation en France très voisine dans sa recherche de la mienne: des Gendarmes et des Policiers avaient été placés très habilement dans des milliers de points du Territoire, de jour et de nuit, sous le chaud soleil et dans la froidure de la nuit, apparemment dans une bonne proportion de jours ouvrés comme de fêtes carillonnées et de départ en vacances ou de retour qui marquent la grande transhumance des Français   ( changement de pâturage réjouit les veaux !).  Ils avaient relevé tout ce qui circulait, les accidents, les blessés, les morts,  etc.

Tous les résultats qui répondaient  aux questions que je m’étais posées étaient égaux aux miens à moins de 1% près ! Réciproquement, c’était aussi une bonne confirmation pour les auteurs de cette recherche. Mais il lui manquait une composante importante, je dirai même fondamentale dont je disposais: moi je savais qui était l’agresseur et qui était l’agressé.

Conscient de l’importance de mes résultats beaucoup plus étendus que ceux de l’étude citée , et tellement moins coûteux, donc, pensais-je, faciles à renouveler, je me risquai à en tirer les conséquences: si réellement les accidents ne sont provoqués que par une infime minorité des conducteurs, il ne s’agit plus de s’épuiser vainement à convaincre la totalité  des conducteurs d’être prudents, de ne pas boire, de respecter les limitations de vitesse etc., mais  -ce qui n’est pas contradictoire-  il fallait identifier les mauvais conducteurs et leur retirer leurs permis, si possible avant qu’un drame se produise !

Des travaux ultérieurs montrèrent que la chose est facile puisque ces conducteurs sont déjà récidivistes  de droit commun, alcooliques d’habitude (ce qui est inscrit dans leur sang par la présence de gamma-globulines particulières en proportion énorme, jusqu’à cinquante fois la dose normale) ou étourdis, maladroits, malvoyants etc. ce qui devait être facile à déceler par un examen clinique approfondi.

 Pour vous donner un exemple concret, je fus un jour amené à inculper sur commission rogatoire d’un collègue de l’autre bout de la France, un automobiliste qui venait d’écraser un deuxième cycliste à quelques années d’intervalle! Je bavardai un peu avec lui et m’aperçus bientôt qu’il avait un regard curieux...Il tournait la tête pour suivre ce que je faisais... En fait, il ne voyait que de l’oeil gauche. Ce qui se trouvait sur le bord droit de la chaussée lui échappait. Jamais il n’aurait dû conserver son permis après la perte de l’oeil droit ! Mesure cruelle, mais moins que de ramasser deux cyclistes ...et de prévenir leurs familles !

Pour être bien compris, je dois préciser qu’à mon sens chaque conducteur est porteur d’une dangerosité qui lui est personnelle. Aucun individu, même gorgé d’alcool jusqu’aux

 

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oreilles ne provoque un accident chaque fois qu’il prend le volant: d’abord tout simplement parce que chaque fois qu’il va se déporter sur la gauche, forcer un feu rouge ou un stop, il n’y aura pas un piéton ou un autre automobiliste à sa portée; parce que s’il y en a un, celui-ci essaiera d’échapper au forcené et y parviendra souvent!

Beaucoup de conducteurs  possèdent ou conduisent plusieurs voitures, ces dernières étant elles mêmes conduites par plusieurs personnes et celà ne permet pas de calculer un indice de dangerosité “accidents / trajet parcouru”. Un indice établi par rapport au temps serait peu significatif car certains conducteurs conduisent très peu…Ne vous étonnez donc pas, Cher lecteur, que je ne l’aie pas calculé alors qu’il serait si utile.

 


Il est certainement pénible de retirer leur permis à des gens qui en ont besoin et ne se doutent pas qu’ils sont dangereux mais il est encore plus pénible de ramasser les morts sur le bord de la route : je sais de quoi je parle car souvent je me suis astreint à accompagner la Police ou la Gendarmerie sur la Nationale 13, le Dimanche soir. Les conducteurs devraient s’en convaincre eux- mêmes et s’il est un cas où le principe de précaution devrait trouver application c’est bien celui-ci.  

Depuis je me suis aperçu que ma recherche présentait une faiblesse; j’y réponds  avant qu’on m’en fasse le reproche. En effet la population des automobilistes ayant causé un accident sur laquelle je méditais n’était pas complète; seuls étaient examinés ceux qui passaient devant un tribunal: or, lorsque l’auteur d’un accident meurt avant l’audience  il n’y a pas de procès pénal, l’action publique s’éteint d’elle même. De même lorsque un conducteur se tue au volant sans aucune intervention extérieure, il est bien à la fois le fauteur d’un accident mortel et sa propre victime (et il figure parmi les 10.000 morts) mais ce cas ne pourrait être pris en compte que d’un point de vue statistique (analyse du sang, état de la voiture, de la route, etc.) Et il semble qu’il ne  l’était pas à l’époque. Une estimation de ces morts montre que la réserve que je fais là ne change pas  de beaucoup le résultat de l’étude et le fait dans le sens même du résultat. La comptabilisation de ces conducteurs fautifs ne changerait guère leur  proportion  par rapport aux conducteurs -victimes.

 J’ai comparé la durée du permis de la population des conducteurs-agresseurs à celle des permis des conducteurs-victimes, elle est, comme on pouvait s’y attendre, nettement plus courte. Le monde change chaque jour: si quelqu’un, un jour, voulait refaire mon étude et l’actualiser, il devrait encore tenir compte des suspensions de permis plus fréquentes aujourd’hui qu’il y a 35 ans...Mais la suspension du permis n’est pas la marque d’un bon conducteur.

Cette observation permet sans doute de répondre à une question que je m’étais posée dès le début de l’étude: le nombre des voitures, celui des conducteurs, les performances techniques des véhicules ont changé, la distance parcourue par chacun d’eux en un an a augmenté, le réseau routier a été amélioré, de nombreuses campagnes d’information et de sensibilisation ont été présentées et pourtant le nombre des morts sur la route a peu changé (selon le cas il est annoncé comme nombre des décès dans les 8 jours ou dans le mois de l’accident, le premier minorant sensiblement le véritable résultat). J’ai relevé un élément tout à fait significatif: Il y a peu d’accidents mortels sur les autoroutes : ces dix dernières années, la circulation -parfaitement mesurée par les péages- a augmenté de cinquante pour cent et pourtant le nombre des accidents n’a pas varié !

Les facteurs plausibles de ces accidents sont nombreux et souvent de sens contraires, ils pourraient donc s’annuler, mais il y a une autre explication:

-les auteurs des accidents sont très peu nombreux

 

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-et leur effectif est constant en raison de leur auto-destruction : le nombre des morts par accident de la circulation parmi les conducteurs responsables serait égal au nombre de nouveaux conducteurs-dangereux  qui se mettent à circuler.

Deux éléments au moins paraissent confirmer cette hypothèse: la moyenne d’âge des mauvais conducteurs est nettement plus basse que celle des autres, de même que l’ancienneté de leurs permis. Ce n’est pas suffisant pour conclure définitivement mais c’est une piste à explorer.

J’adressai donc mon étude à tout ce qui en France pouvait s’intéresser aux accidents de la circulation. Cela n’a l’air de rien mais c’était un travail considérable. Il fallait faire photocopier la quinzaine de pages, ce qui était beaucoup plus cher qu’aujourd’hui, chercher les adresses, faire les enveloppes et porter le tout à la Poste. J’envoyai ainsi une centaine d’exemplaires de cette étude.

J’eus la satisfaction de recevoir deux réponses:


- de l’Auto Journal dont le rédacteur en chef après m’avoir entendu sur ma méthode au cours d’une rencontre très sympathique, publia l’essentiel de mon étude,

- et de M. Poniatowski (si mes souvenirs sont bons il était secrétaire d’état aux finances), qui m’invita à exposer mes résultats et à répondre aux questions de quatre directeurs de son administration. Ce grand oral dura bien trois heures et je me retirai avec des félicitations. Je n’eus plus de nouvelles de l’Administration. Quant à l’Auto Journal, son directeur  m’invita ainsi que mon épouse à une fête magnifique donnée à l’occasion  de je ne sais plus quel événement et me fit parvenir un cachet tout à fait honorable.

Mais le fait que j’avais écrit pour l’Auto Journal provoqua bien des rires chez mes collègues et je devins “ Le juge Fontaine, celui qui écrit dans l’Auto Journal”, car il est, parait-il, d’un goût douteux d’annoter d’une main même savante et novatrice,  autre chose que le commentaire d’une jurisprudence nouvelle dans la Gazette du Palais. J’en ris avec eux mais parce que je pensais que bien peu d’entre eux auraient pu le faire aussi.

Ce qui m’étonna et me chagrina fut de ne rien recevoir de la Sécurité routière, du Ministère de l’Intérieur ou des Transports (je ne sais plus lequel était compétent à l’époque) .Ni surtout, bien sûr du Ministère de la Justice. A l’époque nous n’étions pas encore “séparés” par l’affaire du CNERP sur laquelle je reviendrai. Et dans ma naïveté j’imaginais que mention de cette étude figurerait dans mon dossier… 

Cette attitude de ne pas répondre est de plus en plus fréquente. A mon sentiment, écrire à quelqu’un, pourvu qu’on y mette les formes, est une marque de l’intérêt et de la considération qu’on lui porte, mais souvent le destinataire prend cette démarche spontanée comme une intervention dans un domaine réservé: l’expert interpellé se dit: « tiens ! en voilà encore un qui croit pouvoir me faire la leçon: de quoi se mêle-t-il? »  J’eus même, plus tard,  une déception plus grande encore.  Lorsque Madame Cellier en vint à faire la grève de la faim pour protester contre l’attitude d’un goujat substitut qui l’avait renvoyée à faire son ménage au lieu de protester contre la condamnation d’un chauffard qui avait tué sa fille Caroline et avait été  condamné à un mois de prison avec sursis, (à l’époque c’était presque la condamnation habituelle pour une contravention de cinquième classe), j’avais manifesté à Mme Cellier toute ma sympathie. A mon arrivée sur le Web, je découvris l’existence de la Fondation  Cellier en l’honneur de la malheureuse victime. J’adhérai aussitôt en signalant que, puisque cette fondation  faisait des recherches, je mettais à sa disposition mes travaux dont je présentais l’essentiel. La lettre était bien arrivée car le chèque fut encaissé.  Je n’eus pas de réponse non plus...

Je dois mentionner ici que j’eus cependant une grande satisfaction, même si -apparemment-  je fus le seul à en avoir conscience.

Je ne sais plus qui, sans doute un ministre de l’Intérieur, décida la mise en place d’un contrôle aléatoire de l’état alcoolique des conducteurs. Je me permis de lui écrire pour lui faire remarquer que les conducteurs habituellement alcooliques ne représentant que 2 % de l’ensemble des conducteurs présents sur la route avec des écarts très importants d’une région à l’autre, des contrôles aléatoires conduiraient à interpeller inutilement 98 % des conducteurs, mais que par contre on pouvait en trouver beaucoup en des endroits et à certaines heures “privilégiés”, sortie des restaurants, des bars, des discothèques etc.: mais que ce ne serait plus des contrôles aléatoires. C’est bien ce qui arriva et les contrôles aléatoires  disparurent rapidement. La démarche était bonne puisqu’elle consistait à faire un inventaire mais elle fut abandonnée, tout simplement par ce que personne ne crut à ce résultat ! Deux pour cent des Français au volant alcooliques ! C’était vraiment trop drôle ! Cela représentait pourtant six ou sept cent mille conducteurs habituellement imbibés

Il y a quelques jours encore (Décembre 2002, un gendarme déclarait au JT qu’un barrage de toute la circulation sur la section d’autoroute où il opérait en vue d’un test exhaustif de l’alcoolémie des conducteurs n’avait révélé que deux tests positifs sur cent.

Une autre satisfaction vint de la visite impromptue que me fit un jour un très important industriel de la région dont l’activité était consacrée à la construction d’automobiles, qui avait lu l’Auto-journal. Il me dit qu’il s’était étonné de trouver des statistiques “aussi intelligentes”  (sic, vous imaginez ma jubilation) sous la plume d’un magistrat. Par esprit de corps je lui répondis avec modestie mais faussement, que nous étions quelques uns comme ça...


Je ne le nomme pas car il est décédé et ne pourrait me contredire, il vous faudra donc vous contenter de ma parole.

 

 

 

 

 

 

 

- 2 POURQUOI SI PEU DE GENS (  trois !) ONT-ILS ACCEPTE MES PREMIERS RESULTATS

et notamment le fait qu’il n’y a que 3 % de conducteurs “agressifs?

 

Le mieux est de comprendre comment j’y suis arrivé. Tout était décrit dans l’étude que j’adressais, puis fut repris dans les Cahiers de la Société de Criminologie Moderne et quand celle-ci fut devenue Expérimentale sur le site www..criminologie-expérimentale.com  créé par ma charmante épouse Sophie Joigny qui est douée, vous pouvez m’en croire .Elle avait commencé par un site dédié à notre chien : « loulou-monts- arrée. Com ». Sans elle notre ordinateur serait passé plus d’une fois par la fenêtre !

Au fait, ma feeemme, mon chien, cela me fait penser à un autre criminologue hélas plus connu que moi …

J’avais souhaité connaître la composition de ce que j’avais nommé “le parc circulant”, des véhicules  et des conducteurs bien entendu. Quoi de plus simple puisque je disposais de la description de nombreux accidents et de toutes les personnes qui paraissaient ou avaient paru impliquées dans ceux ci.

A la suite de la procédure et avant qu’ils ne paraissent -d’une manière vraiment aléatoire- sur ma table de travail, ils avaient été analysés “quarante fois” comme on dit dans le Midi: par les survivants, par les témoins, par les policiers ou les gendarmes, le procureur, les avocats, les experts et contre experts, le juge d’instruction...le tribunal! Je pouvais estimer que si tant de personnes de qualité et plus ou moins expertes en la matière s’étaient en général mises d’accord pour désigner le ou les coupables, il y avait bien des chances pour que ce fût le bon.

Première question: fallait-il retenir l’ensemble des personnes mises en cause ou distinguer ceux qui avaient provoqué l’accident d’une part et ceux qui l’avaient subi d’autre part?

Pour connaître la composition de la population qui circule en France tout au long de l’année, je choisis la seconde pour une raison qui va peut-être vous étonner: si l’accident est vraiment ce qu’il désigne, au sens étymologique du terme, c’est à dire quelque chose qui arrive par hasard, sinon ce serait un crime, ceux qui sont tirés au sort sont les victimes et exclusivement elles. La prudence me commandait donc de ne retenir que les conducteurs victimes. Ensuite il serait facile en étudiant les conducteurs agressifs de savoir si c’était les mêmes.  Je commençai donc par décrire la population de ceux qui circulaient dans mon arrondissement.

Mais qui étaient donc les autres, ceux qui avaient désigné les victimes comme on tire d’un sac des boules toutes semblables  mais rendues différentes par un signe ou une couleur?

Eh bien, fut-ce seulement une surprise? Leur population était tout à fait différente de la première. Ce qui n’était pas perceptible à l’examen de quelques accidents devenait tout à fait significatif quand on en étudiait plusieurs centaines: les conducteurs différaient par l’âge et par le sexe, par l’ancienneté de leur permis, par la marque et l’ancienneté de leur voiture.     

Il fallait bien en tirer les conséquences : Il y avait sur les routes de France deux populations tout à fait différentes!


Le plus remarquable mais c’était absolument évident, il arrivait tout à fait normalement qu’un “agressif” en désignât en autre qui à cet instant circulait normalement: comme je l’ai dit souvent, un conducteur alcoolisé ne provoque pas un accident à l’instant où il prend le volant et il peut très facilement être la victime d’un autre alors qu’il roule normalement...ou même qu’il est arrêté ! C’est parmi ceux qui sont tirés au sort dans la population circulante qu’il faut chercher pour savoir combien sont les alcooliques et les drogués, les récidivistes, les maladroits. C’est en comparant leur proportion ainsi relevée, avec leur proportion parmi les conducteurs agressifs que nous pourrons évaluer la dangerosité de l’alcool, des drogues, de la propension à récidiver etc. et non pas dans la population des agressifs !!!

Je voudrais faire ici une remarque de simple bon sens : 3 %, cela parait très peu mais cela doit comprendre entre six cent et huit cent mille conducteurs ! Imaginez ce que seraient les dégâts si nous étions tous des chauffards ! Regardez autour de vous, dans vos familles, parmi les adhérents de vos associations ou de vos clubs, vos collègues de travail, combien y a-t-il de vos connaissances qui ont provoqué  un accident mortel ou corporel grave ?

C’est peut-être le moment de faire une courte parenthèse. J’ai eu l’occasion d’écrire dans un autre  essai que l’homosexualité me paraissait avoir une origine génétique. L’alcoolisme de même. J’ai eu l’occasion de rencontrer au sein du Comité de lutte contre l’alcool un ancien cadre d’une importante société de fabrication d’apéritif anisé. Il avait exercé, me confia-t-il un jour, son métier avec tristesse: il avait en effet constaté que parmi les représentants qu’il était chargé d’embaucher, malgré tous les avertissements qu’il leur prodiguait, trois sur quatre devenaient rapidement alcooliques. Visitant les débits d’alcool, ils étaient toujours invités à “boire un coup” après la passation de la commande. Trois sur quatre ne refusaient jamais, un sur quatre toujours...Il en était de même, autrefois, avec les facteurs ruraux. La différence c’est que le facteur repartait pour une longue marche à pieds sudative et dépurative alors que le représentant en alcools reprenait le volant.

De même à propos de la délinquance “juvénile” qui  -ainsi que je crois l’avoir démontré- n’existe pas, je cite volontiers le cas de Marie Antoine Carême né à Paris en 1784. Son père, honnête ouvrier était accablé d’une nombreuse famille. Lorsque Marie Antoine, l’aîné, atteignit ses onze ans, son père l’invita dans un restaurant à la barrière de la banlieue où il habitait et lui tint un discours pour le moins viril. “Mon fils, je t’aime et c’est pourquoi j’ai décidé de t’offrir un bon repas: prends tout ce que tu veux, mais c’est le dernier que je puis te payer.  Tu es maintenant un homme, il est temps que tu te prennes en charge, quant à moi je dois encore m’occuper de tes frères et soeurs! Le patron de cette maison t’engage comme apprenti, tu seras nourri et logé jusqu’à ce que tu lui rapportes quelque chose. D’ici là sois obéissant, je dirai même dévoué  pour le remercier. Adieu mon fils, que Dieu soit avec toi!”

Carême tomba-t-il dans la délinquance, refusa-t-il de se laisser exploiter ?  Non, nenni ! Après des journées harassantes il passait une partie de la nuit à étudier à la chandelle. Le jour il était appliqué à son travail, devint un grand cuisinier, alla à Rome étudier l’architecture pour pouvoir dresser des buffets royaux, écrivit des ouvrages où il théorisait l’art de la gastronomie.

Je pourrais en citer des dizaines: Nicolo Fontana dit Tartaglia (le Bègue”) né en 1499, ainsi surnommé parce qu’étant encore enfant, il avait eu la mâchoire fracassée par un soldat français au siège de Brescia. Son père était si pauvre qu’il n’avait pu lui payer l’école que pour apprendre l’alphabet jusqu’à la lettre K (incluse). Cela lui suffit, apparemment, puisqu’il devint un ingénieur renommé, découvrit la résolution des équations bicarrées et établit la théorie de celles du 3 ème degré! Je pose la question: combien d’élèves parvenus normalement à la fin du secondaire seraient-ils capables de le faire ?

Et Wallace! Pur autodidacte car il sut profiter des cours gratuits que le Royaume- Uni dispensait le soir en dehors des structures de son éducation Nationale ; il imagina  l’évolution de la vie par la sélection naturelle en même temps que Darwin mais s’effaça devant lui.... J’ai toujours pensé que l’Education Nationale devrait se borner à conduire les enfants au certificat d’études, pour leur faire gagner du temps en leur donnant tous les moyens d’apprendre, notamment la lecture et c’est précisément ce qu’elle ne fait pas!  Ensuite elle ne sert qu’à maintenir les privilèges.


Pourquoi ne pas aider ceux qui n’ont pas pu ou voulu profiter de l’instruction qu’on leur offrait et voudraient “s’y remettre” quand ils ont compris combien elle est nécessaire ?

Le plus mauvais service qu’on puisse rendre aux jeunes c’est de payer leurs études. S’ils travaillaient un an sur deux pour payer les études de l’année suivante, ils en connaîtraient mieux la valeur et ce qu’est la vie.

S’ils savaient combien d’enfants voudraient aller à l’Ecole de par le monde! Je me souviens d’enfants égyptiens –de la campagne- qui portaient avec fierté, les garçons comme les filles, l’uniforme de leur école impeccablement propre et qui par suite du manque de locaux faisaient alternativement l’horaire suivant 8 heures- 13 heures et 13 heures-18 heures 

Pourquoi aller chercher si loin ? Je me souviens en écrivant ces derniers paragraphes de l’école primaire de Nice où j’ai préparé le certificat d’études : nous étions cinquante élèves par classe répartis en deux sections. Le silence était religieux, le maître ou la maîtresse adorés de tous et pourtant ils avaient un bambou suffisamment long et souple pour aller chercher l’oreille de celui qui se serait  laissé aller à rêver ou à troubler son voisin…Et la classe était bien un melting pot : une bonne  moitié était composée d’ enfants italiens ou arméniens dont les parents ne parlaient pas le français, un quart était composé de jeunes Niçois dont les parents parlaient le français mais ne l’écrivaient guère, le reste était plus avantagé mais n’occupait pas systématiquement les meilleures places…

Mais c’est une autre histoire...

Je crois que le plus mauvais service qu’on a rendu aux jeunes d’après guerre fut  -au 

 sens  propre - de les infantiliser au lieu de les viriliser.

Certes. Il y a encore en France trop de pauvres et d’enfants sous ou mal alimentés. Mais jamais l’état sanitaire général ne fut meilleur. Etait-ce le moment de traiter les jeunes comme des êtres incapables de participer au travail commun de la famille, de gagner un peu d’argent,  fût-ce pour leur propre plaisir, au lieu de l’attendre de leurs parents taillables et corvéables à merci ? Nous en sommes maintenant aux “jeunes” qui restent chez leurs parents avec leurs peluches, leurs disques et leurs BD, jusqu’à trente ans car ils sont incapables de s’assumer. Verrons-nous un jour des jeunes qui vivent chez leurs géniteurs qui sont encore eux- mêmes chez les leurs ?

Je crois qu’il y a plus de vérité chez les humoristes que dans beaucoup de cours de sociologie et je cite volontiers le clown Zavatta qui disait « j’ai de bons enfants, le jour de mes soixante dix ans ils m’ont dit, Papa, jusqu’à présent tu as travaillé pour nous, maintenant tu peux travailler pour toi ! ».

  En toute innocence et sincérité, beaucoup de jeunes considèrent que leur état leur interdit de travailler: étant pendant les vacances de la Toussaint en visite chez des amis, je vis le grand- père proposer à ses petits enfants de 12 et 14 ans d’occuper l’après midi pluvieux en faisant une dictée!!!

- “ Mais Grand- Père, tu veux nous faire travailler pendant les vacances ! ?”

Et le grand- père de s’excuser:

-”J’ai cru que vous vous ennuyiez et je voulais vous apprendre quelque chose en jouant !”

On aurait cru que le syndicat du collège leur soufflait la réponse:

-«  Pas pendant les vacances !”

-«  Les jeunes Japonais...

-Et ils se suicident à 15 ans, c’est ce que tu veux ?”...

Je reviendrai longuement sur le problème des délinquants mineurs traités comme des enfants…

Tout ceci pour en arriver à vous dire que l’intelligence, si on la définit comme l’aptitude à résoudre des problèmes nouveaux ou des problèmes anciens par des voies nouvelles est purement génétique. Cela parait triste et injuste. La Nature est ainsi: il y a des grands et des petits, des beaux et des moins beaux. La différence est que ces dernières différences ne peuvent se cacher alors que le défaut d’intelligence se dissimule sous un vernis de culture ou trouve une excuse dans une instruction insuffisante par ce qu’elle manquait de moyens...

Je vais faire une courte parenthèse : la discussion entre le rôle de l’inné et de l’acquis dans la construction de l’intelligence ou de n’importe quel don intellectuel (musique, arts graphiques, sciences physiques, mathématiques, etc.) date maintenant de nombreuses années. Pour vous montrer la différence de méthode entre la SCE et les autres centres de recherche, je vous demanderai simplement  pourquoi jamais personne n’a proposé ou accepté une recherche dans cette matière fondée sur la méthode expérimentale ? Il suffirait de tirer au sort quelques centaines de jeunes enfants et de leur dispenser un enseignement bien ciblé, dans un environnement bien choisi. Un groupe vivrait au milieu de musiciens de haut talent qui les entoureraient en toutes circonstances comme le fut sans doute Mozart. Il faudrait ensuite noter à quel âge les plus doués composeront leur première symphonie…                                                             Je ferai seulement remarquer que tous les grands musiciens n’ont pas eu la chance de grandir parmi des musiciens et que pour prendre un autre exemple illustre, ce n’est pas médire que d’avancer que ni les parents ni les enfants d’Albert Einstein n’étaient particulièrement doués.

 

   

Pourquoi, malgré mes efforts, trois personnes seulement furent-elles intéressées: Monsieur Poniatowski, le Rédacteur en Chef de l’Auto-Journal et l’important industriel de l’automobile dont j’ai parlé? Y aurait-il des gens qui savent lire pour leur plaisir un journal et y apprendre quelque chose et d’autres non ? 

Faut-il admettre qu’il y a des esprits ouverts et d’autres...qui sont précisément dans les “bureaux “ pour décider !

 

Les conséquences en auraient pourtant été incalculables. La mise à l’écart de la circulation routière de trois pour cent de la population des conducteurs aurait immédiatement diminué le nombre des morts, le coût des accidents, des assurances. Car je soutiens que la sécurité sur la route est encore plus importante que la sécurité en ville ! 


J’avais adressé mon travail à la Sécurité Routière et aux Ministères intéressés de l’époque. Admettons que ce travail jugé sans intérêt par les bureaux chargés de trier le courrier ait fini à la corbeille. N’y avait-il aucun lecteur de l’Auto-Journal parmi ces gens qui s’occupaient tant de la circulation ? Pas un d’entre eux n’a-t-il pensé au moins à discuter ce que j’avais écrit ou à le vérifier ou dans le doute à demander des explications? Et le malheur c’est que plus je leur écrivais moins ils pouvaient admettre qu’ils avaient eu tort de rejeter mon travail. Ils avaient appris à me reconnaître : “Encore lui!” disaient-ils avec lassitude, et hop!, à la corbeille...

J’ai fait le calcul qu’en trente ans j’ai distribué plus de trois quintaux de papier en lettres et photocopies...

Il en fut de même, comme nous le verrons plus loin quand, situation inverse, je démontrai l’inanité des travaux des “chercheurs” du ministère de la justice... 

 

 

 

 

- 3 LA RECHERCHE SUR LA DELINQUANCE EN GENERAL.

 

 

Un curieux séminaire.

 

 

Là dessus, je fus nommé juge d’instruction à Pontoise. Le travail y était considérable. Les dossiers étaient distribués par ordre d’arrivée aux quatre juges d’instruction, sans considération de la nature des affaires et il en arrivait, pour chacun d’entre nous environ 300 par an! Mais il fallait être polyvalent ce qui obligeait bien souvent à faire de longues recherches, alors qu’à Paris où je devais être nommé un peu plus tard, la spécialisation permet un meilleur rendement. Après quelques mois de travail j’avais pris mes marques, je possédais mes dossiers et je me trouvais à l’aise dans ce tribunal extrêmement sympathique, bourré de jeunes et jolies collègues, compétentes et intelligentes, et souriantes, ce qui ne gâchait rien .    Pontoise était « l’antichambre de Paris” qui me rappelait par bien des points le tribunal mixte (seulement par la nationalité de ses juges français et tunisiens)  immobilier de Tunis où j’avais officié pendant dix ans.

Quand un collègue du siège était empêché, on faisait appel à l’un des juges d’instruction pour compléter le tribunal : ils étaient toujours présents...Mais nous le faisions volontiers.


Il y avait aussi Béatrice*, une charmante collègue entrée très tard dans la magistrature à la suite de son veuvage. Compte tenu de l’horaire des audiences, nous déjeunions tous très tôt dans le même restaurant et notre table n’était pas la moins animée. Béatrice ne calait jamais devant les sardines à l’huile ou un haricot de mouton voire une choucroute, un rien de fromage pour faire la transition et un dessert. Le tout largement arrosé,  en sorte qu’il lui arrivait de céder à une petite sieste au début de l’audience. Quand j’apercevais des gens qui riaient au fond de la salle, j’alertais le Président qui décochait un coup de coude à Béatrice. Elle se réveillait en criant quoi? Quoi! Quoi... et lorsque nous nous  retirions pour délibérer le président l’interpellait: ”Béatrice, vous avez encore dormi !”

Son âge lui donnait tous les droits et elle répondait par un sourire charmeur qu’elle avait su garder de sa prime jeunesse, 

- “Jean-Pierre*, je ne dors bien que près de vous!”

J’appréciais infiniment ce président de chambre: compétent, intelligent, travailleur, solide sur les principes; son caractère lui permettait de relaxer comme de condamner sévèrement. A la différence d’autres toujours tièdes...A la fin des audiences, il nous arrivait de nous serrer la main comme deux joueurs de double après une bonne partie

Plus tard j’appris que lorsque les avocats nous voyaient ensemble à l’audience, certains se réjouissaient et d’autres avertissaient leurs clients que ce serait dur, très dur !

Mes “clients” ou mes “patients”, comme on voudra, allaient du truand au voleur de voitures, du fraudeur à la TVA à l’empoisonneur, du chauffard à celui qui avait défiguré sa femme au vitriol ou plus simplement l’avait tuée, “parce que dans mon monde, Monsieur le Juge, on ne divorce pas”.

* prénoms fictifs

 

Puis vint Mai 1968 et, aussitôt après, un déchaînement contre la Police et la Magistrature.

Pour ne pas laisser mes détenus en déshérence, profitant du temps magnifique de ce Mai 68, je  décidai de me rendre au tribunal en vélo, 60 Km par jour. J’avais fait mille fois le chemin en voiture sans soupçonner combien il y avait de montées! Au bout d’une semaine j’en avais pris l’habitude et c’était si agréable  que je décidai de continuer quand l’ordre serait revenu. Las, ce qui revint d’abord, ce fut l’essence. Avec la circulation,  les voitures me frôlaient, bien décidées à me faire descendre dans le fossé pour avoir toute la place... Cela me conforta dans mon idée que quelque chose devait être fait pour maîtriser les mauvais conducteurs...

        Une circulaire ministérielle m’invita  bientôt, comme tous mes collègues à participer à un “séminaire”dont l’objet paraissait bien vague...

Nous fûmes accueillis par une femme comme les sexagénaires d’aujourd’hui se souviennent d’en avoir beaucoup vu en 68. Vêtue d’une sorte de sac qui la couvrait -heureusement- jusqu’aux chevilles, les cheveux gras, les ongles noirs, elle avait manifestement un vieux compte à régler avec les juges, en particulier les juges d’instruction. Peut-être s’en étaient-ils pris à son « mec» ? En tout cas, elle ne me fit pas bonne impression. Ses propos étaient simples et elle ne cherchait pas à nous ménager:

 “ Vous êtes des criminels, des assassins, la loi est injuste et  la prison  un pourrissoir que la bourgeoisie utilise pour dépraver les travailleurs...” Tel était l’enseignement de ce séminaire !

Elle ne mâchait pas ses mots, l’animatrice, et nous étions en face d’elle à l’écouter sagement !


Qui était cette “tricoteuse”, quelles étaient ses références, comment le Ministre avait-il pu la désigner pour s’adresser à nous et nous obliger à entendre sa leçon, qu’en pouvait-il espérer? Quelques collègues ne tardèrent pas à s’éclipser à l’occasion d’une pause-café, en sorte qu’à la reprise, je me retrouvai seul au premier rang et que la maritorne ne s’adressa plus qu’à moi !           Je réussis quand même au prix d’un grand effort, à lui demander, aussi modérément que possible, quelle était son autorité en la matière, quelles étaient ses sources, sur quelles analyses, sur quelles études vérifiées elle pouvait faire la critique qu’elle nous présentait.

Plus véhémente encore elle affirma que bientôt nous les recevrions, ces études et que nous devrions bon gré mal gré en tenir compte...Je n’en entendis plus parler, comme on va voir, jusqu’en 1974 et encore je ne fis pas immédiatement le rapprochement.

Le lendemain, lorsqu’il nous reçut à notre retour de “stage”, toujours sympathique et bienveillant, il était souriant le Président et il nous rassura, “ce n’était rien qu’un vent mauvais qui bientôt tournerait et les choses auraient pu être beaucoup plus graves..”.Je ne pus m’empêcher de penser aux feuilles mortes et à la pluie sur la ville...C’était un mauvais présage.

Mais ce qui va sans dire va encore mieux en le disant. Tout n’a pas été mauvais dans l’héritage de Mai 1968. Des chaînes contre lesquelles je m’insurgeais moi même ont sauté. En réalité la Société française est incapable de se réformer. Les changements ne peuvent s’y produire qu’à l’occasion d’une révolution avec bris de vitrines et alors au lieu de réformer on se lance dans l’utopie...En ce qui me concerne le seul reproche que je fais à certains des  tenants de “l’imagination au pouvoir” c’est précisément d’en avoir manqué et d’avoir tenté de faire passer leurs idées aux moyen de statistiques fausses, ce qui me donna beaucoup de travail !

        Qui peut affirmer sérieusement que notre Société n’a pas besoin d’être profondément changée faute d’avoir évolué depuis des décennies et en particulier notre Justice ? Quant à moi j’ai pensé qu’elle devait l’être sur des bases rationnelles, j’ose dire scientifiques !

En toute bonne foi je me suis lancé dans la recherche, sans a priori, en toute liberté d’esprit et j’ai trouvé  des solutions pour changer la Justice, la rendre plus efficace, plus humaine. J’ai cru longtemps…et encore maintenant qu’après en avoir discuté sur la place publique il serait possible de mettre en place des réformes, par paliers, à titre provisoire d’abord, définitifs ensuite si les résultats étaient convaincants. Trente ans après il n’a pas été démontré que je me suis trompé…  

 

 

- 4 LA THEORIE GENERALE SE MET EN PLACE

 

Le fondement du crime ou du délit

 

 

De retour dans mon cabinet, je ne pus m’empêcher de me poser des questions.

Et si, sous les paroles violentes de l’animatrice du “séminaire”, il y avait quelque chose de vrai ? Pouvais-je savoir si la prison corrompt? On a bien vu en médecine des remèdes qu’il a fallu abandonner car ils étaient pires que le mal. Comment se fait-il que les juges ne se préoccupent jamais de ce que deviennent les gens qu’ils ont condamnés?  Bien sûr ils agissent dans le cadre que leur impose la Loi. Ils ont la plus grande liberté de “doser” les peines qu’ils prononcent: durée de l’emprisonnement, montant de l’amende, durée de la suspension du permis de conduire, travaux d’intérêt général, semi liberté, etc.   Il ne semble pas que personne ait jamais pensé à le faire alors qu’il n’est pas évident que, punis ou soignés, beaucoup de délinquants paraissent changer de comportement !

Ne serait-ce pas le rôle, d’abord des parlementaires qui font les lois, de vérifier leur application, puis du ministère qui devrait rendre compte du travail accompli et de ses résultats.

La médecine n’a cessé de progresser depuis qu’elle est devenue expérimentale: on essaie les médicaments selon des protocoles bien établis, on surveille les traitements et on mesure leur succès ce qui permet d’établir des notices d’emploi etc. Parfois même on retire un médicament de la vente. Les thérapeutes engagent leur responsabilité lorsqu’ils acceptent de soigner un malade, s’ils n’utilisent pas toutes les ressources que la science leur propose et les juges ne manqueront pas de les  condamner. Le sujet est trop ardu, compliqué et délicat pour que je l’aborde ici, mais ne devrait on pas étudier une responsabilité des juges ? Ne parlons pas de celle des jurés de cour d’assises !

Je vais vous donner un exemple concret encore une fois : en 1952, émus par quelques hold up qui venaient d’être commis au cours des derniers mois, c’était une technique nouvelle, le parlement vota une disposition du Code qui punissait de la peine capitale ces vols, même s’il n’y avait pas eu mort d’homme. Cette disposition ne fut jamais appliquée ! Et en quelques années le hold up devint une pratique courante. Plusieurs dizaines par jour, avec de nombreux morts !

Peut-on imaginer qu’un médecin refuse d’administrer à un patient qui souffre de la typhoïde, de la typhomycine qui guérit cette maladie à 99,9 pour cent ? Il serait condamné, rayé de l’Ordre, devrait payer de lourds dommages intérêts…

Pourquoi n’y a-t-il pas un « observatoire » de l’application des lois ? Cela pourrait d’ailleurs servir à s’interroger aussi bien sur la valeur des lois que sur les institutions chargées de les appliquer. Il y a pourtant un « observatoire des prisons » et c’est une excellent chose !

Pourquoi n’en ferait-on pas autant en matière de Justice  qu’en matière de santé?

On pouvait considérer que la méthode du double aveugle n’était pas éloignée d’une telle recherche: celui qui examinerait avec vingt ans de recul les casiers judiciaires d’un certain nombre de condamnés allait le faire à l’insu aussi bien des condamnés que de leurs thérapeutes... 


Je décidai donc de me lancer dans une recherche que je souhaitai aussi scientifique et expérimentale que possible en décidant en tout cas de suivre les deux règles suivantes :

  1. toute hypothèse devrait être générale,
  2. toute hypothèse devrait être vérifiable expérimentalement.

Il me fallait donc étudier

  1. les délits et les crimes, pourquoi et comment devient-on un délinquant ?
  2. les  délinquants et criminels : qui sont-ils, combien sont-ils, quel est leur parcours ?
  3. quelle est la réponse de la Société ?
  4. quels en sont les résultats ?

Comme vous pouvez le penser, ce vaste programme ne se mit pas en place d’un seul coup, d’une manière raisonnée. Je ne pouvais pas faire ce que je voulais et je devais utiliser et le temps dont je pouvais disposer et les opportunités qui m’étaient données.

 

Réflexions sur la peine d’emprisonnement.

Par ce que c’était le plus facile, je commençai donc par la prison. Ainsi je saurais ce qu’est cette peine –du moins en aurais­­-je une petite idée. A y réfléchir, parmi les stages que doivent faire les jeunes magistrats, a-t­-on prévu un stage en prison ? Comme gardien, bien sûr !

Avec le recul que je prenais, à savoir une vingtaine d’années, je constatai que c’était pratiquement la seule peine employée. L’amende était rarement prononcée ou était dérisoire et rarement payée. Les travaux à l’extérieur de la prison autorisé sous réserve que ce soit des travaux au profit de l’Administration, étaient rarissimes, sans doute par manque de personnel de surveillance et les travaux d’utilité publique n’existaient pas encore.

J’eus donc la curiosité de comparer le devenir de personnes qui avaient été condamnées avec sursis et celui de personnes qui n’avaient pas bénéficié de cette mesure. Je continuai la même recherche en fonction de la durée de la peine, avec et sans sursis.

Je m’intéressai particulièrement au rôle du sursis probatoire, un second sursis après le premier qui devait être la dernière mesure de bienveillance avant que la foudre de la Justice ne vienne clouer le récidiviste... Bien souvent, alors que toutes les bienveillances paraissaient épuisées, le tribunal ne prononçait plus que des amendes (jamais mises en recouvrement) pour ne pas avoir à révoquer les sursis. Et les « intéressés » devenus récidivistes continuaient gaiement.

Nous reverrons tout celà plus loin mais je peux dire déjà que les peines de un an d’emprisonnement avec sursis sont aussi dissuasives que celles prononcées sans sursis; que les peines fermes deviennent plus dissuasives à partir de neuf mois; que les récidives sont plus nombreuses après un second sursis qu’après une peine ferme.   

La prison ne me parut pas être un pourrissoir, tous ceux qui y allaient n’y retournaient pas ni un lieu de rédemption, parmi ceux qui y allaient, beaucoup y retournaient. Etait-elle neutre, mais comment être assuré qu’elle avait été bien employée ?  

Le législateur n’a pas cru devoir préciser aux juges ce que doit être la prison. Est-elle seulement  une punition par la privation du plus précieux des biens, la liberté ? Doit-elle assurer aux détenus l’instruction qu’ils n’ont pas reçue avant leur incarcération, les préparer à une bonne réinsertion dans la société ? 

 

La prison est une invention de la Révolution, comme le bagne, destiné d’abord aux prêtres réfractaires puis utilisé pour donner de la main d’oeuvre aux planteurs de canne à sucre.

Ma première démarche fut d’aller visiter la prison de Pontoise.

Je fus reçu sans arrière- pensée par le directeur, un homme jeune, distingué dont on m’avait dit qu’il était actif et compétent.

La prison était impressionnante: une immense nef renversée, éclairée par le toit avec des coursives sur les flancs. Elle n’était pas occupée avec excès, je rappelle que nous étions en 1968, elle était propre et sentait l’eau de Javel, juste assez. Rares étaient les cellules abritant plus de détenus qu’elles ne devaient et toujours très provisoirement.

Le directeur m’apprit que les détenus qui regrettent ce qui les a amenés là et présentent les signes les plus encourageants de réinsertion tiennent avant tout à être isolés. Ils se sentent différents des autres.

Lui même aurait voulu trouver plus de travail pour ses détenus mais on ne pouvait mettre dans les mains de tous des outils qui deviendraient bien vite des armes, les compétences des détenus étaient très faibles, certains se complaisaient à faire le maximum de dégâts...Une population toujours difficile, souvent désespérante ! Il avait trouvé un marché pour fabriquer des cotillons . C’était un travail facile qui pouvait être exécuté en cellule et permettait à chacun de tirer profit de son application. Nous eûmes les mêmes pensées : combien de réveillonneurs sauraient-ils d’où venaient les mirlitons dans lesquels ils soufflaient.

La visite d’une prison même bien tenue n’est jamais gaie mais je  retins de celle- ci que sous réserve d’être à taille humaine, d’assurer un bon isolement des détenus au moins pour les douze heures de repos et de sommeil, le travail et  l’enseignement occupant le reste du jour, on pouvait espérer un bon résultat...pour quelques uns! D’autres auraient besoin d’un traitement prolongé, plus sévère sans que jamais la réinsertion soit assurée.        

Il n’en restait pas moins que la prison, solution à tous les problèmes est un rêve, comme celui de soigner tous les malades avec de l’aspirine ou de la cortisone, en modifiant seulement les doses ! On retrouve toujours cette erreur de croire qu’il y a UNE solution, que la délinquance de celui qui restera primaire est la même que celle du récidiviste, que celle de l’escroc relève des mêmes causes que celle du violeur ou du proxénète !

 Il faudrait étudier de nombreux régimes carcéraux gradués dans la sévérité comme dans la nature: comment concilier cela avec l’enseignement, la durée des peines, la proximité des familles...  La délinquance n’est-elle pas aussi un chantier immense pour la psychothérapie qui pourrait peut-être faire des propositions ?

A mon avis, seuls les individus dangereux pour les personnes  devraient se trouver emprisonnés totalement et  pour de longues durées.

Les autres pourraient bénéficier de régimes plus ou moins sévères après que les sanctions telles que centres de rétention, de travail, d’enseignement, d’isolement de milieu dangereux, amende, prison avec sursis auraient échoué ce qui les ramènerait en prison.

Les premiers critères de dangerosité pourraient être


- la nature des faits : blessures volontaires, mauvais traitements, viol, torture, homicide volontaire, rapt, séquestration, proxénétisme.

- la pluralité de ces faits, la récidive,

- la volonté d’imposer des souffrances,

- le comportement au cours de la procédure,

- la volonté et la possibilité de se réinsérer par le travail, le dévouement à une cause,

- l’environnement social et familial par l’aide qu’il peut apporter.

Jamais la crainte d’une réitération ne devrait s’effacer devant la pitié, la sympathie et laisser subsister le moindre risque.

 

Il est  même à craindre que certains soient absolument rétifs à tout traitement. Il y a encore de nombreuses maladies incurables ; Seule la méthode expérimentale permettra d’y voir plus clair, comme en médecine et de trouver au moins de grandes classes de traitement des délinquants comme on a distingué les maladies virales, les maladies génétiques etc.

 

 

L’origine de l’acte délictueux

Est-ce la société ou quelques facteurs extérieurs qui rendent délinquant comme le pensait  J. J. Rousseau ou (hypothèse à prendre avec des pincettes, même au jour d’hui car très mal vue) un facteur et plus probablement une disposition génétique ?

J’ai trouvé de nombreuses pages sur ce sujet, les plus audacieuses proposant que les deux facteurs se complètent à l’unité, par exemple trois quarts et un quart ou moitié-moitié.

Si les deux facteurs devaient se conjuguer, je pencherais plutôt pour un produit car les deux facteurs étant indépendants, il y aurait peu de chances que le total soit égal à l’unité.

Une fois de plus la solution fut raisonnablement facile car en analysant un échantillon de Français j’avais trouvé deux populations qui paraissaient tout à fait étrangères l’une à l’autre.

- 15%        avaient été condamnés une fois seulement, entre 14 et 70 ans, pour un seul fait et leur distribution en fonction de l’âge à la commission de ce seul et unique fait était parfaitement « normale », c'est-à-dire selon une courbe en cloche représentation de la distribution d’une variable selon la loi de Gauss-Laplace, c'est-à-dire que de nombreux facteurs intervenaient pour étaler cette distribution. Ce qui signifiait bien que l’environnement constitué par de nombreuses causes et lui seulement, en était responsable.

- 3% au contraire avaient été condamnés au moins deux fois et il ne semblait pas y avoir de limite, certains dix ou quinze fois presque toujours pour des faits multiples,  parfois même lorsqu’ils étaient en prison. En général ils avaient commencé très tôt et ma stupéfaction fut grande de constater que classés comme dans la population précédente en fonction de leur âge à la première condamnation, ils étaient distribués comme une fonction exponentielle décroissante, comme les atomes d’un élément radioactif de demi-vie de 7 ans !! Je m’attendais à tout sauf à ça, je refis les dénombrements, les calculs, il n’y avait pas de doute. Sur un échantillon de 101 récidivistes, les 50 premiers avaient commis leur premier délit entre 14 et 21 ans, les 25 suivants entre  21 et 28 ans, etc.

Ces gens n’étaient ni parents ni alliés, ni voisins, ils avaient vécu à cinquante ans de distance, aux quatre coins de la France, pourtant ils faisaient partie d’une seule et même population, se  trouvant  étroitement unis par le lien d’une seule et unique caractéristique.

Je compris rapidement que ce ne pouvait être qu’une disposition génétique. Par la suite je trouvais d’autres éléments qui me confortèrent dans cette opinion, 

  1. c’étaient ceux qui avaient commencé les plus jeunes, donc ceux qui avaient le moins subi les effets de l’environnement,
  2. lorsque je pus me procurer un échantillon de récidivistes datant de 50 ans, il avait la même distribution,
  3. la population des récidivistes était rare : 3%,
  4. elle était constante en proportion, au sein de la population, n’étant liée ni au chômage, ni aux guerres etc. etc.

 

Et j’arrivais à cette conclusion, bien malgré moi, au moment où l’origine génétique de l’intelligence, de l’homosexualité, de la calvitie etc. etc. était rejetée de partout et par tous avec mépris sinon avec horreur!

Bien pire, quelques uns qui au contraire, pensaient à une origine génétique de la criminalité, lançaient une sottise : le chromosome du crime !                                                            Comme toutes les sciences à leurs débuts, la génétique (elle ne se généralisa guère, même dans l’enseignement, que juste avant la dernière guerre)  fut un fourre-tout où n’importe qui pouvait placer n’importe quoi!

A l’époque (1968), un journaliste de talent, André Fontaine,  avait appris l’existence des individus porteurs d’un chromosome Y surnuméraire (XYY au lieu de XY pour les hommes et XX pour les femmes) en nombre significativement élevé dans les prisons…

A propos du procès d’un nommé Hogon, le journaliste souligna l’anomalie de ce dernier et Jean Rostand, authentique chercheur par ailleurs, développa  le sujet : “ Il y a bien des risques pour qu’un homme porteur de cette anomalie chromosomique commette un jour un acte délictueux; il  a 15 chances pour cent de devenir criminel, il y avait dans l’oeuf de cet homme quelque chose qui le prédisposait au crime et l’on ne peut contester le fait que cette anomalie est plus fréquente dans une population délinquante”.

Comme le sculpteur Apelle à son cordonnier j’aurais pu lui écrire “Ne, sutor, ultra crepidam!!” Mais j’étais encore bien trop modeste.


J’ai relevé et retenu ces propos, non pas pour critiquer vertement tous ceux qui ne sont pas de mon avis mais pour montrer une fois de plus combien la criminologie parait une science faible où n’importe qui  peut affirmer n’importe quoi ! Ainsi “la population carcérale” des détenus en détention provisoire devient la “population délinquante”, alors que beaucoup de  ceux qui la composent ne sont là que parce que le juge d’instruction veut éviter leur fuite en attendant leur jugement.  Or la population des XYY , constituée d’hommes longilignes, voûtés, très myopes, souvent maladroits et parfois attardés mentalement, est fréquente en prison pour détention  provisoire: ils se font prendre pour n’importe quoi, souvent des faits mineurs qu’ils n’ont  même pas à se reprocher et qu’ils avouent bien volontiers! Quand on sait où ils pourront être retrouvés, le juge les renvoie chez eux, sinon il les garde quelques jours en détention, le temps de les faire examiner par un biologiste. D’où leur surnombre ! Mais pourquoi Jean Rostand n’a-t-il pas pensé à tester son hypothèse ? Il aurait du vérifier qu’au moins un excès significatif de grands délinquants ou criminels est porteur de cette anomalie génétique, ce qui n’est absolument pas le cas ! Pourquoi une anomalie génétique ferait-elle du porteur un criminel plutôt qu’un saint? Comment pouvait-il avancer une valeur aussi précise que 15% ?

La vérification du caryotype des grands criminels montre qu’il est parfaitement normal pour ce que nous en connaissons actuellement, le nombre des chromosomes et non pas la disposition des gènes.  Ce que nous trouverons peut-être un jour prochain c’est la combinaison de nombreux gènes -car elle est rare- qui donnent au porteur une propension à ne pas respecter la loi...qui est elle- même (ou devrait être) d’inspiration génétique; je vais y revenir !

Un grand criminologue, trop tôt disparu, Monsieur Pinatel qui savait bien qu’une loi scientifique doit être générale, avait relevé que tous les criminels présentent quatre caractères sur lesquels je vais revenir. J’ai alors écrit que ces caractères sont des comportements génétiques, que si un individu les reçoit à sa naissance de son père et de sa mère qui eux n’en souffrent pas, il sera lui- même criminel. Une liaison de l’un des caractères, l’agressivité,  au sexe masculin expliquerait que seulement 10 fois moins de femmes que d’hommes soient touchées. Je n’avais aucun moyen de faire une recherche sur le sujet. Elle mériterait grandement  d’être encouragée.  

Je vais faire ici une parenthèse pour épuiser le sujet de Jean Rostand.

La vérification expérimentale des hypothèses est aussi nécessaire en criminologie qu’en n’importe quelle autre science ! Jean Rostand si prudent quand il s’agissait des grenouilles cessait de l’être lorsqu’il s’agissait des hommes!

Cette méthode n’a rien de difficile:

1- on forme l’hypothèse que le chômage est un facteur de délinquance; pourquoi pas ?

2- on pose la question: y a-t-il de la délinquance en période de plein emploi ?

3-on recherche la proportion des chômeurs parmi les délinquants et les non- délinquants,

4-on recherche la proportion des délinquants parmi les chômeurs et les non- chômeurs .

La réponse est en général facile quand ces résultats sont connus.

La véritable difficulté est ailleurs: elle est dans la définition des objets mêmes de la recherche.

Comment définir le délinquant, à compter de combien de délits, de quelle gravité ? Comment définir le chômeur, à compter de combien de semaines, de mois ou d’années sans travail? Cela ne va pas de soi et c’est pourquoi j’avais pris soin de commencer par étudier la délinquance. Je suggère que le retard de la criminologie est dû à la difficulté de définir les concepts que l’on va mettre en œuvre : le meilleur exemple est l’ambiguïté du terme fondamental de « délinquance » qui désigne aussi bien, actuellement, l’ensemble des délinquants et des faits délictueux. Il ne faut pas s’étonner si certains, nombreux, ont cru qu’il existait une bijection entre les deux valeurs : un délit correspondant à un délinquant ! Et qu’ils aient affirmé que si le nombre des délits a augmenté, c’est qu’il y a une augmentation du nombre de délinquants !!!

Je vais insister sur ce point : étudiant tous les travaux qui me tombaient sous la main j’eus la surprise d’en trouver un qui commençait par ces mots : « nous ne définirons pas l’objet de notre recherche car ce serait trop réducteur. » Je ne peux citer le nom des auteurs car je le fais de mémoire, une fois de plus. Je crois bien qu’il s’agissait d’un travail sur la nature de l’intelligence ou de la délinquance. Il ne faut pas m’en vouloir  d‘avoir travaillé sans noter chaque point intéressant, le nom de l’auteur et la date de chaque déclaration. Je n’aurais pas manqué de le faire si j’avais été chercheur dans une quelconque organisation ou si seulement j’avais pensé qu’un jour –si lointain- j’aurai à exposer comment je suis arrivé, ou non, à tel ou tel autre résultat ! Toutefois je maintiens qu’il y a des principes généraux de logique sur lesquels Aristote et les « philosophes »  de la Sorbonne se sont longtemps étendus et auxquels on ne saurait déroger. On devrait peut-être y revenir. C’est pourquoi j’ai commencé par exemple à proposer que  l’on continue à désigner par délinquance l’ensemble des délinquants mais que l’on désigne par « délictuosité » (ou tout autre néologisme que Alain Rey voudrait bien proposer) l’ensemble des délits commis pendant une période de référence; cette distinction aurait sans doute évité une erreur majeure sur laquelle je reviendrai longuement : l’augmentation de la délictuosité  n’implique pas qu’il y a une augmentation de la délinquance, cette dernière étant le résultat du produit du nombre de délinquants par le nombre de délits commis par chacun d’eux !

A mon sens la criminologie n’avancera que si ses hypothèses sont précises et ses résultats généraux.

 

Si j’ai pris soin de critiquer la thèse de Jean Rostand, que j’admire beaucoup par ailleurs comme tout le monde, c’est que précisément je crois à une origine génétique de la délinquance d’habitude et je ne voudrais pas que des lecteurs ayant rejeté -avec raison - l’hypothèse du “chromosome du crime”  rejettent  toute hypothèse sur l’origine génétique du crime.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pourquoi donc certains ne respectent-ils pas la loi?

 

 

        On pouvait imaginer que les délinquants et criminels étaient poussés dans cette direction par une disposition génétique, il suffisait pourtant de réfléchir pour constater qu’un acte n’est jamais par lui-même un délit ou un crime : tuer un ennemi à la guerre dans un combat loyal est jusqu’à présent un acte de courage et souvent de sauvegarde. C’est une félonie si l’ennemi est désarmé ou prisonnier. Consommer un juste mariage est un acte d’amour, l’imposer contre la volonté même de l’épouse est un viol etc. C’est donc la loi qui fait l’infraction.  S’il y a infraction c’est qu’il y a une loi et s’il y a une loi c’est qu’une volonté supérieure à l’individu l’a imposée ; nous allons voir comment.              

Je penche pour un comportement inné des individus et des Peuples qu’ils composent, ce comportement étant propre à l’espèce.

D’où vient la loi ?

Chez les Humains lorsque le Souverain (qu’il soit le Peuple lui-même ou quelque autocrate) sent que ce comportement est admis par  la quasi- unanimité des ses sujets, il le codifie.

Mais ce qui reste déterminant c’est la disposition génétique et non sa traduction plus ou moins parfaite, complète, précise dans un code fait à l’usage des juges et de ceux, trop rares, qui consultent un code avant d’agir!    

Au début de l’histoire des sociétés, quand les hommes décidèrent de s’organiser pour vivre ensemble, il semble que tous les six siècles un législateur soit apparu  mais chaque fois dans une région différente.

Ce législateur entérinait ce que instinctivement la collectivité avait adopté, par exemple il ne faut pas tuer quelqu’un de mon groupe, il ne faut pas venir sur notre territoire ou enlever nos femmes et nos brebis etc.


Ce fut d’abord Minos qui a laissé chez les Crétois le souvenir d’un juge immense et vénéré mais dont on n’a rien conservé, puis le ou les auteurs du “livre des Morts” égyptien dont il ne reste presque rien, enfin Hammourabi ( 20 ° avant notre ère) et les souverains du Moyen Orient, puis  Moïse au 13°, Boudha au 6 °, Jésus, et enfin Mahomet en 570 de notre ère.

Ensuite, je suis bien embarrassé ...Il Faudrait sans doute aller chercher en Amérique du Sud ou en Extrême-Orient. Après tout, ne peut-on considérer que tout avait été dit et souvent redit, qu’on avait fait le tour des comportements génétiques des hommes ?   

 

Hammourabi, 20 siècles avant notre ère, avait repris la jurisprudence la plus communément adoptée par ses juges qui agissaient jusque là sans loi écrite mais selon ce que l’usage, je dirai moral, du plus grand nombre, avait accepté.

 

Sans doute pour échapper à l’arbitraire de certains juges, il codifia les peines et les réparations civiles. Souvent je me suis demandé si ce système, quasi forfaitaire n’était pas plus juste que celui qui fixe seulement au tribunal un maximum à ne pas dépasser mais rarement un minimum.

Il se fit représenter recevant des mains du Dieu Soleil un véritable “code”, mélange de civil et de pénal, recueil de jurisprudence laïque en ce qu’il n’imposait aucun dieu et souvent très social  (prix contrôlé des produits de première nécessité, salaire minimum) dont, en outre, certaines dispositions paraissent très modernes (interdiction de faire cohabiter une concubine avec l’épouse par exemple)  mais ne sont  pas encore respectées par nombre de nos concitoyens !

Par contre Moïse, six siècles plus tard, donc au 13° avant notre ère avait ajouté à sa loi reprise en partie de Hammourabi,  des obligations extraordinairement strictes de croyance religieuse et punies avec la dernière rigueur. Il faut bien en convenir, l’intolérance religieuse est née avec le monothéisme et toutes les religions exclusives, au moins à leurs débuts et parfois pour longtemps, souvent l’une contre l’autre ont été des facteurs de division des hommes alors que par définition elles devraient les relier !

A peine Constantin né à Nissa, en Yougoslavie eut-il par l’Edit de Milan établi la liberté religieuse que le clergé de l’Eglise Romaine entreprit de persécuter les Chrétiens d’Afrique du Nord et notamment de l’actuelle Tunisie, les “Circoncellions”: ces derniers prétendaient élire leurs évêques ! Inadmissible ! A mort !

Je ne voudrais choquer personne dans ce qui suit, qui n’est qu’une opinion personnelle. L’Ancien Testament a été repris par les Chrétiens qui ne l’étaient pas encore mais qui étaient Païens ou Juifs. Après de longues controverses, Paul triompha  contre l’avis de Pierre et de Jacques, le frère de Jésus: il  ne lui paraissait pas  nécessaire de se convertir au judaïsme pour devenir chrétien et adopter les dix commandements qu’il fallait observer scrupuleusement.

Si vous voulez bien analyser ces derniers, vous y  retrouverez une morale qui existait déjà chez les Païens, chez Hammourabi et les autres rois du Moyen-Orient, parce que naturelle  à l’espèce humaine, plus des commandements religieux, “révélés” à Moïse et relatifs à l’Eternel, au repos du septième jour. Il n’empêche que bien rapidement les Chrétiens changèrent et le Dieu et le Septième jour: ne vous étonnez pas, Cher Lecteur de cette incidente, elle est au coeur du sujet puisque la loi religieuse créa des crimes et que peu à peu -mais pas partout- elle disparut malgré une rigueur qu’on a souvent oubliée...Je n’aurai pas l’outrecuidance de vous demander ce qui reste en vigueur des dix commandements mais vous pouvez aller y voir de plus près. 

Hammourabi sur sa stèle, est bien représenté recevant son code des mains du Dieu-Soleil. Ce texte devait-il être respecté à la lettre, pour les siècles des siècles ? Pas du tout, Hammourabi le faisait mettre à jour tous les dix ans par des scribes.  

Le croyant peut-il choisir parmi les Commandements du Décalogue? A l’évidence, non si vous croyez que Moïse les a reçus de la main de Dieu, au milieu du tonnerre et des éclairs! Si vous n’y croyez pas, vous pourrez alors observer ceux qui vous conviennent dans le cadre de  votre loi civile ... et des usages de la bonne société.


Au livre des Nombres, 15, 32 à 36, vous trouverez comment un homme qui était sorti un Samedi pour aller chercher du bois (peut-être pour chauffer la tente de sa femme ou de son enfant malade ou faire cuire leur brouet car les nuits du Moyen- Orient sont souvent froides en hiver)  fut amené à Moïse en comparution directe, condamné à être lapidé et exécuté à l’instant même pour n’avoir pas respecté le septième jour. Aujourd’hui il n’y a plus guère que la CGT à  réclamer le repos du Dimanche...pour aller au stade!

L’actualité  récente nous a rapporté des cas de femmes africaines condamnées à la mort par lapidation dans des tributs musulmanes pour avoir eu un enfant hors mariage.

Je crains que la loi relative à l’adultère n’ait partout été déformée.

On connaît l’épisode que relate l’Evangile selon Saint Jean selon lequel une femme adultère ayant été surprise,  en « flagrant délit, in ipsis Veneris rebus », fut conduite devant Jésus qui invita tous les hommes présents à lui jeter la première pierre s’ils n’avaient jamais péché. Aucun n’ayant osé faire ce geste, ce qui manifestait leur honnêteté,  tous s’en allèrent la mine basse et Jésus renvoya la femme en lui disant « va et ne pèche plus! ».

Je pense que ce passage est un faux, probablement l’addition d’un moine copiste zélé qui voulait montrer la mauvaise foi des pharisiens et la générosité de Jésus car, au contraire de ce qui est rapporté,  la loi mosaïque a toujours puni avec la même sévérité le péché d’adultère de la femme et celui de son complice masculin.  Tous deux devaient être pris, condamnés et lapidés  ensemble. On n’imagine donc pas comment on aurait pu amener à Jésus pour éprouver celui ci, la femme sans son complice. Ou alors ces pharisiens n’étaient que de vulgaires publicains ! Et Jésus qui connaissait la Loi, n’avait qu’à renvoyer l’affaire pour comparution de l’homme !

Je vais faire ici une courte parenthèse : j’ai vainement cherché dans le Pentateuque une allusion à l’homosexualité féminine. N’existait-elle pas ou était-elle tolérée comme insignifiante ? Alors que tout ce qui met en cause du sperme est puni de mort, je n’ai trouvé qu’une interdiction qui pourrait se rapporter aussi à ce comportement « tu ne mêleras pas la salive aux humeurs du corps »…

Faisons dans le temps un saut de six siècles. Les tribus arabes contemporaines de MAHOMET étaient païennes mais commençaient à suivre avec intérêt l’enseignement du nouveau Prophète.

Ne pouvant supprimer ce qui était un crime aux yeux de ses contemporains le Prophète Mahomet, le fondateur de l’Islam, s’appliqua dans son enseignement à rendre la constatation de l’adultère quasiment impossible. Pour que celui-ci fut établi, il fallait que deux témoins, hommes libres, majeurs  et de bonne naissance, aient été en mesure de constater qu’entre les deux personnes suspectées, on n’eut pas pu faire passer un fil. Il ne s’agissait pas de dire comme dans “la Guerre de Troie n’aura pas lieu”, si mes souvenirs sont bons, “du haut du mât où je me trouvais,  je voyais  tantôt  le dos de l’un tantôt celui  de l’autre, ...” Le témoignage d’un marin ne valait rien, en outre il était seul, enfin il n’avait pas vu ce qu’il fallait. Ne parlons pas de “lits encore chauds” qui ont fait le succès du théâtre de boulevard français !

        Pour vous montrer combien les lois ont la vie dure mais finissent par céder devant la loi génétique de l’espèce, jusque dans les années 1970, l’adultère fut puni en France d’emprisonnement pour la femme et son complice et si le mari jugeait bon de gracier son épouse et de la reprendre, la grâce profitait aussi au complice. Depuis longtemps cette peine n’était plus prononcée mais elle figurait toujours dans les textes.

Je vais encore vous donner un exemple que l’actualité m’impose : la guerre en Afghanistan nous a montré les femmes couvertes d’une véritable housse de la tête aux pieds, visage compris. En France certaines jeunes filles réclament le droit d’aller à l’école les cheveux couverts d’un foulard comme une bonne chrétienne pour aller à la messe.

Quel est l’enseignement du prophète ?  Il interdit le voile qui cache le visage ! Pour lui, le vêtement décent d’une femme doit lui couvrir la chevelure (qui est reconnue comme caractère sexuel secondaire encore au jour d’hui) et le corps jusqu’au cou, aux poignets et aux chevilles. C’était exactement  le vêtement des religieuses jusqu’au début du vingtième siècle en France.

Je ris encore de l’indignation d’un pasteur qui faisait allusion aux « jupettes » que portaient selon lui les religieuses américaines…

 Et pourtant  la force des traditions est si forte que des femmes musulmanes qui vont jusqu’à La Mecque  faire un long, pénible et coûteux pèlerinage, pour obéir au prophète et ne pas porter de voile sur le visage, se couvrent la tête avec une sorte de cage pour perroquet en osier et mettent  le voile par-dessus !

Même “ révélée” par Dieu, la législation sera modifiée un jour si elle ne s’accorde pas au comportement inné de l’espèce humaine. Je pourrais en énumérer de nombreux exemples mais je vous laisse le soin de les trouver: il faut bien que vous réfléchissiez un peu.

        Je vais quand même vous donner un exemple que l’actualité me sert tout chaud (quelle époque !). La République de Genève a annoncé qu’elle va licencier un professeur de droit coranique, imam de son état, pour avoir justifié dans le grand journal parisien « Le Monde »,  par l’enseignement du Coran, la lapidation contemporaine des femmes adultères. C’est du moins ce qu’on a annoncé mais il semble bien que cet imam ait parlé de la lapidation des femmes et des hommes  leurs complices. Ce que la République de Genève lui reproche c’est d’avoir fait l’éloge de la lapidation pour un acte qui n’est même pas un délit dans un état laïque. Le délit d’adultère (puni de prison) a été supprimé en France à la fin des années 1970)

L’imam Ramadan a déjà annoncé qu’il allait faire appel devant le tribunal fédéral à Berne et s’il le faut devant la Cour Européenne des droits de l’homme.

C’est une affaire passionnante à bien des points de vue par les conséquences tant religieuses que politiques qu’on peut en attendre : peut-on, au nom de la religion invoquer un droit religieux alors qu’il est contredit  par la loi laïque du lieu et du moment ?

 Poser la question au 17° eut encore été en France et à Genève, sans doute, un sacrilège. Car évidemment la réponse vaut pour toutes les religions et actuellement des guerres se déroulent sous nos yeux sans autre justification qu’un ordre ou une promesse de Dieu.

Le problème est plus banal et courant qu’il y parait. Des citoyens suisses de confession juive revendiquent le droit de manger de la viande d’animaux abattus selon la loi mosaïque c'est-à-dire avec un couteau extrêmement bien aiguisé de manière que l’animal souffre le moins possible et se vide de son sang. Le sacrifice doit être accompli par un rabbin qui certifiera que la loi a été respectée sinon la carcasse ne devrait pas être consommée. C’était parfaitement louable.

Les ligues de protection des animaux  suisses qui sont puissantes, soutiennent que l’abattage imposé par la loi confédérale qui tue la bête et instantanément l’égorge, donc sans qu’elle souffre remplit (encore mieux !) les conditions posées par Moïse, qu’elle peut donc être acceptée par tous les consommateurs. Un compromis a été accepté : les Suisses juifs orthodoxes pourront provisoirement importer de la viande rituelle… de France malgré les combats de l’ardente Brigitte Bardot. Mais le problème n’est pas réglé. Je me pose la question : toutes les prescriptions de Moïse sont-elles suivies à la lettre encore aujourd’hui ?

Je ne crois pas qu’aucun rabbin contemporain ait récemment réclamé la lapidation des femmes adultères, ni la peine de mort pour ceux qui enfreindraient l’obligation de repos du septième jour.

Moïse, convaincu de sa mission divine, toujours fort opportunément révélée, s’avisa qu’il fallait sélectionner son Peuple en éliminant ceux qui ne croyaient pas : Il sentit bien qu’une opposition existait autour de lui quand il descendit du mont Ararat et sans même leur donner le temps de se raviser, il n’hésita pas à ordonner aux membres de sa famille (la tribu de Lévy) de “passer dans les rangs du peuple en marche dans le désert et de tuer tous ceux qui n’acceptaient pas la nouvelle loi.”

 Ce soir là, trois mille Hébreux payèrent de leur vie l’intégrisme de leur chef (Exode XXXII,  26 à 30)....Ce n’était rien à coté du triste sort  qui attendait  ceux qui auraient  le malheur de se trouver sur son chemin vers la “Terre Promise” ( Livres des Nombres, 31 et suivants, Deutéronome, Josué).

On parle toujours de la charité chrétienne, que je ne discute pas, mais à ma connaissance les Païens pratiquaient aussi la charité. Même au temps de Néron et des Antonins, beaucoup de Romains respectaient la pudeur, l’amour conjugal et filial etc.

Avant même le Christianisme les Romains allaient jusqu’à pratiquer la protection légale du foetus: « Infans conceptus pro natus habetur...! répétaient-ils en souriant malicieusement et cet adage gêna beaucoup le législateur quand il voulut adopter la loi sur l’avortement.

 Peut-on affirmer que nous avons  beaucoup avancé dans ce domaine?


La seule Nation qui n’a connu ni roi, ni tyran, ni dictateur, ni aristocratie (au sens politique)... ni grand législateur est la Confédération Helvétique. Sans doute parce que son Peuple a su retenir dans ses mains le pouvoir législatif. . Que ce soit par le “landsgemeinde”, assemblée du Peuple,  plus exactement celle des hommes du Peuple (mais les Confédérées, fortes femmes, sages et belles) savaient faire entendre à leurs époux ce qu’elle souhaitaient, ou par le referendum d’initiative populaire actuel, ce qui doit être fait ou non est clairement expliqué.... on vote, au scrutin universel et le Gouvernement s’incline et s’exécute. De quoi faire rêver !  Rappelez vous que le fondement de la Confédération Helvétique conçue par les bergers des Trois Cantons primitifs était la volonté de ne pas avoir de juges étrangers !!! (Cela explique peut être que l’adhésion à la Communauté Européenne manque d’enthousiasme.) C’était le 1er Août 1291 alors que Philippe le Bel régnait en France.

 

En matière de délinquance, si mon hypothèse est exacte, le délinquant est donc celui qui ne peut ou ne veut accepter la loi  choisie par tous les autres parce que ces derniers estiment d’instinct qu’elle est bonne et juste, que c’est donc celle qui leur convient et doit s’appliquer à tous… !

J’ai entendu lors de la dernière campagne électorale un candidat à la Présidence (2002) qui rejetait le principe du referendum au motif que “le Peuple ne sait pas ce qui est bon pour lui”! Il n’y eut pas une seule protestation!

 Seuls les membres de ce que j’appellerai “l’intelligentzia” le savent! Affirmation faite en toute simplicité, assurance et certitude! Seulement sept siècles après le Serment du Grütli  qui fonda la Confédération Helvétique!

La loi ne doit  pas être  une construction artificielle et arbitraire sortie de l’esprit d’un Homme…même inspiré. Cela arrive quand l’organisation politique est mauvaise, mais le Souverain qu’il soit un roi, un dictateur ou même un élu républicain, aura du mal à l’imposer et tôt ou tard il faudra légaliser ce qui était interdit.

On l’a vu, par exemple pour l’avortement: en moins de 50 ans ce fut un délit, puis un crime puni de mort (dernière femme exécutée en France : on lui reprochait neuf avortements)  puis il fut toléré et enfin remboursé par la bonne Sécu. ! Mais les femmes n’avaient jamais cessé d’avorter en cachette, par dizaines de milliers chaque année au prix de leur santé et souvent de leur vie !

Aujourd’hui nous sommes en France en période de prohibition des drogues, comme les Etats-Unis le furent en ce qui concerne l’alcool. Jamais il n’y eut autant de drogues ou d’alcool que pendant ces périodes ! Récemment on nous a révélé que de nombreux écoliers paraissaient s’ennuyer en classe jusqu’à s’endormir ! La première réaction fut de mettre en cause l’alourdissement des programmes et le manque de moyens de l’Education Nationale. Après enquête  il est apparu que ces enfants avaient l’habitude de fumer un ou deux joints avant d’aller à l’école pour lutter contre le « stress ».

Je peux leur donner un « truc ». Quand j’étais en seconde au lycée, le professeur d’histoire nous faisait une série de cours d’histoire de l’art avec projections. Dès que l’obscurité était faite le ton montait, l’agitation gagnait, alors le bon professeur nous avertissait « que les moins de seize ans ferment les yeux ! » et dans le silence revenu, il projetait la photo de quelque jeune fille grecque à la gorge menue, sans bras ou sans tête. Au jour d’hui, je crois qu’il en faudrait davantage !

On peut mesurer l’efficacité de la prohibition. Un jour ou l’autre, il faudra bien  médicaliser ces produits ou même les autoriser ce qui probablement ne changera rien mais videra les prisons d’un bon tiers des détenus, ruinera les trafiquants qui se reconvertiront sans doute dans quelqu’autre activité illicite mais ne devra pas empêcher de punir sévèrement la conduite d’un engin sous l’emprise d’un état droguique ( ?.! )

 

Pour en revenir aux difficultés de vivre en couple chez les humains, avec cette très nette évolution actuelle d’une partie de l’espèce vers la séparation des sexes,  cette différence de comportements s’explique peut-être de ce que  l’espèce humaine, très récente, n’est pas encore stabilisée: l’homme est de tendance polygame - pour répandre ses gènes- tandis que la femme est de préférence monogame pour réserver ses ovules, d’où la difficulté de vivre ensemble. Mais il existe d’autres façons d’organiser la Société. Après avoir nié l’existence de sociétés matriarcales dans les temps préhistoriques (je crois qu’elles étaient citées par Platon), les ethnologues doivent bien constater qu’il existe au moins une de ces sociétés, parfaitement reconnue par le gouvernement de la  Chine Populaire,  où les femmes sont indépendantes, rejettent l’amant qui a cessé de plaire et gardent les enfants avec elles. Le concubin en place n’a d’autre ressource que d’essayer de se rendre utile puisqu’il n’est plus nécessaire et supportable en souriant toujours malgré les avanies, les rebuffades et le harcèlement et en faisant de menus travaux de ménage !

Nous vivons actuellement une évolution très nette des relations entre l’homme et la femme : le mariage, le pacs, les familles mono parentales, la liberté des mœurs, la procréation assistée, le clonage, tout change ; resteront  seulement les comportements innés qui sont multiples au sein de l’espèce humaine alors qu’ils sont fixes et unique dans les espèces animales. Mais déjà il apparaît que les innovations sexuelles qui devaient montrer la libération des mœurs se trouvent freinées par un sentiment qu’on croyait oubliée, la jalousie !

Un point est certain : dans une société tournée vers le rendement maximum, il y a beaucoup trop d’hommes. Quelques uns suffiraient à jouer les bourdons.

Une évolution est-elle possible? La Nature avait peut-être prévu que l’enfant né d’un couple uni pour très longtemps (le pasteur américain dit sans rire “jusqu’à ce que la mort vous sépare” alors que le contrat préalable au mariage qu’il est en train de célébrer contient des clauses relatives au divorce ! Les pasteurs français aussi, si je me souviens bien, mais les contrats de mariage ne sont pas encore en France des contrats de divorce), cet enfant donc, bénéficierait d’un avantage sélectif qui rendrait dominant le comportement “couple uni pour élever les enfants”.


Car ce dernier comportement existe déjà dans l’espèce humaine.  Il y a des couples qui vivent heureux ensemble, élèvent des enfants qu’ils aiment et qui le leur rendent bien. Et d’autres qui en sont incapables. Ce comportement se retrouve chez certaines espèces animales, par exemple les castors mais aussi les oiseaux, beaucoup plus anciens, chez qui on trouve la vie en couple pour la vie (les perruches), la vie en couple pour la durée de l’éducation des petits (nombreux oiseaux), la polygamie permanente (les poules), et même la vie en couple limitée à la durée de l’incubation avec ensuite prise en charge exclusive par le mâle des petits (le casoar).

Quel comportement se répandra-t-il par ses avantages dans l’espèce humaine ?  Qui affirmera que le choix délibéré de certaines femmes de former une famille monoparentale, sans la présence à leur coté d’un mari n’est pas une disposition génétique ?  

J’ai fait un jour un sondage parmi les auteurs d’annonces “matrimoniales” du Nouvel Obs. Je leur écrivis: “Pensez vous que la situation d’une femme divorcée avec la garde de ses enfants parce que son mari avait une ou plusieurs maîtresses, soit plus avantageuse que celle d’une femme dans un foyer polygame ?. Que pensez vous de la situation des enfants ? Globalement, êtes-vous pour la polygamie ou contre ?”. La majorité des réponses des femmes fut “ contre !” et une minorité répondit “oui, si on autorise la polyandrie.” Ce qui mènerait directement aux pratiques échangistes.

Dernièrement le maire d’une cité du Sud-Ouest s’indignait publiquement du retard apporté à l’ouverture d’un tel club dans sa ville où on l’attendait –disait-il-  avec impatience.

Dans une grande station des Alpes un luxueux hôtel vient d’être ouvert par un tour opérator étranger. Son charme particulier bien mis en avant dans la publicité faite sur internet est qu’il est voué aux «couples échangistes». Une ligue pour la protection de la famille s’est indignée et a saisi le chef de la police locale. La réponse fut sans ambiguïté : nous  avons observé les clients dès leur arrivée mais nous ne pouvons rien leur reprocher ; la journée ils vont skier, le soir ils vont se coucher, comme tout le monde…  

De nombreuses espèces animales ne se cachent pas pour se reproduire : on connaît bien la « nuit des calmars » au cours de laquelle des milliards d’individus se rassemblent. De quoi laisser rêveurs les organisateurs de rave-party…

Aux mêmes questions sur la polygamie, la plupart des hommes répondirent  “pourquoi deux ou trois épouses à entretenir alors qu’on peut avoir toutes les femmes pour rien” et en minorité “une, c’est déjà trop!”. Les goujats!!! Quand je pense que le roi David chantait « une bonne épouse est un don de Dieu, don de Dieu, don de Dieu… ! » Il devait s’y connaître, lui qui en avait mille ! Comme le Bey de Tunis Mohamed (Celui là même qui signa le traité du Bardo en 1881) dont on a pu dire que « son zèle à les servir hâta sa fin ».

Je ne donne pas plus de précision sur mon sondage car l’échantillon était trop particulier et sans signification générale.

C’est la différence entre l’homme et les animaux: je ne crois pas qu’il existe beaucoup chez ces derniers  de  “dominés” enfreignant la loi non écrite, (mais la connaissons-nous parfaitement ?), qui régit les rapports du clan: la hiérarchie qui existe par exemple chez les loups ou les singes. 

Je vais peut-être vous surprendre mais je ne voudrais pas vous choquer: qu’est ce que cette crainte révérencielle que manifestent la plupart des mammifères supérieurs -et notamment les primates- à l’égard de leurs dominants sinon le commandement “incline toi devant les cheveux blancs (teints?)” 

De même qu’il n’y a pas chez eux de délit, de peine ou de vengeance: le cerf ou le phoque qui possède un harem s’épuise littéralement à empêcher les jeunes mâles d’approcher “ses” femelles, il s’ensuit des combats souvent suivis de blessures ou de morts, mais quand l’un des deux mâles a renoncé, il n’y a pas de poursuite ni de condamnation. 

Je vais peut-être encore choquer quelques uns de mes lecteurs, à la fin ils le seront tous, mais si je ne peux vous dire que ce qui plaira à tous, il ne restera pas grand-chose et ce sera sans intérêt.

Loin d’être une attitude bestiale, la vengeance est -plus que le rire- le propre de l’homme. Ce qui est “bestial” -me semble-t-il - c’est de regarder un prédateur égorger un membre de la famille puis se remettre à brouter, comme font les buffles, les gnous, les élans et quelques autres.. Pensent-ils que c’est la loi de la nature, ou simplement sont-ils construits ainsi, que  les carnivores doivent bien survivre, eux aussi, et nourrir leurs petits ? Donner un de ses petits aux lions, tigres et autres chacals serait simplement payer une sorte d’impôt.

Je n’ai aucun complexe, aucune honte à défendre la peine capitale sous réserve d’une Justice crédible, évidemment. Je dirai même que je ne supporte pas l’attitude des gens qui persuadés de détenir la Vérité, le monopole de la Bonté ont des frissons d’horreur quand ils entendent soutenir un point de vue différent du leur et se permettent une véritable censure. Nous reviendrons plus loin sur ce problème.

Pour en revenir à nos herbivores, si une des femelles s’est abandonnée à un prétendant, elle ne fait l’objet d’aucun reproche. Au maître du harem de conserver son « bien » aussi longtemps qu’il le peut et de céder la place quand il a cessé d’être le plus fort.


Est-ce une société assez idéale pour qu’elle nous soit proposée? La protection des enfants a confirmé le lien conjugal que la Nature avait déjà imposé dans certaines espèces  mais pas complètement chez l’Homme, pas encore chez tous les Hommes. Il semble qu’en contrepartie, chez ces derniers,  les mâles n’ont accepté cette charge que s’ils étaient sûrs de leur paternité. Les lions semblent avoir le même souci mais s’en libèrent autrement: lorsqu’un mâle prend possession d’un “harem”, il commence par tuer tous les petits de son prédécesseur encore présents, sous les yeux de leurs mères, ce qui provoque aussitôt la fécondité de ces dernières pour concevoir une nouvelle génération. Chez les Humains, généralement le désaveu de paternité est admis et pourtant ! Je crois pouvoir dire que la jurisprudence a lutté autant qu’elle a pu pour restreindre l’usage de cette action, surtout depuis la mise au point des tests d’ADN. ..A remarquer que lorsque deux ADN proviennent d’individus issus d’une population a forte consanguinité, le test n’a plus guère de signification...  Je crois pouvoir dire que le fond de la pensée de nos juristes était que si on commence à vérifier la filiation de chacun, on n’a pas fini et qu’il en résultera un trouble social immense. D’où la règle  romaine « le père est celui que désignent les justes noces » qui n’aurait jamais dû être violée. Mais voilà ; encore une fois elle ne « collait » pas avec la génétique qui est plus forte que tout… 

D’une part certains peuples manifestaient -ou manifestent encore- à ce sujet une compréhension qui parfois étonne un Français même libéré du XX° siècle. Par exemple, chez les Egyptiens de l’Antiquité, quand une femme était stérile, (par la carence probable du mari) elle allait passer une ou plusieurs nuits au temple, (autant qu’il lui paraissait nécessaire ou agréable) où “le dieu lui apparaissait”, probablement sous la forme d’un moine affamé de concupiscence. Croyez vous vraiment que les maris étaient dupes et ne pensaient pas qu’on allait chercher d’autres gènes que les leurs?

Les Spartiates dont on a dit tant de mal, accordaient à leurs épouses une très grande liberté... Naguère, en Allemagne, pour le Carnaval, les épouses pouvaient se “dissiper” comme leurs maris et les enfants nés neuf mois plus tard étaient souvent prénommés Wolf sans pour autant avoir un statut particulier dans la famille. Nous pourrions parler encore des Tibétains, des Esquimaux, sans oublier Joseph qui devint, pour sa discrétion à l’égard de Marie, un très grand saint. Mais c’était un cas bien particulier. S’il était persuadé de l’intervention divine, n’aurait-il pas dû au contraire la proclamer? Je pense qu’il avait des doutes et qu’il aimait Marie. On est revenu d’ailleurs de l’idée qu’il était un vieillard. C’était un jeune homme et il donna encore à Marie qu’on a toujours représentée comme une jolie femme, de nombreux enfants. Joseph était un gentilhomme. S’il y en avait davantage...

Une réponse à l’attitude machiste des mâles peut-être aussi la dissimulation de la femelle (où elles excellent, c’est l’arme légitime du faible) qui fait du mâle un benêt que l’on trompe aisément. Je suis un peu long sur ce sujet mais je veux montrer que lorsque la loi n’est pas naturelle, lorsqu’elle n’est pas profondément ancrée au fond du génome, d’une manière ou d’une autre elle sera mise en échec!   

Depuis qu’on observe les primates et notamment les chimpanzés, on est allé de surprise en surprise. Cherchant à savoir lequel des mâles dominants d’un clan était le père des jeunes chimpanzés, des chercheurs ont pratiqué les prélèvements d’ADN nécessaires. Surprise ! certains  jeunes ne pouvaient être les descendants d’aucun d’eux.

On décida de surveiller le clan jour et nuit pour découvrir enfin que par certaines nuits sans Lune, une femelle se dressait sur son lit remettait de l’ordre dans ses cheveux en souriant comme font toutes les femmes, écartait les branchages qui lui servent de couette, observait longuement le clan et avec mille précautions pour ne pas être vue, ne pas écraser la moindre brindille, gagnait un lieu éloigné où un mâle d’un autre clan paraissait attendre !!! Puis elle regagnait avec autant de prudence son arbre...pour retrouver le mâle dominant ronflant de bonheur et d’aise. Le plaisir de la guenon était certainement doublé devant la niaiserie du dos argenté. Quand je pense qu’au 19°, on affirmait en France que « même dans l’adultère une femme honnête n’a pas de plaisir ! » .

J’ai eu connaissance de source sûre de deux comportements humains du même ordre.

Un collègue, célibataire, beau garçon,  allait de temps en temps mais pas trop souvent, quand il n’avait pas d’audience, par exemple, dans un des nombreux cafés du quartier St Lazare à Paris.

Il s’installait tranquillement avec un journal et si une femme à son goût,  assise dans la salle paraissait lui marquer un intérêt soutenu, il se rapprochait et finissait par s’installer à sa table. Cela se terminait en général dans un bon hôtel voisin. Pas d’identité échangée, peu de propos qui auraient permis d’identifier l’un ou l’autre, pas de numéro de téléphone ni de souhait de se revoir. Un grand merci réciproque, c’était tout ! Tchao !

Un autre témoignage, tout aussi sérieux, fut porté un jour à ma connaissance.


Un jeune homme de bonne présentation avait des matinées libres. Il mettait alors en route un processus éprouvé. Il partait avec sa voiture et son petit matériel et se rendait dans un grand immeuble ou une cité HLM. Là, il commençait par l’escalier A et sonnait en se présentant avec dans la main gauche une tringle à rideaux et dans la droite une petite trousse à outils. Si on lui ouvrait, il proposait d’installer tout ce qu’on voudrait. Si c’était une jeune femme à son goût qui le recevait,  il s’assurait qu’il n’y avait personne dans l’appartement, ni enfants ni grands parents, ni mari évidemment. Il arrivait, bien sûr, qu’on n’ait pas besoin de rideaux...Il n’insistait jamais et continuait sa quête .  Parfois  aussi on lui  proposait un café et son projet prenait corps... Ensuite il filait, bien décidé à ne jamais revenir à cette adresse,  même si l’espresso avait été excellent.

Que cherchent les femmes dont je viens de parler ? Une aventure épicée, une vengeance à l’égard d’un mâle qui devient assommant  ou tout simplement des gènes étrangers? Dans ce cas on peut considérer que c’est la Nature elle- même qui a préparé les rencontres fortuites.  

 

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CHAPITRE TROIS

 

 

 

LA CRIMINOLOGIE DEVIENT UNE SCIENCE EXPERIMENTALE

 

- 1 Dénombrement et classement des Français.

 

        Pour avancer dans ma recherche, il me parut utile de savoir combien de Français devenaient délinquants au cours de leur vie.

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        Ma nouvelle entreprise se révéla autrement plus considérable et délicate que la recherche sur les accidents de la circulation. Mon expérience  toute nouvelle me fit prendre des précautions qui se révélaient indispensables car en ce domaine les publications avaient été nombreuses. Je découvris donc avec intérêt toutes les théories de l’époque, de la  “labellisation” jusqu’au “passage à l’acte”.Sans omettre celles qui voient dans le chômage, le prix du vin, la grisaille des banlieues, le sevrage précoce, la télévision, la désunion des familles, la cause de la délinquance.           

 Je ne tardai pas à comprendre la faiblesse de ces hypothèses : elles ne sont pas générales et ne sont jamais vérifiées expérimentalement. Ce n’est pas parce que je les écarte que pour autant je critique leurs auteurs. On sait bien que la science n’avance qu’à coups d’erreurs !

 En réalité, il me parut qu’il fallait tout reprendre à zéro et faire pour commencer, un inventaire qui n’avait jamais été tenté...du moins à ma connaissance !

On connaissait assez exactement le nombre des Français et la pyramide des âges.     

Il était donc important mais possible de connaître la proportion des Français délinquants qui avaient eu affaire à la Justice pénale.


Encore une double surprise : quinze pour cent des Français avaient été condamnés au moins une fois dans leur vie (j’avais pris 30 ans de recul: les plus jeunes majeurs que j’examinais avaient donc plus de 50 ans), mais seulement trois pour cent l’avaient été plusieurs fois dont 10 % de femmes! On peut donc affirmer que 82  % des mâles français n’ont jamais été condamnés, 98,5  % des Françaises non plus, tandis que 3 % des Français et 0,3 des Françaises l’ont été plusieurs fois.. Par Français j’entends évidemment “habitant sur le Territoire National d’une manière permanente”

 Si cette étude devait être refaite, il est possible et même probable que les valeurs trouvées par moi changeraient très légèrement car la population française s’est modifiée du fait de l’immigration et du changement du mode de vie: ce ne sont pas seulement les meilleurs Etrangers qui fuient leur patrie mais souvent ceux qui ont déjà un tout petit quelque chose à partager avec leur Justice, alors qu’en France on les prendra pour des délinquants primaires ; de même l’irruption de l’auto, des femmes dans la vie économique, la complexité des lois, la mondialisation, la lutte contre les OGM, peuvent modifier le nombre des délinquants d’occasion, par imprudence, ignorance etc.    

Ces valeurs me parurent anormalement faibles. A noter cependant qu’elles ne comprenaient pas les infractions au Code de la Route: je ne pouvais les prendre en compte car la circulation avait trop évolué, d’année en année pendant les trente années d’observation.

Une autre difficulté, théorique, se présentait: on pouvait supposer que les individus qui avaient un casier judiciaire des condamnations de droit commun étaient différents de ceux qui avaient un casier judiciaire des infractions aux règles de la circulation. Mais il se pouvait aussi qu’ils  fussent les mêmes ! L’examen des deux aurait donc dû être simultané, individu par individu! Je m’abstins donc d’en tenir compte et ces chiffres furent d’abord relatifs seulement à la délinquance de droit commun.

 Ce fut une chance car il appartenait au Docteur Legrand dont j’ai déjà parlé d’établir que ce sont les mêmes délinquants dont les casiers judiciaires et de la circulation sont chargés !!! 

Il en eut d’autant plus de mérite que pour la rédaction de sa thèse, il ne disposait pas comme moi des casiers judiciaires mais seulement des déclarations des accidentés de la route qu’il interrogeait ...et qui ignoraient que le Docteur Legrand ne disposait pas de ce casier! 

Et le résultat de ma recherche, à savoir la proportion de la population qui est délinquante ne changea pas!

Mais, pour l’heure la question restait: pourquoi, de nouveau,  deux populations si différentes  et dans une telle proportion  au sein des Français? Une telle disproportion ne permettait pas d’attribuer la cause de la délinquance à un facteur aussi général que le chômage ou la télévision etc. L’analyse des deux populations montra d’ailleurs qu’elles étaient fondamentalement différentes: ceux qui restaient primaires se distribuaient selon une courbe en cloche de Gauss-Laplace, parfaitement symétrique, (ce qui excluait absolument une délinquance juvénile donc passagère comme les maladies du même nom, mais révélait une délinquance précoce) montrant que de nombreuses causes intervenaient dans l’effectif distribué, alors que les récidivistes classés en fonction de leur âge à la commission du premier fait délictueux (à un moment où ils étaient encore primaires ) étaient distribués comme une fonction exponentielle décroissante, révélant qu’il y avait à leur cursus une seule cause, et que celle ci leur était personnelle, très probablement génétique car elle se manifestait très tôt donc indépendamment du milieu .La moitié des récidivistes sont entrés dans la carrière entre 14 et 21 ans! C’est d’ailleurs cette présence massive de jeunes, de plus résidant dans les banlieues où leurs parents avaient trouvé à se loger qui fit croire à un phénomène de société et incriminer les HLM et les banlieues!!! C’était vraiment primaire.


Je crois utile de faire ici une courte parenthèse pour donner une explication à  mes lecteurs qui n’ont pas fait de statistiques et peuvent s’étonner que je tire de la simple forme d’une distribution des conséquences aussi radicales et assurées. Je les rassure, le procédé est universellement employé et avec succès.

La “courbe en cloche” ainsi nommée en raison de sa forme, dite encore de Gauss-Laplace,  est celle qui représente la distribution des populations formées sous l’influence de nombreuses variables, par exemple les erreurs de tir d’une arme pourtant bien fixée au sol sur une cible aussi immobile: les différences, même minimes et inévitables de qualité et de quantité de la poudre, d’une cartouche à l’autre, du poids du projectile, de la température ambiante, de la vitesse du vent etc. provoqueront des écarts qui seront distribués selon la courbe citée.

Au contraire la courbe dite  “exponentielle décroissante” représente la distribution d’une population caractérisée par une loi interne unique qui tient à l’essence même des individus observés. C’est le cas des éléments radioactifs dont vous savez qu’ils se désintègrent selon une période absolument stable. Pourquoi les atomes de plomb ne se désintègrent-ils pas, au contraire de ceux de plutonium ? C’est simplement parce que ces derniers ont une propriété interne particulière qui tient à leur nature et que ne possède pas le plomb. Ce qui rendait absolument sans fondement la théorie du “passage à l’acte”.

Ainsi, ayant sélectionné d’une manière absolument aléatoire cent récidivistes (dont j’ai donné l’origine pour que quiconque le désirerait puisse reconstituer l’échantillon et vérifier l’opération : on a vu des sociologues « arrondir » leurs résultats et même on a soupçonné Grégor Mendel d’avoir donné des résultats trop exacts !),  je constatai, par ce que celà sautait aux yeux, que les cinquante premiers étaient entrés dans la délinquance entre 14 et 21 ans, les 25 suivants entre 21 et 28 ans, les 12 suivants entre 28 et 35 ans et ainsi de suite .

J’ai conscience que si j’avais donné ces explications dès le début, quelques uns  auraient peut être  accepté de me croire alors qu’ils étaient aussi incrédules que les Grecs d’Egypte à qui Eratosthène donnait la circonférence de la Terre (toutes choses étant égales) ! Ils lui répondaient simplement: ” Eratosthène, allez vous faire voir”, comme me le signifiaient, sans même me répondre, les hauts magistrats, les journalistes, les hommes politiques à qui j’envoyais mes travaux...J’ai bien de la chance car dix huit siècles après Erathostène on brûlait sur l’ordre de la Sainte Inquisition  Giordano Bruno qui avait osé dire que la Terre était ronde et ne se trouvait pas au centre de l’Univers ! Accessoirement, voyez vous la différence entre le Paganisme et l’Intégrisme? Attention, il ne faudra pas qu’une majorité « génétique » devienne intégriste à son tour et persécute ceux qui sont différents, même alors qu’ils ne la gênent pas !

De ces deux simples constatations j’avais pu tirer bien d’autres conséquences:  

le début très précoce dans la délinquance de la moitié des récidivistes montrait en effet que des causes extérieures n’avaient pu intervenir faute de temps: pourquoi quelques rares très jeunes gens auraient été frappés et en si petit nombre alors que l’immense majorité de la population, qui avait été longtemps exposée à ces facteurs extérieurs n’en portait pas la marque?

De la même manière, alors qu’on discutait beaucoup de l’origine de l’homosexualité, j’avais pu conclure très tôt qu’il s’agissait d’une prédisposition génétique. De même, il n’y a pas de familles homosexuelles. Un jour, un enfant naît dans une famille “normale”, il est élevé comme les autres et se révèle homosexuel. C’est même parfois un drame pour les parents ,qui se demandent quelle faute ils ont pu commettre!

J’ai eu souvent à instruire des affaires où étaient impliqués des homosexuels des deux sexes. Peut-être est-ce par ce qu’ils sentaient que je n’avais à leur endroit (comme envers les autres délinquants d’ailleurs) aucune hostilité, aucun mépris, le fait est qu’ils parlaient très librement. Je me gardais bien d’avancer en aucune manière ce que je pensais pour éviter qu’ils s’y rallient en espérant gagner ainsi indulgence ou bienveillance..

La plupart d’entre eux ne mettaient pas longtemps à révéler qu’ils s’étaient toujours sentis homosexuels, dès l’âge des premiers émois, même s’ils n’avaient cédé à cette inclination que beaucoup plus tard.


Je me souviens d’une jeune femme dont il apparut qu’elle appartenait à une famille bourgeoise bien connue à Genève, qui me fut amenée un Samedi soir où j’étais de permanence et à qui le procureur reprochait une affaire de proxénétisme! Elle déclara sans difficulté qu’elle accompagnait chaque soir au Bois une femme encore plus jeune qu’elle et ne vivait que de ce que rapportait sa compagne. Je la laissais en liberté avec engagement de ne plus fréquenter sa “victime”. Sans aucune illusion : où serait-elle allée, de quoi aurait-elle vécu ? La Justice ne se pose pas de telles questions et rien n’est prévu. Mais j’escomptais qu’elle se ferait discrète…

Un mois plus tard, j’étais de nouveau de permanence. Qui vois-je arriver à mon cabinet entre deux policiers ? La Genevoise, mais cette fois avec un dossier de tentative d’homicide !

L’affaire devenait sérieuse, je la fis donc attendre pour étudier le dossier avant -comme le prévoit la procédure- de l’inculper et de “recevoir ses déclarations si elle désire en faire” c’est à dire sans l’interroger... Au moins je pourrais comparer ses déclarations avec celles déjà faites à la Police.

A cet instant l’huissier vint me prévenir qu’une jeune femme « qui paraissait affolée » demandait à me voir, de toute urgence! Je devinai sans peine de quoi et de qui il s’agissait et la reçus. C’était bien la compagne et victime de celle qui attendait dans l’antichambre entre deux policiers. Une petite blonde au nez retroussé qui paraissait plutôt effrontée. Elle me raconta alors « sous serment » bien sûr, qu’il y avait eu un “malentendu avec la Police”. En fait, elle s’amusait , disait-elle, avec sa compagne à feuilleter une revue porno; pour jouer comme sur le roman-photo, elles avaient pris une carabine 22 LR et le coup était parti tout seul, la blessant dans la fesse, sans gravité… A quoi rêvent les jeunes filles !  J’imagine mal un expert comptable jouant le Dimanche à établir des bilans…pour le plaisir !

Son souci était surtout de ne pas porter plainte et de “donner un bon avocat” à la future inculpée; elle était prête, disait-elle,  à mettre les bouchées doubles ! Au passage elle crut devoir m’assurer –pensant ainsi diminuer le délit de sa compagne- qu’elle n’avait jamais eu peur du sexe, sa première liaison datait de ses quatorze ans et qu’elle aimait mieux faire “ça” que des ménages...et qu’il ne fallait pas en faire une histoire à sa compagne. Dès qu’elle eut signé sa déposition, je lui demandai de se retirer et fis entrer l’autre... Comme elle me connaissait, elle parla beaucoup plus librement et longuement. Je passe les détails. Ce qui m’intéressa,  c’est qu’elle me confirma spontanément, comme l’avaient fait bien d’autres, des deux sexes, avant elle, que depuis toute jeune, c’était ses petites camarades qui l’intéressaient et point du tout les garçons. Sans doute, ajoutait-elle, était-ce là l’origine de ses malheurs.

D’autres affaires m’attendaient, je la plaçai sous mandat de dépôt en signalant qu’elle avait déjà été inculpée dans une affaire connexe qui pouvait être liée à celle ci et qu’elle avait enfreint ses obligations de contrôle judiciaire  . En règle générale, le juge de permanence ne garde pas les dossiers qui ne sont pas de sa spécialité.

Je n’en aurais plus entendu parler si un jour elle n’était venue me rendre visite, toute pimpante et sortant des mains du coiffeur: plus rien à voir avec la garçonne en garde à vue !

De belle stature, les cheveux blond foncé, les yeux noisette, le teint clair, bien moulée, elle devait ressembler à Clotilde, la princesse burgonde genevoise, fille orpheline de Hilpéric le Jeune.  Son oncle paternel, Gondebaud roi de Burgondie, voulant faire alliance avec Clovis roi des Francs décida selon l’usage d’unir les deux familles et donna en mariage à Clovis roi des Francs  sa nièce Clotilde. Les Burgondes avaient leurs défauts, suscepti les en matière d’honneur, prompts à la vengeance, ils étaient très tolérants  en matière de religion. Clotilde avait abandonné le rite arien pour le rite romain alors que Clovis était encore païen. Ce ne fut pas une difficulté. Vous connaissez la suite. Si je n’ai pas résisté au plaisir de vous donner ces détails, ce n’est pas dans le vain désir d’étaler une cuillerée de culture, il faut bien que vous connaissiez quelque chose de ma famille.

Pour en revenir à ma visiteuse, elle espérait en avoir fini après cette affaire heureusement “requalifiée” par mon collègue en “ blessures involontaires”. Son avocat avait réussi à faire rire le Tribunal qui n’était composé que d’hommes et n’avait prononcé qu’une peine symbolique. Un tribunal féminin aurait peut-être été moins indulgent. Elle repartait donc pour la cité de Calvin où « tout était arrangé avec sa famille ». Avait-elle viré sa cuti ?  Si c’était le cas, ce serait un miracle de la prison.

C’est un fait qui me paraît indiscutable que la sexualité est gouvernée par les gènes. Toute « aberration » le sera donc aussi.

Point n’est besoin qu’on l’explique: deux enfants élevés seuls sur une île déserte trouveraient bien vite ce qu’il faut faire, comme deux jeunes animaux.

L’homosexualité résiste à toutes les pressions: on a pu le condamner à mort, à la torture, à la déportation, au mépris, à l’exclusion, rien ne pouvait  faire changer un homosexuel!

Je suis toujours effrayé quand je pense à l’attitude de certaines législations, notamment la britannique, il n’y a que quelques décennies ! Tout le monde se souvient d’Oscar Wilde condamné il y a seulement cent quatre ans à deux années de bagne dont il mourut peu après. Mais comment un jeune mathématicien britannique, un génie à l’origine des ordinateurs et de tant d’autres découvertes des plus importantes a-t-il pu être condamné à choisir entre la castration et la prison en plein milieu du XX° ? Il préféra se suicider...Je crains qu’il n’ait pas été seulement homosexuel, mais je n’ai pas trouvé de détail sur cette affaire. Si vous en avez, merci d’avance !

L’actualité de la pédophilie me conduit à citer un autre souvenir, tout à fait dans le cadre de cette étude.


Un soir on m’amène un nouveau dossier en même temps que le futur inculpé. Je n’avais pas eu le temps de prendre connaissance du dossier. Etonné de recevoir un homme distingué, en costume bleu marine qui essuyait ses larmes, je jette un regard sur la couverture du dossier: “agression sexuelle sur mineur” ! Par habitude je cherche le casier judiciaire: l’homme avait été libéré un an plus tôt après 20 ans de réclusion pour des faits similaires ...! Je le regardai, il baissa les yeux : il avait compris qu’en un instant j’avais tout appris.

A travers ses sanglots, il se mit à parler, je devrais dire à se confesser. Oui, après vingt ans de réclusion, il était sorti de prison, décidé à ne jamais recommencer...et l’enfer avait commencé. Le jour comme la nuit, il avait lutté, de toutes ses forces. En vain, il avait consulté des médecins, des prêtres, il avait “tout” essayé pour étouffer ses pulsions, des femmes, des hommes. Et puis un après- midi, en ville, il avait été racolé, d’un seul regard,  par un jeune garçon de treize ou quatorze ans  et absolument inconscient de ce qu’il faisait, l’avait emmené chez lui. Quelques instants plus tard, la Police qui devait surveiller le garçon était intervenue.

Point très caractéristique le garçon avait chargé son client, racontant avec plaisir ce qu’il avait dû subir, et jouant de son âge.

L’homme que j’avais devant moi préférait retourner en prison plutôt que souffrir ce qu’il avait souffert, mais il aurait préféré mourir...   

Je pense qu’il était sincère mais quelle solution ?

Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler les noms de tous les grands auteurs (parfois prix Nobel) reconnus qui ont avoué et parfois proclamé le même penchant.. Ni de ceux à qui il fut imputé, de Léon III,  le Pape qui donna la couronne à Charlemagne à....Souvent on  présentait cette déviance comme une manifestation d’esthétisme alors que ce n’est qu’une disposition génétique et que ceux qui n’en sont pas atteints en ont des hauts le coeur tout aussi génétiques!

S’il se trouve que j’ai raison,  il n’y a rien à faire en l’état: La castration n’est pas assez forte pour mettre fin à cette inclination et il semble qu’elle ajoute la violence et la haine à la “perversion”. Aucune psychothérapie, aucune psychanalyse n’a jamais réussi dans des cas pareils. Il n’y a pas un praticien sérieux qui affirmera qu’on peut “guérir”cette disposition. Pour l’heure il semble que seul l’enfermement peut éviter ces atteintes aux enfants que la Société rejette avec un sentiment d’horreur... nouveau !

Je crois qu’il existe en Corse une prison réservée aux pédophiles et ceux des hôtes malgré eux de l’établissement qui voudraient essayer autre chose ont à leur disposition les touristes esseulé(e)s d’un camp de vacances mitoyen. Mais suffira-t-elle à recevoir et pour très longtemps,  tous ceux qui ont cette prédisposition, étant entendu qu’on peut établir une dangerosité dès la première infraction, même paraissant vénielle, telle que l’exhibitionnisme, la cyber-pédophilie, qui mènent immanquablement aux pires excès. Si une thérapie génique était possible, peut-il être envisagé de l’étudier et de l’expérimenter comme on l’a fait pour des maladies qui jusqu’ici étaient incurables ? C’est un des problèmes les plus difficiles que nous ayons à résoudre. Il le sera peut-être moins si nous admettons qu’il s’agit d’une erreur de constitution de la nature, que ces gens sont différents des autres, bien malgré eux.

Mais il faut aller plus loin: si on trouvait un traitement spécial pour ces délinquants, pourquoi ne pas chercher aussi pour les autres, puisqu’il paraît bien que le problème est le même pour les récidivistes du meurtre, de l’escroquerie ou du vol?


 

 

 

- 2  quelques cas extrêmes du caractère délinquant :  Patrick HENRI, PESQUET et quelques autres.

 

 

  On vient d’apprendre l’arrestation en Espagne de Patrick Henri dont je me suis volontairement abstenu de parler aussi longtemps que sa réinsertion paraissait en cours, alors qu’il constituait la meilleure illustration de mon hypothèse sur l’origine innée de la délinquance.

Henry est connu de tous les Français par le meurtre dans des circonstances particulièrement horribles d’un enfant de onze ans. Il faut d’abord les rappeler, je le fais avec peine pensant à la famille de la victime dont je souhaite qu’elle ne lise pas ce qui suit.

  Henry connaissait l’enfant et sa famille ce qui lui permit de l’enlever à la sortie de l’école. Il l’emmena dans un logement qu’il avait loué à cette fin sous un faux nom. Il l’étrangla tout de suite et plaça le petit corps dans un sac plastique sous sa table. Puis il demanda une rançon et partit avec des amis pour une fin de semaine à la neige...Jusqu’à son arrestation il vécut ensuite dans la même pièce que la petite victime ! Avec une assurance parfaite il répondit à des journalistes et se prononça même en faveur de la peine de mort pour des gens capables de tels crimes. Les yeux dans les yeux il terminait ses déclarations en souhaitant une heureuse issue à cette affaire. Une telle indifférence, une telle maîtrise de soi sont rares.  Qui pourrait accomplir de tels gestes ?

Mais la carrière de Patrick Henry avait commencé beaucoup plus tôt. L’enquête révéla qu’il avait déjà commis deux cambriolages lourdement aggravés par le fait que pour détruire tout indice, il avait chaque fois incendié les locaux , au risque de tuer des gens qui se seraient trouvés dans les lieux: crime infiniment plus grave que le vol.

Bientôt il vole un chèque à une collègue de travail -déjà une victime qu’il connaît- le falsifie et l’encaisse. Il est découvert.

Comme on ne connaît pas les deux incendies, il échappe à la prison qui aurait pu le pervertir. Je pense que, bien au contraire ...

Puis c’est le crime affreux qui bouleverse toute la France. Je n’étais pas présent au procès mais on m’a rapporté qu’un des éléments qui avaient peut-être sauvé Henry,  fut la déposition d’un spécialiste de la criminologie qui vint à la demande de la Défense soutenir devant la Cour que la peine de mort n’est pas dissuasive, qu’elle ne sert donc à rien. A l’appui de ses déclarations il présentait au jury un gros ouvrage d’Interpol  qui prouvait bien -disait-il- que les pays qui ont conservé la peine de mort ne connaissent  pas moins de crimes que ceux qui l’ont supprimée.

Le raisonnement était deux fois déficient:

- sur la page de garde de l’ouvrage d’Interpol est porté en grosses lettres l’avertissement suivant: “les statistiques mentionnées dans le présent ouvrage ne peuvent en aucune manière servir à établir des comparaisons de pays à pays: les délits et crimes ne sont pas définis de la même manière dans tous les pays et les données sont comptabilisées de manières différentes.”

Le témoin pouvait-il ne pas l’avoir lu ? Et s’il l’avait lu, comment qualifier son témoignage sous serment?

- si la justification de la peine de mort se trouvait dans son caractère dissuasif et que celui- ci se révélait insuffisant, il faudrait à l’évidence, non pas supprimer cette peine inutile mais chercher d’autres peines plus douloureuses et horribles dans l’espoir qu’elles deviendraient enfin dissuasives, par exemple sacrifier toute la famille du délinquant ou...ou..! Il existe de nombreuses mutilations et tortures, la lapidation ordonnée par Moïse (les pierres ne doivent pas être trop grosses pour ne pas hâter la mort ni trop petites pour ne pas la retarder) par exemple ou le “petit feu “ imposé par l’Inquisition jusqu’au dix huitième siècle qui conduisent à une mort lente et douloureuse qui consistait littéralement à faire cuire ceux qu’on voulait « sauver » ! Je me refuse à les énumérer.

On peut aller plus loin: s’il y a encore tant de crimes et délits, c’est que la prison ne dissuade pas, il faut donc l’abolir soutiennent certains!


Cette inutilité -prétendue- de la peine capitale fut l’argument massue de l’avocat de la défense. L’entendant sans le voir, puisque la télévision n’avait pas le droit de filmer l’audience, je crus d’abord que ces accents dramatiques qui nous parvenaient en résonnant sous les voûtes du palais de justice  étaient ceux de l’avocat général condamnant le crime de Patrick Henri.

En un instant j’imaginai le réquisitoire décrivant l’étranglement à mains nues de la petite victime qui pleurait sans comprendre, le visage d’ange de l’enfant qui se cyanosait, le sac plastique rempli et poussé du pied sous la table.

Mais je compris bientôt qu’il s’agissait au contraire du procès de la peine capitale fondé seulement sur des sentiments irrationnels.

Je pense que rien ne peut dissuader un criminel car dans son orgueil inhumain, il est persuadé qu’il ne sera pas pris ! Pour moi, la peine capitale se justifie amplement par le fait qu’elle interdit la récidive et que l’assassin doit une vie à la famille de la victime.

Patrick Henry ayant ainsi échappé à la condamnation capitale et été embrassé de joie par sa juge d’instruction en pleine audience, fut assisté et entouré de personnes dévouées.

Son affaire devint exemplaire. “La peine de mort était condamnée” parce que dans un jury, celui qui jugeait Patrick Henry, les hasards du tirage au sort n’avaient pas réuni la majorité nécessaire pour condamner à mort. Elle ne l’eut pas été -exemplaire- si un seul juré avait voté autrement !  A l’époque trente pour cent des Français étaient contre la peine de mort, il n’ y aurait rien eu de surprenant que même la moitié du jury votât dans ce sens.

        La détention de Patrick Henri ne fut pas sans péripétie : on a peu parlé de sa condamnation pour un trafic de drogue qu’il avait su installer en prison!

A sa libération après vingt cinq ans de détention, son premier souci fut de négocier au mieux l’exclusivité de ses interviews. Puis il mit aux enchères ses droits d’auteurs pour une biographie : “Untel, disait-il, a reçu un million de francs...”  On sait seulement qu’il a reçu une avance de cent mille euros sur le livre à publier prochainement (aux dernières nouvelles, la parution serait suspendue?) et différentes sommes pour  diverses exclusivités.

Pourvu d’un métier, libéré de tout souci pécuniaire, menacé d’une révocation de sa liberté conditionnelle, allait-il se tenir tranquille ? Par précaution, sinon par goût ?

Pas encore. Après quelques mois, il était pris pour un vol à l’étalage d’une valeur de quatre- vingts euros.

Une fois encore, il bénéficia de la bienveillance de la Justice et fut condamné à une amende sans révocation de sa liberté. Peu importe, quelques mois encore et il vient d’être arrêté en Espagne, en possession de dix kilos de résine de cannabis -de quoi monter un fructueux trafic...Il semble qu’il ait mis en route ce trafic dès sa sortie de prison¨!

Pour désespérant que ce soit, il faut bien admettre que Patrick Henry ne s’est pas amendé.

Ce qui est extraordinaire, c’est que huit jours avant d’être arrêté en Espagne, Patrick Henri préparait avec Mireille Dumas et une bonne dame visiteuse de prison une émission de télé qui fut diffusée sans lui.

 La bonne dame est  effondrée car elle ne comprend pas ! Comment comprendrait-elle qu’il est différent d’elle?

J’ai été intéressé par l’émission, comme beaucoup de Français.

J’ai été frappé une fois de plus par le comportement de Henry qui avait été filmé pendant la préparation de l’émission.

La bonne dame qui lui avait consacré tant de temps et lui avait accordé son amitié lui reprochait d’avoir volé dans un supermarché de la quincaillerie pour cinq cents francs.

La réponse de Henry, qu’il avait eu tout le temps de préparer,  fut une fois de plus celle de son orgueil et de son égoïsme forcené (trait relevé par M.  Pinatel)

- “J’étais pressé, ma voiture était à cinq cents mètres, je n’allais pas perdre mon temps à faire la queue pour payer... En France, tout le monde vole, j’ai le droit d’en faire autant.”


Et de sourire avec contentement et satisfaction. Or au moment où il parlait, sa décision était prise d’aller en Espagne et d’en ramener dix kilos de résine  et non de haschich brut comme l’a dit Mireille Dumas. La différence est grande mais on ne saurait en vouloir à la charmante animatrice.

Successivement tous les intervenants à l’émission reprirent le même argument:

“ je ne peux comprendre ce qui le fait agir...” Le comprendront-ils lorsqu’ils admettront que Patrick Henry est différent d’eux, au plus profond de lui même : génétiquement.

Il a de l’argent,  plus que s’il avait travaillé honnêtement toute sa vie et pourtant, il vole, il monte un réseau de vente de résine de cannabis qui peut tout lui faire perdre, l’argent et la liberté. Il n’y pense même pas! Et certains voudraient des peines dissuasives ?

Seuls les gens qui ont le comportement le plus normal chez l’humain, la prudence, peuvent y être accessibles !

Lors de la même émission deux hommes qui avaient été condamnés à l’emprisonnement à perpétuité puis graciés et dont la libération a été un plein succès, semble-t-il sont intervenus: ils ont eu des mots touchants :

-“je ne pouvais pas demander un pardon que je ne méritais pas, en réalité j’aurais voulu mourir de ce que j’avais fait! “

ou encore,

- “ une promesse ça engage...... l’honneur...”  

Même les faits qu’ils avaient commis n’avaient rien de commun avec ceux de Henry.

 

Celà me fait me souvenir qu’une fois j’avais eu une réponse du Monde à mes envois.

Il y avait à l’époque dans ce grand quotidien une dame, médecine, qui tenait une rubrique de criminologie. Si mes souvenirs sont bons c’était la doctoresse Escoffier-Lambiotte et j’appréciais beaucoup ses articles.

Je lui avais donc adressé mes premiers travaux et sa réponse me surprit:

-” Comme ils doivent être malheureux ces délinquants. C’est comme s’ils souffraient d’une maladie encore inconnue, quelle tristesse...”

Sur le moment je n’avais retenu que  son affirmation visant les délinquants malheureux et tristes et j’en avais conclu qu’elle n’en avait jamais vu un.

Vous vous étonnez peut-être de mon attitude à l’égard de certains délinquants. Je vais vous dire d’où elle vient.

Je me souviens de quatre individus qui avaient volé la camionnette d’un marchand ambulant de faïence et de porcelaine. Le malheureux commerçant était arrivé au moment du vol et essayait de les rejoindre en courant : toute sa fortune était là. Au lieu de s’éloigner rapidement avec la voiture volée, les malfrats se laissaient rattraper pour pouvoir  jeter à la tête de leur victime et la blesser, ses porcelaines et chaque coup au but était célébré par des cris de joie ! Lorsque l’affaire vint à l’instruction devant moi, je soulignai cet épisode. Malgré les efforts de leur avocat les quatre hommes furent pris d’un fou rire inextinguible et dans leur langue commentaient encore ce bon moment!


De même un jour j’eus devant moi trois autres misérables qui avaient brûlé jusqu’à l’os les pieds d’un pauvre vieillard et de sa femme pour leur faire dire où étaient leurs économies. Le mari qui avait héroïquement résisté pour sauver ses quelques milliers de francs, ne put s’empêcher de céder quand il vit l’état de son épouse qui s’évanouissait de douleur.

Lorsque ce moment fut évoqué, les inculpés ne purent s’empêcher de rire jusqu’aux larmes et se cachaient le visage, tellement c’était drôle: non seulement ils étaient indifférents à la douleur d’autrui (comme l’avait encore relevé M.Pinatel) mais encore ils y prenaient plaisir. Comme j’aurais voulu que cet interrogatoire ait été filmé ! Il ne fallait donc pas me parler de la délinquance triste!

Mais  plus tard quand je me fus orienté vers la génétique, je compris que ma correspondante avait raison sur le second point: “une maladie”, en fait une différence génétique faisait de ces délinquants, de ces criminels, une population différente des autres hommes.

Henry ayant été arrêté en Espagne, ce fut évidemment la désolation qui ne me fait pas rire du tout car je la comprends bien, parmi ceux qui l’avaient soutenu, fait travailler et encouragé. L’affaire exemplaire, symbolique ne l’était plus !

Comment peuvent-ils ne pas se rendre compte de leur erreur ceux qui faisaient de Patrick Henry une affaire exemplaire, tant pour la peine de mort que pour la réinsertion ! Même dans le monde criminel le plus pervers, Henri est exceptionnel avec deux ou trois douzaines de tueurs en série. C’est parce que les Français l’avaient compris inconsciemment qu’il fut le criminel le plus détesté de France. Avec “l’étrangleur” qui est toujours en prison parce qu’il est incapable de se rendre sympathique comme Henry…et peut-être aussi parce que la famille de la petite victime a juré qu’il ne sortirait pas pour longtemps.

Mais il en fallait plus pour désarçonner les coryphées de la criminologie: tout de suite ils ont donné de la voix, retournant leurs vestes comme d’autres leurs pantalons, ils décidèrent que cette  affaire n’était plus exemplaire, que la politique de réinsertion n’était donc pas  condamnée!  Evidemment, cette affaire n’est pas plus symbolique pour supprimer la peine de mort que pour mettre fin aux efforts pour  réinsérer certains détenus pour longues peines.

Son avocat trouva sur le champ une explication pour exonérer Henry de toute charge:

-“C’est en prison, cette école du crime, que Patrick Henry a découvert le trafic du haschich”:

Ce n’est pas tellement démontré, il est possible que ce soit vrai, mais il avait des dispositions très fortes car peu de détenus en font autant. Et dans quelle école avait-il appris le crime, le vol, l’incendie volontaire, l’escroquerie et l’assassinat? Il n’avait pas eu besoin d’aller en prison !

Une autre personne qui paraissait lui vouloir aussi du bien déclara au journal parlé qu’il était resté trop longtemps en prison où il avait été “déstructuré”...C’est ce que j’appelle la criminologie classique: on retient la première chose qui vient à l’esprit et qui vous plaît. D’hypothèse, elle devient solution affirmée sinon démontrée et on s’en tient là. Le poumon, vous dis-je, le poumon !

Je pourrais aussi parler de Pesquet. J’ai oublié pourquoi il avait été condamné à une longue peine de réclusion. Toujours est-il qu’il devint rapidement un prisonnier modèle. Il était avide d’assister aux services  religieux, il dévorait les saintes espèces, souvent il en reprenait sous le regard amusé et bienveillant du prêtre devant tant d’innocence et de bonne volonté! Les visiteurs louaient une telle conversion qui leur permettait enfin de déverser les flots de bonté dont ils débordaient. Les psychiatres ne pouvaient plus s’aborder sans se féliciter du succès de leurs soins, et se congratuler. Ils  se proposaient d’en faire un bouquin. Le directeur de la prison avouait que si “tous” avaient été comme lui...!

A la Direction on sautait de joie en répétant Pesquet? Pesquet! Ah, Pesquè-è-et...

Bref, on n’avait qu’une hâte, le libérer...pour montrer le succès de la politique de réinsertion du Ministère.  Avant d’autres, Pesquet devenait le modèle de la vraie réinsertion...

 Devant la sincérité et la profondeur de sa vocation, l’Administration alla plus loin. Elle n’hésita pas à lui confier des jeunes détenus à remettre dans le bon chemin. Bien sûr, comme de droit, la liberté conditionnelle de Pesquet était assortie d’une surveillance..

Fut-elle assez étroite? 

Une enquête allait bientôt briser ce doux rêve pour en faire un affreux cauchemar. 


L’une après l’autre, on découvrit que depuis sa libération, sous les yeux mêmes de ses surveillants qui n’avaient rien vu,  Pesquet avait assassiné six personnes et qu’il avait organisé les jeunes qu’on lui avait confiés en bandes pour aller voler...Qu’est-il devenu ? L’administration judiciaire n’aime pas tellement en parler.

Et P. …I? Qui libéré, alla un soir de Noël s’emparer de la recette d’un supermarché à Hyères. Tout à fait inutilement il tua les cinq ou six malheureuses caissières qui faisaient le compte de la recette du jour en pensant au réveillon, à la dinde qui était au four, aux jouets des enfants et à leur émerveillement...car terrorisées, elles la lui auraient remise sans difficulté.

Rentré chez lui, il eut l’impression qu’une jeune voisine l’observait derrière ses rideaux. Avait-elle compris? Il l’assassina aussitôt et puis, comme il était d’une prudence sourcilleuse, il se demanda si elle n’avait pas fait part de ses soupçons à son père qui vivait avec elle. Une seule solution, le tuer, ce qu’il fit aussitôt.

Et cet autre encore qui condamné à une longue peine pour avoir tué son épouse qu’il soupçonnait -tout à fait injustement- d’être infidèle, sut si bien attirer l’attention sur lui qu’il obtint la permission d’épouser son assistante sociale et de sortir en conditionnelle.

Las! Soupçonnant bientôt -encore une fois à tort- l’infidélité de son épouse, il la tua, comme la première.

Et Buffet et Bontemps qui tuèrent l’assistante sociale qui s’occupait d’eux puis, ayant réussi à sortir de prison avisèrent un pauvre type qui mangeait un casse croûte à coté de sa voiture. En un instant il le tuèrent, partagèrent ses vêtements et je ne sais plus lequel finit le sandwich: il avait un petit creux!

Que pensez-vous qu’on puisse faire de tels criminels? Quels traitements ?

Je pourrais en citer bien d’autres, mais je ne voudrais pas vous donner l’impression que je ne crois pas à la réinsertion :  je sais aussi qu’il y a des réussites. L’émission de Mireille Dumas vient de nous en présenter deux hommes à qui je serrerais bien volontiers la main en conseillant au plus jeune la patience.

 

 

 

- 3  Propositions nouvelles pour aider à la prise en charge et à la réinsertion des condamnés à de longues peines.

 

Je suis sûr que bientôt, grâce à mes travaux, on pourra reconnaître le délinquant et le criminel d’occasion de celui qui -par sa nature- est au plus profond de lui même,  un être différent. Déjà on peut reconnaître l’alcoolique d’habitude du buveur occasionnel, pourquoi ne le fait-on pas ?

        Pourtant, il y a déjà des comportements extérieurs qui permettent de pronostiquer la réussite de la réinsertion:

Les quatre critères de Monsieur Pinatel  agressivité, égoïsme forcené, indifférence à la douleur d’autrui, labilité; auxquels j’ai ajouté l’appartenance à la distribution en exponentielle décroissante dont la conséquence est la précocité, la corrélation étroite « précocité- gravité »,  l’appartenance à une variété d’humain génétiquement particulière, constante dans le temps dont la proportion au sein de la population est de 3% pour le sexe masculin et de 0,3 % pour le féminin

Heureusement, et j’en suis fier, j’ai montré encore que le temps peut “fatiguer” l’agressivité en attendant que la médecine génétique puisse l’adoucir : je vais y revenir dans un instant.

 Le comportement des deux personnes que Mireille Dumas nous a présentées  est tout à fait différent de celui d’Henry. Celui-ci déjà très jeune avait commis de nombreux délits, calculés, préparés, accompagnés de l’incendie pour effacer ses traces, avant d’en arriver au crime sans même se retenir devant le fait qu’il connaissait ses victimes et était indifférent à leur douleur, toujours pour se procurer de l’argent. Labile aussi car incapable de se tenir à une position, quelles qu’en soient les conséquences..

 Dès qu’il fut incarcéré, il redonna dans la délinquance.

Tout le problème est que pour l’heure, il est impossible de savoir avec un risque zéro et d’affirmer qui va se réinsérer et qui ne réussira pas à le faire..

Le risque est immense. On ne peut mettre en balance un assassin libéré et une nouvelle victime. Même si seulement un assassin libéré sur vingt (cinq pour cent) recommençait à tuer, fût-ce une seule victime, mais ceux que j’ai cités ont fait six et huit victimes, j’estime qu’un tel risque ne pourrait être pris.


Rien n’empêcherait le ministre de la Justice de calculer pour les vingt ou trente dernières années le nombre de criminels qui ont tué dans les mêmes conditions que Henry et ont recommencé, combien de fois,  combien de temps après leur libération et fait combien de victimes.  Mais il ne s’agit pas de noyer les pervers qui ont été condamnés pour des crimes semblables à celui de Patrick Henry parmi ceux qui ont été condamnés à une longue peine, car évidemment la suppression de la peine de mort “écrase” l’échelle des peines.  La statistique que je réclame (quelle audace diront ceux qui auraient pu la faire et s’en sont bien gardés!) doit prendre en compte les faits et non la durée des peines tellement variable selon les juridictions!

J’ai entendu, dans une revue de presse,  citer un journaliste qui avait écrit

« On ne peut imaginer de retenir l’hypothèse génétique, ce serait à désespérer de l’Homme”.

Peut-on accepter une vision aussi irrationnelle des faits et livrer des victimes innocentes au Moloch de la délinquance par ce que X ou Y  ne veut pas être déçu !

“Qu’un homme tue, je veux bien, ça ne me déçoit pas. Qu’il recommence alors qu’on aurait pu l’en empêcher, tant pis, car je veux espérer !”

Alors, que faire ?

Je voudrais ici retenir spécialement votre attention, Cher Lecteur.

Il existe indéniablement des indices très forts que l’origine de la délinquance d’habitude est génétique: précocité, rareté, constance de son effectif dans la société à travers le temps, guérison très rare et difficile….

Cela est particulièrement évident et visible dans les faits de délinquance sexuelle et notamment de pédophilie, de viols, mais aussi d’assassinats qui réclament une agressivité dont peu d’individus sont capables et qui, toujours, quand ils sont surpris, ont déjà commis plusieurs faits et  vont immanquablement à la récidive.

J’ai établi aussi que le délinquant d’habitude vieillit et se fatigue, c’est  l’objet de la 4ème loi de la théorie générale de la délinquance, de la récidive et des peines:

La propension à récidiver des délinquants d’habitude diminue de 2% par an à partir de 14 ans.

Ce qui signifie qu’à 65 ans la propension à récidiver est devenue quasiment nulle. A la retraite, comme tout le monde! Une fois de plus mes travaux étaient en parfait accord avec ceux des juristes qui ont préparé la loi Berger, puisqu’ils prévoyaient pour la récidive des crimes des peines aggravées de vingt à trente ans, ce qui amenait ces criminels ayant déjà subi une peine criminelle, à plus de soixante ans d’âge.

Quel dommage que ces juristes ou statisticiens, probablement les deux n’aient pas publié leurs travaux ! Bien sûr, cela m’aurait privé du bonheur de les refaire, mais que de malheurs épargnés et j’aurais bien su m’employer ailleurs.

Dans le cas de Henry, libéré si je ne me trompe autour de cinquante ans, il avait encore une “bonne propension”, environ 30% de la propension d’origine, à la délinquance. C’était trop tôt.

Mais, allez-vous me dire, si on veut éviter la récidive, on ne doit pas libérer un détenu avant 65 ans ? Vous avez bien compris ! Le cas de Henry présente tous les caractères d’une propension très grave à récidiver: il a commencé jeune, ses délits ont été multiples, découvert il a toujours nié aussi longtemps qu’il a pu, rapidement il est arrivé au crime gravissime (n’oubliez pas qu’il avait tué l’enfant qu’il connaissait avant même de demander la rançon, ce que peu de ravisseurs font),  il n’a  jamais manifesté de remords ni de regrets même de pure forme. Enfin, pour son malheur, et surtout celui des autres, il a toujours su simuler, se rendre sympathique et a toujours trouvé de l’aide et du soutien au lieu de fermeté...

Henry n’aurait pas dû être libéré avant 65 ans, soit une peine à perpétuité ramenée à 40 ans.


Cela peut paraître bien dur, à dire, à admettre, j’en suis conscient mais c’est une donnée de la Nature que je n’ai fait que mettre en évidence. Il y a un âge de raison, un âge pour la puberté comme pour la ménopause...Quand Henry fut libéré, son comportement montra bien que loin d’être fatigué ou repentant, il avait accumulé la frustration et voulait se rattraper: grands restaurants, marchandage de “sa valeur”; il voulait manifestement “s’éclater” et enfin profiter de l’argent qu’il aurait bien été incapable de gagner autrement que par un crime affreux..

On trouvera des délinquants primaires après 65 ans, je n’ai pas trouvé de récidiviste.

Ce pronostic n’avait jamais été fait, cela s’explique par la nouveauté de la science génétique. Mais on me concédera qu’aucune autre hypothèse n’a réussi à expliquer, à ce jour en tout cas, le comportement du délinquant d’habitude, du récidiviste.

      En réalité, il n’y a que deux problèmes à résoudre:

- Procéder à une recherche sur l’ADN des grands récidivistes et celui de leurs parents pour vérifier mon hypothèse qu’une configuration particulière de leur génome les prédispose à un comportement que ne présentent  pas les autres hommes et femmes, ni même leurs frères et soeurs.

- Rechercher si une mutation inverse de leur génome est possible pour modifier ce comportement.

 J’ai déjà cité les travaux de M. Pinatel: le délinquant récidiviste est caractérisé par quatre traits : l’agressivité, l’égoïsme forcené, l’indifférence à la douleur d’autrui et la labilité. Pour qu’il perde son comportement, il suffirait que le récidiviste perde un seul de ces caractères ! Une telle étude est possible, surtout depuis que le fichier ADN existe!

Je pense que je peux fournir le début d’une piste de recherche. Je viens de vous dire que selon Monsieur Pinatel, l’agressivité est un trait marquant du délinquant d’habitude. L’agressivité, plus ou moins marquée, est liée au sexe masculin. Pour être porteur de ce caractère à un niveau élevé, le délinquant devrait l’avoir reçu de son père et de sa mère. Ce qui peut ne pas être le cas de ses frères et soeurs: la transmission des caractères héréditaires est aléatoire

Etant amené à donner et rarement refuser des permis de communiquer à la famille des détenus, je ne le faisais jamais sans les recevoir pour les connaître, dans la mesure du possible et d’apprécier ainsi l’aide qu’ils pourraient lui apporter à sa sortie. Je crois avoir remarqué que d’une manière significative la mère des délinquants dangereux est souvent agressive. C’est une chose que je sentais, au regard provoquant, au geste assuré, aux propos revendicateurs. Tout à fait différente en tout cas des autres mères qui pleurent, ne peuvent pas croire que leur petit ait fait cela : « il a sûrement été entraîné, c’est un bon petit… »

 

Des résultats peuvent être espérés. Qui pensait, il y a seulement quinze ans,  que tant de maladies génétiques pourraient être traitées sinon guéries ?   

  1. On pourrait alors décider s’il est opportun, moral, etc. de procéder à cette expérimentation sur les êtres humains. S’ils sont volontaires en tout cas ! On admet bien la chirurgie esthétique qui change un homme ou une femme, pourquoi pas un traitement qui changerait leur  comportement ?
  2. Et après expérimentation positive, la liberté pourrait être subordonnée à ce traitement.

Dans cette attente, que peut-on faire ?

Il faut avant tout penser aux victimes, donc chaque fois qu’un délinquant est dangereux, il faut l’écarter de la société. Il apparaît d’ailleurs qu’un certain nombre de délinquants sont sensibles à la punition que constitue l’emprisonnement et même à la menace sérieuse de celui-ci. C’est pourquoi je n’ai jamais compris le prononcé de petites peines fermes alors qu’il est possible de condamner  avec sursis. Peine de douze mois au moins dont j’ai montré par des statistiques établies tant à Pontoise qu’à Paris qu’elles dissuadent mieux que les courtes peines de récidiver. Pas de récidive, cela signifie qu’il n’y aura pas de révocation du sursis. N’est-ce pas là qu’il faut chercher la bonne justice ? Bonne pour le délinquant d’abord, pour les nouvelles victimes ensuite, pour la Société enfin dont les prisons se vident ? 


La connaissance de la probable origine de la délinquance qui fait d’eux des hommes différents,  permet en tout cas d’exiger pour eux un traitement humain, décent. Les peines pour être efficaces doivent être assez longues pour permettre une préparation à la réinsertion (s’il est démontré un jour qu’elle soit possible) l’exercice d’un travail, condition de leur dignité et du dédommagement des victimes. Ce n’est pas exactement ce qui se pratique aujourd’hui et c’est bien regrettable. 

Je crois devoir ajouter que la difficulté me parait se trouver dans le fait que le libéré conditionnel passera en quelques heures de l’état de détenu dans une cellule de quelques mètres carrés à celui d’homme libre “surveillé”

- sans aucune transition ni préparation,

- alors que cette surveillance est absolument impossible. Le cas de Pesquet dont j’ai déjà parlé était particulièrement éloquent.

Pour en finir -provisoirement-  avec le cas de Henry, je pense qu’il serait regrettable que son autobiographie ne paraisse pas, à condition d’être accompagnée d’un document qui, le cas échéant, fasse apparaître, tout ce que Henry a oublié ou déclaré faussement. L’ensemble des deux documents serait un outil de travail exceptionnel.                    

 

Je propose que la libération d’un détenu pour longue peine se fasse d’autant plus progressivement que la peine a été longue.

Dans un premier temps, le détenu sera conduit dans un centre où différentes possibilités de travail seront données à des détenus en cours de libération.

Ceux-ci  pourront aller et venir dans le centre qui ressemblera à un village, avec un ou deux commerces tenus par eux- mêmes quelques heures par jour, un débit de boisson ouvert de  20 à 22 heures, une Poste ouverte quelques heures par semaine, etc. etc. Il y a suffisamment de villages abandonnés en France pour qu’on puisse en trouver un à restaurer à bon compte. Il y aura ainsi du travail justement rémunéré pour tous, jusque dans les bureaux et les cuisines. Les détenus auront à leur disposition un local de convivialité et pratiqueront le sport, ils regagneront tous les soirs leurs chambres; ils pourront recevoir des visites de proches etc. Ils pourront même quitter le village dans la journée, seuls ou à plusieurs, après quelques mois de séjour satisfaisant, accompagnés. Mais la surveillance sera facile et effective. On pourra ainsi noter les réactions des candidats à la liberté avec beaucoup de facilité.

Si tout va bien, la zone de liberté pourra être agrandie après deux ans au moins: il semble qu’il soit difficile à un homme de se contenir et de simuler pendant aussi longtemps: Henry l’a bien montré, lui qui disposait de revenus importants. Tout sera préparé pour pouvoir les rattraper dans les plus brefs délais s’ils ...s’éloignaient.

Dans un deuxième temps, quand des gages de réinsertion auront été donnés, si le détenu le désire, il pourra aller dans un centre plus grand et ainsi  de suite, mais avec des contrôles fréquents et inattendus et aussi loin que possible des villes. Les personnes chargées de surveiller ces détenus en cours de libération devront être nombreux et spécialement formés: il est ridicule de penser qu’il suffit de demander aux “conditionnels” de passer une fois par semaine chez l’agent de probation...Entre deux contrôles Henri avait le temps d’aller en Espagne et d’en revenir !

Je ne critique pas ce qu’ont fait les personnes chargées de surveiller Henry, elles ont certainement fait ce qu’on leur demandait et sans doute avec coeur et dévouement, mais que représente un contrôle hebdomadaire quand la personne surveillée peut en quelques heures faire un saut à l’étranger et revenir avec dix paquets de résine de cannabis.

Ces dispositions ne visent évidemment que les condamnés à de longues peines pour des faits très graves, qui sont peu nombreux.


Il faut savoir qu’après la suppression de la peine capitale et les réactions de l’opinion, des peines de sûreté allant jusqu’à trente ans ont été instituées pour accompagner les longues peines notamment la perpétuité que la pratique avait réduites. Le résultat fut que les très longues peines furent beaucoup plus nombreuses et que nous allons voir de nombreuses libérations de ces détenus dans les prochaines années. S’y prépare-t-on ? Je suis sûr que le Ministère est prêt; enfin, je l’espère!

 

 

 La suite de la recherche montra que les récidivistes identifiés en tant que tels, 3% de la population masculine, étaient responsables de plus de la moitié des délits et des crimes. 

Ce point n’est absolument pas surprenant quand on sait que 85% des Français n’ont jamais été condamnés et que les primaires -dont seulement 3  % deviendront récidivistes-  sont jugés en général pour un seul délit. Alors que pour corroborer ce que je dis, les casiers des récidivistes sont souvent “époustouflants”...

J’établis encore que le délinquant qui récidive, le fait en moyenne dans les deux ans et demi de sa condamnation ou de sa libération d’où le délai de cinq ans fixé par la loi Berger !. Comment enfin ne pas rapprocher cette valeur de 3  %  de récidivistes de celle des conducteurs agressifs au sein de la population des conducteurs, obtenue par des voies tout à fait différentes, sur des dossiers indépendants des premiers...

Tout simplement, il existe des individus qui ne peuvent supporter le Code de la Route, comme aussi le Code Pénal ni même la civilité puérile et honnête.

 

       

 

 

 

 

- 4  La situation en France dans la deuxième moitié du XIX° siècle : la réaction devant l’insécurité.

 

Un fait m’apparut alors évident, à savoir que nous nous trouvions en 1970 dans la situation  même où était la France, exactement 100 ans plus tôt !!!

A cette époque la délinquance paraissait exploser: les Parisiens amenaient chaque année plusieurs milliers de leurs adolescents aux Gendarmes en leur disant : “occupez-vous d’eux, nous y renonçons, nous ne pouvons plus les maîtriser !”  Des meurtres affreux étaient commis, l’insécurité était partout comme elle ne l’avait jamais été..

C’était la conséquence immédiate de la longue période qui avait suivi la Révolution, les désordres issus de la faiblesse de l’Ancien Régime, des guerres, de la corruption effrénée du Directoire, du Consulat, de l’Empire…

C’est le moment que choisit le sénateur Berger pour déposer un projet de loi dont l’économie (en gros) était la suivante : sauf circonstances exceptionnelles, les tribunaux jugeant des primaires pourraient assortir leurs condamnations d’un sursis à  exécution.  En cas de récidive par un délit ou crime semblable ou assimilé par la loi au premier,  dans les cinq ans, (dix ans pour les crimes), le sursis serait  révoqué,  la première peine serait exécutée et la peine nouvelle encourue serait  le double de celle encourue par un primaire et irait jusqu’ à la perpétuité pour les crimes les plus graves!

Par exemple: le vol est puni d’un à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende. Si un primaire ayant été condamné à un an d’emprisonnement avec sursis récidive par un nouveau vol dans les cinq ans, il devra d’abord purger sa première peine d’un an et encourra une nouvelle peine de dix ans. Pour les crimes, la récidive (appréciée dans les dix ans et non dans les cinq comme en matière de délits correctionnels) est encore plus sévèrement punie, la seconde peine sera souvent la perpétuité ou vingt ans...Ce qui écartera le récidiviste de la société pour longtemps. Ces dispositions du Code, toujours en vigueur, ne sont jamais appliquées !!! 

Le sénateur dut faire face à une campagne d’une violence extrême : il était interpellé chaque jour “est-ce au moment où des adolescents voire des enfants se livrent à une délinquance et une violence insupportables....où l’insécurité menace chaque foyer..?.etc. !

Pourtant il avait du caractère et il tint bon, le sénateur, et finalement la loi qui porte bien justement son nom fut votée. Tout simplement je pense qu’il croyait aux statistiques bien conduites.

- “Mais!” venez-vous de vous écrier en renversant votre tasse de café, “la situation de la France  en 1975 n’a rien à voir avec celle de 1880 !!!      Certes, vous nous dites qu’il y a une augmentation de la délinquance, mais la loi Berger n’a pas disparu du Code Pénal, alors ?”


-”Eh bien, justement elle a disparu des jugements !!!” vous répondrai-je avec une pointe de satisfaction !      

Si vous vous reportez aux premiers articles présentés dans mes Cahiers, vous comprendrez comment une ordonnance de 1945 a modifié la situation des mineurs de 18 ans, nommés “enfants” par la loi, alors qu’ils ont des “filles” sur le trottoir, et que les délits de ces chères têtes blondes sont les plus classiques: vols avec violences, hold-up, viols en bande, proxénétisme etc. etc. Il n’empêche que des politiciens inspirés parleront d’eux comme « des mômes », non pas dans le sens moderne de « joli môme », beau ou belle gosse mais dans le sens ancien de « petit » !

Mais ils peuvent croire au Père Noël: ... En effet le Législateur s’est inquiété pour eux de retarder sinon rendre impossible toute incarcération,  il a  créé un sursis “probatoire” dont la vertu probatoire ne fut jamais démontrée puisque, au contraire,  l’examen des casiers judiciaires fait apparaître que ceux qui en bénéficient récidivent beaucoup plus souvent que les autres...Ce qui m’a permis de présenter des casiers judiciaires ( banals ) de jeunes qui entre 14 et 18 ans avaient été condamnés 20 fois, toujours pour des faits multiples, sans jamais être punis d’un jour de prison ou d’établissement fermé, d’un sou d’amende ou de réparation des dommages causés etc. Il faut bien préciser et je le répète pour qu’on mesure la gravité de la chose, que chacune des condamnations visait plusieurs et souvent de nombreux faits graves! Il faut reconnaître que l’Exécutif n’avait rien fait pour mettre en place les substituts à la prison prévus par la législation : pour être sûr que les “enfants” ne seraient pas incarcérés, les établissements qui devaient les recevoir ne furent pas construits !!!.

Après avoir longtemps balancé, ces dernières années, le gouvernement décida de construire les centres fermés pour jeunes délinquants mais y renonça aussitôt. Pourquoi ? Qui intervint auprès du Premier Ministre pour le faire revenir sur sa décision ?

Si un de nos grands reporters voulait s’intéresser à l’affaire, je crois que ce serait plus utile et édifiant que sur n’importe quoi qui se passe à l’autre bout du monde.

J’ai souvent -dans des cercles fermés-  proposé que ces enfants puisque enfants il y a, soient punis d’une fessée, autant que possible par une mère de famille, le samedi sur la place du marché local.

Il est clair que cela ne sera pas toujours possible : l’enfant avait dix sept ans lorsqu’il commit les faits qui lui furent reprochés. L’instruction, relativement rapide ne prit que deux ans et demi. Il en avait donc 20 au moment de son jugement. Il fit appel et au moment d’exécuter sa peine prononcée conformément à la loi telle qu’elle doit être pour un enfant, au moment des faits, il en avait 21. Qu’il s’agisse  d’une peine d’emprisonnement avec sursis qui ne sera jamais exécutée en cas de récidive, d’une amende qui ne sera jamais payée, d’un placement dans un centre qui n’existe pas, tout cela ne vous parait-il pas irréaliste ?  Il faut être cohérent avec ce que l’on veut, même quand on est un Législateur ! Si les mots ont un sens, s’il s’agit vraiment d’un enfant, pourquoi mettre en branle la Justice et tout son appareil alors qu’une sorte de conseil de famille constitué des parents, d’un représentant du Ministère Public, par exemple le Commissaire de Police ou un de ses adjoints et d’un sociologue ferait parfaitement l’affaire : réuni dans la semaine des faits, il déciderait sans appel de la sanction et la ferait exécuter sur le champ. Je reste encore persuadé que la fessée serait infiniment plus dissuasive, économique, rapide et satisfaisante pour les victimes et pour les enfants eux mêmes que de longues procédures qui n’aboutissent à rien et dont il faut convenir que les dits enfants apprennent rapidement à se moquer  éperdument.

Ce qui est sûr c’est que les dits enfants sortiraient un peu ridicules de l’aventure alors qu’après un mois de prison, si par extraordinaire  ils ont été incarcérés par un tribunal ivre de répression, ils se sentiront devenus des “caïds”.

 

D’ailleurs, j’insiste sur ce point, après la fessée les enfants seraient embrassés par, je ne sais pas ...mais je propose que ce soit par le procureur près le tribunal pour enfants et qu’une tasse d’Ovomaltine leur soit servie avec de la brioche,  comme aux personnes présentes, pour montrer à ces enfants qu’on les aime et qu’ils sont pardonnés ;

- « c’est fini », dira le procureur en caressant la joue couverte de barbe de l’enfant blond qui voulait de la « poudre » et des balles, « mais plus de drogue ni de proxénétisme ni de bijoutiers, hein ! »

 

 

 

 

- 5  Combien sont ces “enfants”?

 

Lorsque la polémique faisait rage à leur propos, l’un annonçant  10.000 mineurs arrêtés cette année à tel endroit, 50.000 surenchérissait un autre, j’avais écrit au ministère de la Justice, encore lui, bien sûr,  pour proposer le travail suivant: les greffes des prisons étant informatisés, il suffirait qu’ils soient connectés en réseau pour qu’il soit facile de relever pour une année le nombre d’incarcérations effectuées de mineurs puis de les regrouper par mineurs individualisés. On connaîtrait alors le nombre des mineurs individualisés qui avaient été arrêtés....une, deux, dix, 20 fois et ne devaient compter pour leur dénombrement qu’une fois... Silence radio...Bien sûr, je renouvelle ici ma proposition! Je l’avais déjà formulée dans la page d’accueil du site web de la SCE mais, vous l’aviez compris, c’était au second degré.

C’est un travail qui ne devrait pas durer une semaine pour les dernières années mais quelques heures pour l’année à peine échue. Un logiciel bien simple et suffisamment élaboré permettrait de connaître en temps réel le nombre de ces jeunes gens. Si le ministère et ses chercheurs sont débordés, il pourrait être confié à une société de criminologie, la SCE  par exemple qui l’exécuterait certainement avec zèle et bénévolement!  Cette fois, je le dis sérieusement.


Cela permettrait en outre d’éviter la difficulté que j’eus l’occasion de rencontrer un jour : j’avais mis en liberté un délinquant qui en profita pour disparaître !Je le fis rechercher en vain par un mandat d’arrêt. Inutilement. Un jour traversant le couloir qui conduisait aux cabinets d’instruction, je remarquai un jeune homme accompagné de deux gendarmes qui se détournait rapidement en me voyant. Il m’avait reconnu et j’en avais fait autant : il venait d’être extrait de la prison de Pontoise pour un interrogatoire chez mon collègue. Chaque juge devrait pouvoir consulter à chaque instant la liste des individus incarcérés dans les prisons françaises. Que de temps gagné !

De même j’ai rencontré dans mon cabinet d’instruction (dans les années 70-80) des individus qui étaient déjà passés aux Assises deux fois et se retrouvaient devant moi pour y aller une troisième ! Tout simplement, les dispositions sur la récidive n’étaient d’une façon quasi générale,  plus appliquées! ! ! En lisant les faits divers je constate que nous en sommes maintenant à des délinquants en route pour une quatrième fois ! Arrivera-t-on à cinq ?

        Je me souviens encore d’un spécialiste de la carambouille qui me confia qu’il était heureux de me rencontrer (je l’assurai que moi aussi...) et pensait figurer bientôt dans le livre Guiness des records: j’étais son centième juge d’instruction et il voulait faire un livre pour les décrire !  Comment une telle situation serait-elle possible si la loi était appliquée ?

Il m’assura que ce serait pittoresque et je le crus bien volontiers. Pour une fois que quelqu’un voulait parler de moi!

Il me promit d’ailleurs de me l’envoyer. Je n’ai encore rien reçu. Sans doute n’a-t-il pas trouvé d’éditeur jusqu’à ce jour, comme moi !   

En y réfléchissant, je pourrais bien figurer moi aussi dans le Guiness des records, au chapitre de ceux qui ont le plus écrit de lettres sans jamais recevoir de réponse. On bat les records qu’on peut !

Une réflexion s’imposait : Comment le Sénateur Berger avait-il conçu son projet? Il faut bien supposer que soit à son initiative, soit à celle du Garde des Sceaux de l’époque, quelque chercheur, peut-être un magistrat qui s’était intéressé à ce qu’il faisait, avait conduit la même étude que moi et en avait tiré les mêmes conclusions....: on ne peut (en l’état de la science) éviter la première infraction d’un délinquant mais la seconde est inadmissible et il ne doit pas y en avoir de troisième !

La réponse à la délinquance au XIX° fut cohérente et complète: les « petits » récidivistes étaient envoyés en relégation, les criminels récidivistes étaient déportés au bagne. Pour les jeunes qui paraissaient potentiellement dangereux, il y avait la maison de correction et les bataillons disciplinaires.

C’était sévère, probablement avec excès et on aurait sans doute pu “lâcher la bride” à mesure que la sécurité revenait. Pourtant la Belle Epoque ne l’était pas pour tous...

Personne ne s’en soucia; j’ai souvent eu l’impression que les Français ne s’aiment pas,  mais cela assura une telle paix intérieure qu’après la guerre, trente ans seulement après la découverte du scandale du bagne de la Guyane, le Législateur et l’Opinion publique pensèrent qu’on pouvait tout supprimer sans aucune précaution ! D’autant plus, il faut le dire et le souligner, que la mauvaise gestion du Bagne par une administration incompétente l’avait rendu inacceptable et que les trente ans de répit dont avait bénéficié l’administration depuis la dénonciation d’Albert Londres n’avaient nullement été mis à profit !

Mais ce qui me parut le plus important, bien que je ne l’eusse pas cherché était que les échantillons de délinquants et criminels que j’avais réunis à cent ans d’intervalle étaient composés de la même manière: leurs distributions en fonction de l’âge à la commission du premier fait étaient absolument semblables ! Tout avait changé, les conditions de vie, la population, la technologie, le PIB, pourtant la délinquance était la même.

Et ce n’était pas une coïncidence fortuite: le délai moyen de récidive était dans tous les cas de deux ans et demi, avec une dispersion sur cinq ans! Jamais avec une autre hypothèse que l’origine génétique de la délinquance, on n’aurait pu admettre une autre explication d’une telle similitude!

Une conclusion s’imposait donc de nouveau: la délinquance d’habitude ou récidive est un comportement biologique d’une fréquence constante au sein de la population, absolument indépendant de toute cause extérieure.  

 


Si un de mes lecteurs en mal de sujet de travail, de mémoire ou de thèse,  voulait retrouver les travaux qui ont conduit à la loi du Sénateur Berger, je crois qu’il ferait oeuvre utile ! Sans doute ces travaux moisissent-ils dans les caves de la Place Vendôme.  Bien sûr le Garde des sceaux de 1945 aurait pu retrouver les écrits du chercheur qui avait préparé la Loi Berger et s’inquiéter de l’innovation en préparation qui ne reposait sur rien que sur de bons sentiments. En avait-il seulement entendu parler ? Le principe de précaution - il était inconnu à l’époque - ou plus simplement une sage “gouvernance” aurait pu prévoir une période d’essai pour un changement aussi important de politique pénitentiaire que la suppression de la relégation, de la déportation et bientôt de la peine de mort. Il aurait surtout pu révoquer quelques fonctionnaires chargés de surveiller le Bagne et les y envoyer. Leurs successeurs auraient certainement aménagé le bagne avec soin.

Je n’exagère pas: Louvois constatant que la forêt si utile au Roi était pillée par les nobles officiers forestiers, en envoya cinquante aux galères.

Quant aux autres, ils furent tellement impressionnés qu’ils attendirent cent cinquante ans avant de demander une amélioration des conditions de travail, du pouvoir d’achat, bref de l’argent !

Retenez bien, je vous prie, que le sursis accordé après une mise en garde solennelle et la récidive, c’est à dire la réitération d’un délit semblable ou assimilé par la loi au premier, dans un délai fixé par cette dernière, est une construction légale arrêtée en fonction d’une disposition génétique des délinquants qui n’a rien de commun avec “le retour en prison dans les dix ans” sur lequel je reviendrai bientôt.

 

 

Entre temps, je fus nommé, toujours juge d’instruction, au tribunal de Paris. C’est une institution magnifique, le plus ancien tribunal au Monde, siégeant sans discontinuer depuis plus de mille ans, dans un décor exceptionnel. Il entoure la Sainte-Chapelle, construite en trois ans par Saint-Louis pour recevoir les reliques chrétiennes les plus précieuses du monde.

 Saint-Louis avait dit à ceux qu’il envoyait à Jérusalem pour les acheter: “à n’importe quel prix!”.  Il les eut à ce prix là: pour l’équivalent en pouvoir d’achat de plusieurs milliards d’euros: la couronne d’épines du Christ et une goutte du lait de la Vierge Marie, confiées aujourd’hui au Chapitre de  Notre Dame de Paris...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE QUATRE

 

 LE RAPPORT DU CENTRE NATIONAL D’ETUDES ET DE RECHERCHES PENITENTIAIRES .

Erreur tragique ou canular ?

 

J’eus connaissance ...J’ai écrit  à l’époque, “par hasard”, mais je me demande si en fait le Ministère, très fier de l’oeuvre de ses chercheurs n’avait pas diffusé intentionnellement à tous les magistrats l’ouvrage dont je vais vous entretenir (car ce fut la première et dernière fois que ce compte-rendu annuel nous parvenait) et qui paraissait bien être celui qui avait été annoncé par la séminariste de 1968 dont je vous ai déjà parlé. Je dois vous dire qu’essayant de connaître l’avis de mes collègues, je dus bien constater que j’étais le seul à l’avoir lu ! Ma question paraissait vraiment incongrue ! « De quoi parlez-vous, Cher Collègue ? »

Je  crois que le plus simple est que je reproduise ici, mot à mot, le début de mon exposé fait le 9 NOVEMBRE 1976 devant l’Assemblée Plénière du Tribunal de Grande Instance de PARIS

“...début 1974 j’ai eu l’honneur d’être nommé parmi vous. Tout à fait par hasard, le rapport de l’Administration Pénitentiaire sur l’exercice 1972 est venu dans mes mains. Ce rapport  contient un exposé des travaux du Centre National d’Etudes et de Recherches Pénitentiaires.

Tout de suite j’ai compris:


- Premièrement que ce rapport était le support d’allure scientifique de la contestation de la Justice et de la Prison, puisqu’il conclut, page 191 que “56,1  %  des condamnés correctionnels (sans préciser :de son échantillon) rechutent”, ce qui ne tarda pas à devenir “C’est la Justice qui fabrique les récidivistes”.

- deuxièmement, que ce chiffre est à l’évidence grossièrement faux.

Je vais me permettre de critiquer le rapport du CNERP. Certains d’entre vous mis au courant du travail que je vais vous présenter, ont insisté pour que je ne me borne pas à dire que cette étude  est sans signification scientifique et que je le démontre. Je vais donc le faire.

Bien entendu ma critique sera exclusivement faite sur un plan scientifique, en galant homme. Mais je pense que qui cherche la vérité doit la dire et jamais elle ne saurait être offensante.

(Je crois que j’ai toujours vécu dans un monde d’illusion !)

A) l’ambiguïté de la recherche du CNERP

Le CNERP étudie donc la récidive et sur 20 pages parle de la récidive. Toutefois le lecteur attentif retient par une allusion au travail similaire de l’Administration Pénitentiaire Belge que c’est en réalité le retour en prison dans les dix ans de leur libération qui est étudié.

Le choix de ce concept de retour en prison dans les dix ans au lieu de celui de récidive que tous les juristes connaissent n’est pas explicité. Il est de toutes façons regrettable de parler de l’un en étudiant l’autre... En tout cas plusieurs critiques peuvent être faites à la méthode du CNERP

Lorsque la loi prévoit un délai à l’intérieur duquel une réitération trahit une dangerosité punissable, il est de cinq ans. Pourquoi le doubler alors que le délinquant, plus que tout autre a droit à l’application de la loi, au pardon et à l’oubli? En tout cas ce choix aurait dû être expliqué.

B) le concept.

Le choix du concept “retour en prison dans les dix ans”est fâcheux. En effet:

a) s’il permet d’analyser ce qui se passe chez les délinquants qui ont été détenus en l’appelant “récidive”, il est évident que ce concept (un concept n’est rien d’autre qu’un instrument) est inutilisable lorsqu’il s’agira d’étudier la récidive chez les délinquants qui n’ont pas été détenus. Il faudra donc en choisir un autre, celui défini par le Code Pénal par exemple. Mais toute comparaison sera impossible. Alors que le choix du concept “récidive légale”était utilisable pour tous les délinquants, n’avait pas à être explicité, n’était même pas discutable, permettait comme je l’avais fait à Pontoise de dire que la prison ne pourrit pas, puisque les récidivistes sont moins nombreux parmi ceux qui ont été incarcérés que parmi ceux qui ont bénéficié d’un sursis...

b) le choix du retour en prison crée une ambiguïté dans laquelle certains n’ont pas manqué de se laisser prendre comme nous le verrons. En effet, du processus “premiers faits, emprisonnement avec sursis ou ferme, deuxièmes faits, second emprisonnement ferme ou avec sursis. “ le CNERP ne conserve qu’une toute petite partie: “prison, 2 ème fait, retour en prison. Ainsi la prison est mise en avant, privilégiée dans le raisonnement et on ne tardera pas à établir un lien de cause à effet entre la prison et la récidive, oubliant toute la récidive de ceux qui n’ont pas été incarcérés, ou alors il faudrait répandre avec la même ardeur “ deux condamnés sur trois laissés en liberté récidivent,  la Liberté fabrique les récidivistes” .

Le choix du concept “retour en prison”...est encore fâcheux lorsqu’on parle de récidive car réellement la différence est très grande : non seulement comme je l’ai dit, on peut récidiver sans avoir connu la prison, mais on peut encore retourner en prison sans avoir récidivé: pour des faits antérieurs à la première condamnation, pour des faits différents et non assimilés par la loi aux premiers, pour une contrainte par corps, pour une détention provisoire suivie d’un non lieu, cela arrive !


Et cela m’amène tout naturellement à parler d’une critique plus grave de ce concept de retour en prison. Il fait fi, par ignorance ou par mépris, de l’essence même de la notion de récidive telle qu’elle se dégage du Code Pénal.

Celui ci distingue trois degrés de dangerosité parmi les délinquants

       1-les primaires,

                  2-les récidivistes

       3- les multirécidivistes.

Pourquoi le CNERP les mêle-t-il dans son échantillon alors qu’il apparaît a priori qu’il s’agit de condamnés très différents ? Le résultat évident est qu’il est sans intérêt de savoir qu’un individu sur deux de l’amalgame va retourner en prison alors qu’il aurait été hautement intéressant de savoir comment chaque groupe va se comporter…C’est à dire que le primaire ne récidivera que très rarement tandis que le multirécidiviste retournera presque toujours en prison pour de nouveaux faits. C’est parce que les rédacteurs du Code le savaient bien et qu’il n’y a rien de changé que la relégation avait été instituée en 1885 pour écarter de la Société les individus réputés incorrigibles.

 

 

C- l’échantillon du CNERP.

Un reproche d’un autre ordre peut être fait au travail du CNERP.

Vous savez mes Chers Collègues, que l’analyse statistique consiste à étudier un échantillon représentatif d’une population plutôt que cette dernière pour des raisons de commodité évidentes: c’est le sondage au lieu du referendum. Mais cette analyse de l’échantillon n’est valable que si celui-ci est parfaitement représentatif de la population. Ce n’est pas le cas, tant s’en faut, de l’échantillon du CNERP qui ne représente pas la délinquance incarcérée, après avoir décidé, sans dire pourquoi,  de ne pas prendre en compte les délinquants non incarcérés...

D’une part, alors que la délinquance jugée chaque jour comprend  87  % de primaires et 13  %

de récidivistes, l’échantillon du CNERP ne comprend que 67,3 % de primaires et par contre 32,7 % de récidivistes et multirécidivistes. Le résultat ne peut qu’en être complètement faussé.

D’autre part, comparons la distribution des délinquants (désignés par les tribunaux) et celle de l’échantillon du CNERP:

Prononcées par       Echantillon du CNERP

Les tribunaux

Peines inférieures à 6 mois                             62,5 %                     0 %

supérieures à 6 mois et

           inférieures à 1 an                                24 %                       34%

          Sup. à  1 an, inf à 3 ans                        12 %                       50 %

          Sup. À 3 ans                                          1,5 %                    16 %

 

 

 

Il est évident que les délinquants constituant l’échantillon du CNERP ont été littéralement choisis dans la partie des détenus la plus gravement condamnée et donc vraisemblablement la plus hautement délinquante.

Le CNERP  fait alors la moyenne des “récidives” observées, en fait des “retours en prison”,  et annonce :”le lien paraît net entre la “récidive et la nature de la peine puisqu’on constate, comme les années précédentes que 56,1 % des condamnés correctionnels rechutent “

...En réalité le résultat du travail du CNERP pourrait s’exprimer ainsi :


: “si on mêle par moitié des primaires qui ne récidivent pratiquement jamais et des récidivistes qui récidivent pratiquement toujours, dans cet amalgame un individu sur deux de l’échantillon récidive ou retourne en prison dans les dix ans”.

Cela ne présente pas un grand intérêt scientifique et surtout ne permet en aucune manière d’incriminer la prison dans la genèse de la récidive. Dira-t-on que ce sont les séjours à l’hôpital des malheureux cancéreux qui provoquent l’évolution de leur maladie ?

Au contraire, ce qui est capital c’est de vérifier si la distinction faite par le Code Pénal est valable et si les aggravations de peines prévues pour les récidivistes sont justifiées.

Toute la question est en réalité: comment le CNERP a-t-il pu accumuler tant d’erreurs et ne pas se rendre compte de l’absurdité de ses conclusions ?    

Mais il y en a une autre: comment le ministre, en tout cas ceux qui l’entouraient, avaient-il pu digérer mon analyse et ne rien faire ? Effectivement il semble qu’il ne l’a jamais digérée ! 

 

 

 

 

 

 

 

 

-  LA THEORIE GENERALE DE LA DELINQUANCE, DE LA RÉCIDIVE ET DES PEINES.

 

 

Cette affaire étant réglée et satisfaction donnée à mes collègues,  j’en vins à un sujet plus intéressant et j’exposai comment mes travaux m’avaient permis d’établir cinq lois sur le comportement des délinquants, des lois aussi évidentes que celles qui caractérisent par exemple le comportement des gaz, des fluides etc.

Je pense que vous apprécierez mieux le comportement de ceux qui reçurent le texte imprimé de mon exposé, au Ministère et à la Cour,  si je vous donne le texte des cinq lois.

1° - “en fonction de l’âge, la délinquance d’occasion est distribuée normalement”  et en corollaire, “il n’y a pas de délinquance spécifiquement “juvénile”.

2 °- “Le minimum prévu par le Code Pénal (en général 12 mois) pour les peines qu’il ordonne, inspire aux délinquants une dissuasion égale à la propension à récidiver de 95 % d’entre eux.

Au delà de 9 mois, une peine avec sursis est aussi dissuasive pour un délinquant primaire qu’une peine prononcée sans sursis.”

3°- “ la population délinquante d’habitude se manifeste suivant une période de demie vie de 7 ans à compter de 14 ans d’âge.

4°- “la propension à récidiver des délinquants d’habitude diminue de 2% par année d’âge à compter de 14 ans.

5°- “le délai de première récidive est distribué comme une fonction exponentielle décroissante de période de six mois.”

 


Mes Collègues m’applaudirent longuement mais, sincèrement je pense que c’était plus par amitié que pour marquer leur approbation. Madame Rozès, la présidente insista pour que des questions fussent posées, en vain. A la fin un de mes collègues, un ami très cher, avec qui j’avais siégé à Pontoise, accepta de prendre la parole. En me priant de l’excuser,  il me dit que ce qu’il avait du mal à croire, c’était qu’il soit possible de réduire un délinquant avec toutes ses particularités, sa personnalité si complexe, à une unité d’un ensemble susceptible de faire l’objet de statistiques...

Je lui répondis aussi amicalement que c’était pourtant ce qu’avaient fait avec tant de succès Carl Von Linné pour classer les être vivants ou Mendeleïev  pour les éléments minéraux et que c’était là la base qui permettait la construction de ma théorie générale…comme de toute recherche!.

Je pris la liberté de dédier ma théorie à Madame le Président. Je ne savais pas à l’époque combien elle avait fait preuve d’intelligence et d’indépendance en me soutenant.

 

La séance fut levée. La Présidente me fit part de sa satisfaction et qu’elle allait faire parvenir de nombreux exemplaires de mon travail au Ministère et à la Cour dès qu’il serait imprimé. J’étais ravi et je me préparai à recevoir de nombreuses lettres et invitations à faire de nouveaux exposés...peut-être des félicitations...voire une mention élogieuse dans mon dossier…

 

Las, personne n’en entendit parler.

A quelque temps de là,  j’appris l’existence au Ministère d’un comité ou d’un conseil “de lutte contre la délinquance”, ou quelque chose comme ça, si vous voyez ce que je veux dire. Je fis acte de candidature en évoquant l’intérêt que je portais à la matière, personne ne me répondit. De même, avec des précautions oratoires qui maintenant me font rire, tellement elles portaient la marque de mon innocence, j’offris de participer aux séminaires que le Ministère organisait plusieurs fois par an. Je n’eus aucune réponse. Manifestement le ministère n’avait pas apprécié mon analyse des travaux du CNERP !

J’avais donc un nouveau problème à résoudre: pourquoi personne ne s’intéressait-il à mes travaux ? Je n’ai jamais pensé à un complot organisant une censure: cela m’aurait accordé une importance que je n’avais certes pas. Il y avait l’air du temps qui n’était certes pas à la répression.

Je ne voudrais pas être impertinent mais je suppose que tout simplement peu de ceux à qui je l‘adressais le lisaient et que ceux- là ne le comprenaient pas..

La démonstration leur paraissait hermétique. Si mes conclusions avaient été celles de quelque chercheur étranger ou au moins d’une institution vouée à la recherche, comme le CNERP  par exemple, elles auraient peut-être été admises sans chercher à comprendre, mais de la part d’un collègue, dire aux autres magistrats, même avec délicatesse et au nom de la science,  ce qu’ils devaient ou ne devaient pas faire et notamment appliquer toute la loi, y compris les dispositions sur la récidive, c’était inconvenant !

Enfin, dire qu’il n’y avait que trois pour cent de mauvais conducteurs ou de récidivistes, cela heurtait le bon sens. Et pourtant, essayez d’imaginer ce que serait la vie quotidienne s’il y avait seulement un délinquant ou un mauvais conducteur sur deux ! On ne pourrait sortir de chez soi  sans être agressé ni prendre le volant sans se retrouver à la morgue, au mieux à l’hôpital ! Ce n’est pas 10.000 morts mais 100.000 qu’on dénombrerait chaque année. C’est le bon sens qui constate que les délinquants sont rares !

Je n’étais pas particulièrement connu en dehors du premier cercle de mes collègues et je n’étais jamais allé au Conseil Supérieur de la Magistrature pour solliciter quoi que ce soit.

Qu’en était-il des personnes étrangères à la magistrature? 


Je crois que malheureusement cette dernière avait dans toute l’opinion une mauvaise image, plus peut-être que l’armée! Les prisons étaient devenues un scandale, comme le bagne l’avait été. Suggérer qu’il fallait réformer tout ça même en disant que la prison demeurait une solution possible (mais je proposais autre chose, comme vous le verrez plus loin) à l’insécurité, constituait tout simplement une provocation.

Encore en 2002, je suis sûr que beaucoup de mes lecteurs sont choqués. La solution admise est –de justesse, car on parlera aussitôt d’Etat Policier- de renforcer les effectifs et les moyens de la POLICE. La délinquance zéro ne consiste pas à arrêter tous les délinquants mais à les juger, conformément à la Loi.

Je posais aussi la question de savoir pourquoi l’amende est une solution particulièrement négligée en France: payer une amende importante telle que la fixe le Code, imposerait de lourds sacrifices : c’est bien ce que souhaite le Législateur ! Pourquoi, au nom de quoi les diverses juridictions ignorent-elles cette disposition? Lorsqu’il ne s’agit pas de criminels endurcis ou dangereux qu’il faut écarter de la société je trouve qu’elle complète parfaitement une peine d’emprisonnement avec sursis et remplace avantageusement une peine d’emprisonnement ferme qui rapportera à la collectivité au lieu de lui coûter. De même, sans tomber dans des excès tels que ceux de la Justice américaine, les dommages intérêts accordés en France sont dérisoires: il semble que la Justice craigne avant tout d’enrichir la victime et d’appauvrir le délinquant!

Je vais faire une incidente: en matière d’accident de la circulation c’est l’assurance qui paye les dommages de la victime et le plus souvent le délinquant se moque bien de cette dernière!

Ce n’est pas toujours le cas : je me souviens d’une affaire où une jeune conductrice avait fait tomber dans le caniveau un cycliste qu’elle avait frôlé de trop près.  La Police appelée aussitôt par la jeune conductrice avait fait hospitaliser la victime, un vieux monsieur vêtu d’un vieux pull over et d’un pantalon tout rapiécé.  La jeune femme alla l’après midi même prendre de ses nouvelles et s’adressant à l’infirmière tandis que le patient paraissait dormir, lui dit tout

le remord qu’elle avait d’avoir blessé ce pauvre homme ! Elle ferait tout pour lui !

Ce dernier ouvrit un œil mais feignit de n’avoir rien entendu ; la jeune femme continua, elle allait lui apporter de beaux vêtements pour sa sortie et lui verserait une petite rente en plus de ce que l’assurance ne manquerait pas de payer. Comprenant ce qui se passait l’homme entra dans le jeu : il prit un solide accent du sud ouest, feignit des douleurs, délira un peu, prit la main de la jeune femme et la porta sur son front, l’embrassa, remonta vers le coude…Bref il s’amusa comme un fou et peu à peu lui révéla qu’il était le directeur du plus important institut de France et le président d’une demi-douzaine de conseils d’administration… Pour s’entraîner ou jardiner il troquait son costume trois pièces contre de vieux vêtements ! 

Pour que le délinquant, routier ou de droit commun s’intéresse un peu à sa victime, j’ai proposé que les amendes prévues par la loi et qui sont très lourdes soient strictement appliquées, même si le condamné doit passer sa vie à payer ! Et qu’elles soient versées à un fonds d’indemnisation de toutes les victimes.  On pourrait même étudier un versement aux assureurs qui entraînerait une baisse des primes.   

Comment savoir si mes travaux et mes conclusions pouvaient être reçus favorablement par le Peuple? En tout cas ils ne l’étaient pas par ceux  qui faisaient l’opinion, et n’étaient prêts ni à m’écouter ni à m’entendre...

 

 

 

 

- 2  La fondation de la Société de Criminologie Moderne

 

Ne désirant  pas en rester là, je constituai une association “loi de 1901” avec mon fidèle ami et greffier M. Charnay et deux jeunes secrétaires greffières qui avaient eu l’occasion de venir renforcer mon cabinet d’instruction à l’occasion de grosses affaires et qui étaient contentes de me rendre service. La Société de Criminologie Moderne était née et nous allâmes fêter l’événement à la Périgourdine, de l’autre coté de la Seine, avec deux jeunes américains qui étaient à mon cabinet pour je ne sais plus quel stage et qui demandèrent pour leurs libations un café au lait à 19 heures! Ce fut un joyeux moment.  J’avais choisi ce nom pour me distancer des autres sociétés ou instituts de criminologie qui souvent se bornaient à ressasser les mêmes théories sans jamais songer à les vérifier. Alors qu’ils avaient ou auraient pu avoir un budget de recherches et une ouverture au Ministère.

 Par la suite je fus plus précis et la transformai en Société de Criminologie Expérimentale.

Je fus déçu mais non surpris qu’aucun de mes collègues ne me rejoigne. J’eus quand même une centaine d’adhérents lecteurs qui avaient acheté un de mes Cahiers au kiosque de l’avenue du Palais dont le gérant avait bien voulu l’afficher...

Et je me mis aussitôt à l’ouvrage: j’avais sous la main la matière délinquante à étudier, on allait voir ce qu’on pouvait en tirer, dans tous les domaines. Si mes souvenirs sont bons,  je réussis à publier ainsi pendant 6 ans, quatre numéros par an, d’une trentaine de pages dactylographiées aussi condensées que possible, sur tous les sujets d’actualité judiciaire, sans oublier la recherche fondamentale, en partant par exemple des jumeaux nés à Paris dans les années 40, pour savoir enfin combien il naît de paires de jumeaux et combien  il en reste encore 30 ou 40 ans plus tard et quel a été leur comportement du point de vue du code pénal ou du mariage.

J’arrivai rapidement à une conclusion curieuse que je n’attendais pas: les jumeaux constituent une population particulière qui ne saurait servir à l’étude de ceux qui ont seulement des frères et soeurs ou sont enfants uniques. Notamment ils  sont moins souvent que les autres des génies (en fait je n’en connais pas), et jamais, semble-t-il de grands délinquants ou criminels. J’en fis part au commissaire divisionnaire qui gérait le Dépôt par où passent tous ceux qui « sont attendus » par  un substitut ou un juge d’instruction et qui m’avait beaucoup aidé !

“Je sais, me dit-il, je suis jumeau” ! Et nous avons bien ri tous deux mais lui plus que moi!  Depuis je ne prends jamais, sans y être obligé, un risque dont la probabilité est égale ou supérieure à 1 % !

Les principaux de ces travaux sont maintenant reproduits sur le site de la SCE « criminologie expérimentale. Com »   où vous les trouverez sans peine s’ils vous intéressent,  je n’ai pas voulu encombrer le présent petit essai.

 

Bien entendu ces cahiers étaient déposés en cinq exemplaires à la Bibliothèque Nationale pour servir à la recherche future et me doter d’une date certaine. Je n’oubliais pas que lorsqu’on ne put plus nier la théorie de la dérive des plaques de Wegener (cinquante ans après sa publication), on chercha à lui en retirer la paternité : un météorologue...était-ce bien sérieux ?


C’était un travail épuisant et sans fin car après avoir réuni les données, réfléchi à la manière de m’en servir et obtenu des résultats souvent très différents de ceux qui étaient attendus, il fallait y réfléchir longuement pour les vérifier, puis rédiger les articles, les dactylographier, les faire photocopier et relier, les expédier aux abonnés et surtout en faire le service aux journaux écrits et parlés, aux périodiques...Malgré l’absence totale de résultats, je n’ai jamais voulu y renoncer. JE VOULAIS POUVOIR DIRE UN JOUR QUE J’AVAIS TOUT FAIT POUR LES RENDRE UTILES.

J’eus de grandes satisfactions: des Policiers s’abonnèrent dont l’un me rendit visite en me disant que le bruit courait dans la Police Judiciaire “qu’il y en avait au moins un qui avait compris”...Je pense que c’est ainsi que la Police belge fut amenée à prendre quelques abonnements et me fit peu après l’hommage d’une traduction en Flamand de mon exposé au tribunal. Par contre, la Suisse romande, avec laquelle j’ai de profondes attaches dont je ne manquai pas de faire état, resta de marbre. (et le marbre genevois c’est quelque chose ! Mais plus d’un Genevois vous dira comme moi que cela changera un jour : avant de recueillir Calvin qui était français et de devenir ainsi la Rome protestante, Genève était une ville où l’on s’amusait beaucoup…)

Il faut dire que je trouvai au tribunal de Genève trois psychiatres, psychologues ou sociologues pour un juge, afin, semblait-il, de tout comprendre pour tout pardonner ; s’il y avait eu seulement un généticien ! Et puis il y eut assurément le réflexe: “Ce n’est pas un Parisien qui va nous faire la leçon! “ Je renonçai donc à aller dans les autres tribunaux des Cantons romands.

J’ignore encore comment les universités allemandes eurent connaissance de mes efforts mais elles s’abonnèrent nombreuses, notamment les plus prestigieuses comme Max Planck et je reçus un jour une demande d’abonnement personnel d’un étudiant apparemment francophone qui ajouta sur l’imprimé d’adhésion “bravo”. Je lui envoyai son reçu avec “danke”. L’Europe était assurément en route!

Je ne puis dire que je ne fus pas déçu du silence des divers instituts de criminologie français qui -jusqu’à ce jour-  ignorent mon petit apport alors que leurs étudiants m’écrivent presque chaque jour par ce qu’ils ont trouvé la référence de la Société de Criminologie Expérimentale en allant consulter des sites canadiens ou belges qui la citent ! et me demandent des sujets de travaux.

La fondation de la SCM ne passa pas inaperçue. Je reçus un jour un coup de téléphone de Maître Varaut avec qui j’entretenais les meilleures relations professionnelles et qui faisait partie d’une société de criminologie  à laquelle appartenaient aussi des personnes dont il sera bientôt question, par exemple Monsieur le Professeur Léauté et le docteur Roumageon.

Maître Varaut me demanda pourquoi j’avais choisi le terme de « moderne » pour qualifier la société de criminologie que j’avais fondée. Je lui répondis que c’était pour la différencier des autres en fondant sa recherche sur la méthode expérimentale, comme la chimie par rapport à l’alchimie ou tout simplement la médecine, mais que cela n’avait rien d’agressif à l’égard des autres avec lesquelles j’étais tout prêt à collaborer si elles adoptaient le même projet d’étude, sans leur demander pour autant de renoncer aux autres.

Maître Varaut m’invita à une séance de sa société, je n’eus pas l’occasion d’y prendre la parole mais j’eus l’impression d’être regardé comme une bête curieuse et il n’y eut pas d’autre invitation.  J’avoue que je l’ai regretté.

Je fus obligé encore de constater avec regret que les crédits du Ministère de la Justice ne lui permettaient pas de souscrire un abonnement annuel de 40 francs et je pris la liberté de le prévenir que je comprenais bien et que je lui en ferai le service gratuitement. Pas le moindre remerciement! Mais au moins ne recevant aucune aide, ni subvention qui aurait pu me rendre débiteur, j’étais libre de relever toutes les sottises...et ne m’en privai pas.

Tout cela ne se fit pas sans difficulté car le travail du cabinet était très lourd et je ne pouvais pas me permettre d’avoir le moindre retard ! Ma recherche n’aurait certainement pas été acceptée comme une excuse !

Mes affaires concernaient deux domaines: les “contrefaçons” et les “violences avec préméditation”. Ce qu’elles avaient de commun c’est qu’en général elles mettaient en cause des gens chics et distingués. C’était bien agréable: mon cabinet était souvent parfumé de N° 5 de Chanel ou de quelque autre grand parfum qu’avec Monsieur Charnay nous nous amusions a reconnaître, alors que dans les couloirs qui mènent à l’Instruction on reconnaît plutôt l’odeur de la sueur, de la crasse et de l’angoisse.

Dans les premières affaires il s’agissait des plus grands bijoutiers et couturiers, des écrivains...des peintres et surtout de leurs veuves qui étaient plaignants.

Parmi les notoriétés qui fréquentaient assidûment le cabinet , il y avait Annette Giacometti qui veillait, bien sûr, sur les oeuvres de son mari Alberto dont les fondeurs s’obstinaient à multiplier les exemplaires comme les petits pains aux noces de Cana et à les faire circuler dans le monde.

C’était une dame très digne, plutôt timide qui se faisait beaucoup de souci pour l’oeuvre de son mari.


Il y avait aussi Léonor Fini qui avait gardé le plus délicieux accent italo-argentin mais surtout la plus charmante façon de s’exprimer: elle m’appelait toujours “mon juge chéri” peut-être par ce que j’avais retrouvé des lithographes qui passaient leur temps à tirer ses oeuvres comme des journaux ce qui en faisait baisser le prix de jour en jour.  Peut-être voulait-elle dire seulement “mon cher juge ”mais cela ne me froissait pas, au contraire! Quand en arrivant je demandais à Monsieur Charnay  le menu du jour, si elle était convoquée, il ne manquait pas de me dire : Il y a aussi votre chérie ! Il me pressait souvent de la convoquer pour mettre au point quelque détail ; je ne suis pas sûr qu’il ne donnait pas tant de soins à cette affaire par ce que la grande artiste venait souvent accompagnée de quelques unes de ses modèles…

Il y avait encore de nombreuses affaires concernant un seul tableau dont la signature était déniée par l’auteur allégué ou ses héritiers. D’une part, je procédais à une enquête sur l’origine du tableau, ses propriétaires successifs et d’autre part -comme cela apparaissait de plus en plus nécessaire dans les affaires de tous ordres- on me réclamait une “expertise”. Bien sûr, lorsqu’un tableau relativement ancien était en cause, de nombreuses investigations techniques étaient possibles : datation du support, des pigments etc. La difficulté était lorsque la contrefaçon pouvait avoir été faite du vivant de l’auteur et parfois même n’était qu’une oeuvre  partiellement exécutée par un élève de l’auteur, sur son ordre...le Maître se réservant le sujet principal.

Quand les oeuvres étaient contemporaines, les experts ne comprenaient pas que je leur refuse l’accès au dossier pour ne leur remettre que l’oeuvre contestée et que je les limite ainsi aux constatations techniques en leur disant “je ne veux pas que vous soyez influencés par l’enquête!”  Il ne leur restait alors qu’à comparer la “patte”, la “manière”, le “mouvement”,le “frisson”, la “ griffe”, voire “le cri” ou le « mouvement » de la patine, bref la technique de l’auteur supposé et celle du peintre du tableau en question... 

Je me souviens d’une affaire qui illustre bien les difficultés que nous avions : un peintre très connu déclarait faux un tableau signé apparemment de lui. Les experts étaient partagés. Finalement la Police retrouva un témoin qui demanda à être entendu en présence du peintre.

“- Souviens-toi, lui dit-il, nous prenions l’apéritif à la Colombe. Tu sortais de clinique. Il y avait même nos femmes...et la petite Lola qui…! Ce dernier prénom étant accompagné d’un clin d’œil lourd de signification…

- Oui, oui, répondit précipitamment l’artiste qui ne tenait pas trop à ce qu’on s’attarde sur Lola ;

- Et ce tableau tu l’as donné à X qui t’avait présenté Lola...!!

- Nom de ...C’est vrai, je me souviens...Oh, excusez moi ! “

 

Une autre affaire, de contrefaçon industrielle celle là,  fut même pour moi l’occasion d’un voyage de deux semaines aux USA avec séjour au Waldorf Astoria où le lit pouvait recevoir quatre personnes. Sur la table de chevet il y avait une bible offerte par les Gédéons et un répertoire des films pornos disponibles offert par la direction. Déjeuner au restaurant du World Trade Center...Dîner chez Cristo. Au cours d’une discussion nous décidâmes d’aller vérifier un point dans l’usine de Boston. Un taxi, nous étions à l’aérodrome, un avion partait tous les quarts d’heure comme en France un autobus sur les lignes bien desservies et nous étions dans cette ville magnifique: on se serait cru à Genève !

Ce ne sont quand même pas mes seuls souvenirs des USA ! L’affaire portait sur les secrets de fabrication du noir de carbone dont je découvris seulement alors l’existence et l’intérêt stratégique ! Un soir, les parties, les témoins, les experts, tous ensemble nous allâmes dans un petit port voisin manger du poisson. Il y avait un piano et chacun y alla de sa vieille romance. Tous infiniment sympathiques. 

Dans la seconde partie de mon activité, celle des violences avec préméditation, c’était toujours Vénus tout entière à sa proie attachée qui était le moteur de ces violences. Lors même que la victime était homosexuelle et recevait cent coups de téléphone par jour...sans se douter, disait-elle, de leur origine ! Monsieur Charnay et moi nous avions compris au bout  d’un quart d’heure.

 Monsieur Charnay réussissait toujours à conserver le masque le plus sérieux et il dactylographiait sans rire les déclarations les plus hilarantes mais je savais lire dans son regard la petite lumière qui signifiait combien il s’amusait !


J’eus ainsi à m’occuper de personnages éminents dans tous les domaines, je n’en dirai pas plus. Sauf que j’eus un jour devant moi un psychanalyste illustre, aujourd’hui décédé, le pauvre, qui était harcelé par une femme dont nous découvrîmes que c’était son avant dernière maîtresse, dès la première audition. Il ne voulait pas  croire à une telle ingratitude.

« la salooope ! la vaaache ! »

Je suggérai timidement qu’elle avait peut-être manqué de séances d’analyse. Mais l’affaire n’était pas résolue pour autant.

Rien ne put amener l’inculpée à renoncer à ses violences, surtout pas l’éventualité d’une comparution en correctionnelle ! Elle voulait être condamnée par ce “monstre” et crier à la face du monde toutes ses turpitudes. Et le psy me priait de retarder le renvoi à l’audience, il aurait été trop ridicule et le téléphone sonnait, sonnait...et personne n’y répondait !

Un jour il vint me dire enfin que tout était rentré dans l’ordre: je n’ai pu savoir pourquoi il

retirait purement et simplement sa plainte ; je lui fis une petite peur en lui disant que j’allais

 examiner avec le procureur si je pouvais conclure par un non lieu  sans qu’il fasse appel de mon ordonnance ou s’il fallait quand même  renvoyer l’affaire à l’audience …après tout le temps qu’Elle nous avait fait perdre! 

Sans doute avait-elle retrouvé sa place auprès du Maître ou fait une nouvelle analyse... .        

 Je travaillais la main dans la main avec un service des “Télécoms” que peu de gens connaissent: celui “des abonnés malveillants”. Il a dû perdre beaucoup de son activité depuis qu’il est facile de connaître l’origine d’un appel dans la minute qui suit celui-ci. S’il avait existé plus tôt, le petit Grégory ne serait pas mort ! 

J’eus encore à instruire de nombreuses affaires de menaces de mort par écrits anonymes, bien sûr et j’eus recours à des expertises d’écriture qu’il ne faut pas confondre avec la graphologie qui prétend pouvoir décrire le caractère du scripteur. Frappé par les discordances des avis des experts j’écrivis aux diverses sociétés d’experts en écriture pour leur proposer un test de crédibilité: les experts volontaires recevraient des spécimens à analyser: écritures déguisées, écritures imitées dont un jury connaîtrait l’origine. Un seul expert se manifesta pour se soumettre au test. C’était un jeune docteur ès sciences dont j’avais beaucoup apprécié les travaux lorsque je l’avais commis et il n’y eut donc pas de suite. Mais j’eus la satisfaction de voir que mon appel avait été publié dans la Gazette du Palais. Enfin j’avais ajouté à mon tableau la Gazette à l’Auto-Journal.

Alors que la graphologie n’est plus pratiquée qu’en France, l’expertise d’écriture est reconnue partout et présente un intérêt immense : je peux citer une affaire de menaces de mort où l’expert dont je viens de parler put affirmer qu’elles avaient été écrites par un jeune adolescent d’une douzaine d’années. L’enquête établit que la principale suspecte avait un fils de cet âge et tout fut rapidement solutionné !

A l’occasion des tours de garde et des remplacements, il nous arrivait d’avoir à instruire des affaires qui sortaient de notre compétence habituelle. J’en ai connu une si curieuse que je veux la citer: un jeune ingénieur pétrolier qui avait été envoyé au Moyen-Orient était tombé amoureux d’une princesse. Amours  partagées et bientôt la princesse le rejoignait en France. Pour leur malheur à tous les deux car quelques mois plus tard,  la princesse voulut rompre et l’ingénieur la tua alors qu’ils se trouvaient dans un appartement mis à leur disposition par un ami. C’est celui-ci qui découvrit la victime en rentrant chez lui et prévint aussitôt la Police. Dès leur arrivée les policiers le soupçonnèrent  et s’assurèrent de sa personne. C’était parfaitement légitime mais l’ami ne pouvait pas digérer ce qu’il prenait pour un affront.

Heureusement qu’en fouillant l’appartement, les policiers découvrirent l’ingénieur qui somnolait dans une autre chambre. Réveillé, il exprima un chagrin immense et des remords qui permirent de libérer son ami. Par moments cependant, l’ingénieur n’arrivait plus à s’exprimer et paraissait délirer. Etait-il saoul ? On lui fit boire du café fort, on le secoua, on lui versa de l’eau froide sur la tête. Après quelques heures d’interrogatoire entrecoupées de repos et d’un sandwich, il fut emmené au Commissariat et passa la visite médicale de droit. On remarqua une goutte de sang sous le menton ce qui conduisit à une radio de la tête et on découvrit qu’après son crime il avait tenté de se suicider et avait une balle de 22 L R dans la tête!

Depuis le matin il réussissait tant bien que mal à se déplacer et à s’expliquer. Il devait décéder dans la nuit. Maintenant, quand on me dit que quelqu’un s’est suicidé de deux balles, je dis que ce n’est pas impossible à priori et je demande avec quel calibre.


 Dans une autre affaire, je suis prévenu qu’un homme vient de tuer sa concubine d’un coup de fusil de chasse puis retournant l’arme, s’est tiré une cartouche de chevrotines dans le ventre, emportant la moitié de ses organes vitaux!. J’allai aussitôt à l’hôpital pour l’inculper bien qu’il fût inconscient et surtout le placer sous mandat et sous la garde d’un policier. En le voyant je pensai que j’aurais plutôt dû lui apporter les Derniers Sacrements mais ce n’était pas de ma compétence. Le chirurgien me montra complaisamment les radios et m’avertit que son diagnostic était réservé... Une ou deux semaines plus tard, surpris de n’avoir pas reçu d’avis de décès,  je pris des nouvelles: l’homme commençait à ouvrir les yeux. Encore quinze jours et j’eus l’autorisation d’aller le voir. Dès qu’il sut qui j’étais, il se mit à pleurer:”je suis un monstre, un assassin, tuer une femme pareille! J’aurais dû mourir! Je veux mourir!”. Un mois après j’allai le revoir “ vous savez, me dit-il, elle n’avait qu’un défaut, elle aurait fait battre des montagnes, tellement elle savait mettre en colère les gens.” Quelques semaines encore et il fut assez gaillard pour aller à l’infirmerie de la prison puis dans une cellule. “Vous savez, me dit-il la dernière fois que je le vis, en réalité c’était une salope...”

        De temps en temps nous recevions aussi de petites affaires. Les avocats disent volontiers qu’il n’y a pas de « petites affaires » mais seulement de « petits honoraires ». Elles nous étaient nécessaires pour nous permettre de sortir une affaire par jour ouvrable alors que d’autres duraient évidemment des mois. Je me souviens d’une affaire qui fit le tour du Palais.

Un jeune couple parisien avait eu la chance de trouver un appartement ancien : leur rêve ! Un défaut, combien mineur, la pomme de la douche était complètement rouillée et distribuait mal l’eau chaude. La jeune femme avait demandé plusieurs fois à son mari en lui pinçant affectueusement la joue de « faire quelque chose ». Bien sûr il était décidé mais n’en avait jamais le temps. Un jour pourtant il se décida à lui faire plaisir, peut-être sortait-il juste de ses bras. Il entra chez un plombier voisin et lui donna ses clés. L’artisan diligent se rendit aussitôt sur le chantier avant que la jeune épouse fût prévenue. La fatalité était en route, comme dans une tragédie grecque. Rentrant au foyer, la jeune épouse vit de la lumière dans la salle de bains et y entra sans faire de bruit. Elle crut voir son mari, perché sur un tabouret dans la baignoire s’acharnant sur la pomme qui ne voulait pas céder. Là où   « ai ek theon anagkai » le destin se noua, fut que le plombier portait un short trop court ou trop large et que dans ses efforts les bras levés il ne s’était pas aperçu que quelque chose dépassait qui n’aurait pas dû. Mue probablement par un réflexe ancestral inscrit au plus profond de son subconscient ou de son cerveau primitif voire reptilien, la jeune épouse fit silencieusement deux pas de loup et tira dessus pour faire une surprise à son mari. Sa réussite fut totale, l’homme poussa un cri, fit un bond et tomba, heurtant lourdement de la tête le bord de la baignoire. Il resta KO un instant puis essuya le sang qui coulait abondamment de son front ! Effrayée, la jeune femme appela les pompiers  qui arrivèrent presque trop vite : ils crurent indispensables d’emmener le blessé sur un brancard. L’exiguïté de l’escalier était telle qu’ils durent porter le brancard à bout de bras au dessus du vide. Malheureusement, ils  demandèrent au blessé comment l’accident était arrivé. C’était au quatrième étage. L’homme encore furieux le leur raconta sans négliger aucun détail. Au niveau du deuxième étage les brancardiers étaient pris d’un tel fou rire que le brancard se mit à rouler comme sur une mer démontée. A la fin l’un des brancardiers  plia les bras et la victime passant par-dessus la rampe  se brisa une jambe en touchant le sol !

La difficulté de cette affaire fut que tandis que le blessé déchaînait les rires chaque fois qu’il devait raconter ce qui était arrivé, à la Police, aux infirmiers, aux docteurs, au juge, la jeune épouse mourait de honte chaque fois qu’on lui posait la même question…et piquait une crise de nerfs !    

 

Je ne serais certainement pas parvenu à mener de front l’instruction et la recherche sans la compétence et le sérieux de Monsieur Charnay. Il était reconnu comme le meilleur greffier du Palais et c’était le plus précieux cadeau que m’avait fait la Présidente pour me faciliter les choses.

Je me souviens encore avec émotion -puisque Monsieur Charnay est décédé peu de temps après que nous ayons pris en même temps notre retraite- de la pause que nous faisions en buvant une tasse de thé bien sucrée quand les interrogatoires étaient terminés, avant de commencer les premières comparutions des nouvelles affaires du jour. Nos centres d’intérêt étaient les plus divers et les plus vastes : c’est lui qui me révéla tout l’intérêt des obligations convertibles et de certains fonds de placement.

Ma femme, à voir le peu de temps dont je disposais pour elle alors qu’elle le voulait en exclusivité et les sommes que je dépensais, car j’en étais venu à rémunérer du personnel pour collecter les données, crut longtemps que je cachais quelque liaison ! 

La criminologie était  bien la plus exigeante des maîtresses, mais quelles satisfactions, en accord avec la morale la plus exigeante et la garantie d’une vie privée au-dessus de tout soupçon!

Un jour je rencontrai un chercheur d’un grand institut qui avait été mon condisciple au lycée de Nice. Je lui demandai s’il était satisfait de ses résultats, il me répondit que fort heureusement pour lui, il était payé pour chercher et non pour trouver… Il n’était certainement pas le seul à penser ainsi! 

A la fin je m’étais pris au jeu et je poursuivis ma recherche avec passion tellement j’étais conscient de faire quelque chose d’important et de nouveau: fonder une science, fut-elle sociale et mineure, sans aucun prestige, et lui donner des bases solides ! Tant pis si ce n’était pas reconnu de mon vivant. Cela ne diminuait en rien mon enthousiasme et ma joie à chaque résultat nouveau. Je me rendais bien compte que chaque fois que je trouvais dans le comportement délinquant une constante, dans la proportion du nombre des délinquants au sein de la population, dans leur distribution, dans le renouvellement de leurs délits quelque corrélation, etc. je préparais la voie à une recherche génétique : non seulement j’apportai un fondement à la manière de les traiter mais encore, peut-être de les guérir !

Mes enfants et petits enfants en seront peut-être fiers un jour, comme leurs propres petits enfants seront heureux de faire couper dans deux cents ans les chênes que j’ai plantés. Je n’ai jamais été pressé. Ma Mère disait que même pour naître, j’avais mis quinze jours de plus que les autres. Depuis pourtant, je me suis toujours employé à être ponctuel. 


Il faut dire que le climat intellectuel n’était pas à mes idées et le moindre mot d’encouragement, par exemple celui de M. Boris Cyrulnik  me fut particulièrement précieux, comme aussi la double page que me consacra le mensuel scientifique “la Recherche”. Je fus infiniment fier et reconnaissant de la décision de cette grande revue scientifique française, d’autant plus, lorsque je constatai avec quelle minutie la conduite de mes statistiques, chacun de mes arguments, chacun de mes développements, chacune de mes hypothèses et leur vérification étaient analysés. Mieux que n’importe quel avis c’était la confirmation que mon travail était sérieux.

Je m’attendais à être un jour “le juge Fontaine, celui dont a parlé la Recherche...”  Il n’en fut rien et je n’ai pas encore compris pourquoi cet article passa totalement inaperçu dans le monde judiciaire et criminologique.  Si vous avez une idée là dessus, merci d’avance de m’en faire part. Peut-être que si j’avais écrit ou posé dans Play boy j’aurais été mieux connu. Vous l’avez compris, ce n’est pas mon genre.

Je dois aussi mentionner M. Fappani, directeur de l’important site web « arfe-cursus.com » qui ayant apprécié celui de la S.C.E. m’offrit de le joindre au sien, ce qui apporta à  « criminologie-experimentale.com »  un soutien important  .

Jusqu’à présent je ne puis comprendre que l’intelligentsia française ait pu se trouver à ce point unanime dans le rejet de mes propositions qui, elles,  étaient toujours confirmées par l’expérience, condition indispensable pour en assurer la valeur scientifique. Il faut savoir que c’est la même qui se ridiculisa dans l’affaire Sokal !

Comment expliquer que des revues, des journaux, des journalistes si divers dans leurs opinions n’aient jamais accepté de discuter, même pour les rejeter ensuite, les idées que j’avançais ?

J’allais même un jour rendre visite au rédacteur en chef de la revue “Esprit” qui était une des plus violentes contre la Justice. Avec précaution je ne sollicitai pas de rendez-vous pensant bien que je n’aurais pas eu de réponse. Je prétextai donc un passage dans les environs pour solliciter un entretien et tombai sur le directeur lui-même qui innocemment me reçut aussitôt.

C’était un petit homme chenu avec un collier de barbe grise et vêtu de noir comme un ecclésiastique.

Je ressentis vraiment ce jour là ce que ressentit Daniel quand il entra dans la fosse aux lions. Celui que je rencontrai était d’une autre trempe que les félidés qui se précipitèrent sur leur visiteur pour faire ami ami ! Il faut dire que mon interlocuteur paraissait porter un col dur cloué sur sa nuque et d’énormes sourcils.

Dès que je me fus présenté, il fut évident d’une part que j’étais connu de nom dans la maison et d’autre part que j’étais l’objet de toutes les détestations, que je représentais l’incarnation du Mal ! Rien de ce que je pus lui dire ne fut seulement écouté. Je crus sincèrement qu’il allait brandir un crucifix devant moi et prononcer les paroles sacramentelles. Devant lui, les Grands Inquisiteurs romains n’étaient que gentils enfants de chœur. Pour en finir je lui citai mes expériences et ma recherche statistique qu’il pouvait à tout moment refaire et vérifier. 

A la fin il me répondit “si l’expérience montre que ceux qui vont en prison récidivent moins que les autres, eh bien, c’est que l’expérience se trompe”...!  

Je repartis sans haine mais bien déçu en pensant que cet homme sans doute respectable par ailleurs en inspirait d’autres et que s’il l’avait pu il m’aurait fait brûler, au « petit feu » bien sûr pour que j’aie le temps de me repentir pour obtenir mon  salut ! Et c’est moi qui passais pour un bourreau assoiffé de peines de prison ! N’ayant heureusement plus  rien à craindre de ce côté je laïcisai le débat et le rabaissai au point de me dire que ne pas être reconnu par des imbéciles est un plaisir intense.

On ne peut nier pourtant que je proposais une application plus humaine de la loi que celle qui était faite quotidiennement,  par exemple en insistant pour que soit généralisé le sursis souvent refusé à des primaires (sauf évidemment dans les cas qui révélaient une dangerosité certaine), pour que les petites peines fermes qui ne servent à rien fussent supprimées, que je demandais une réforme profonde des prisons fondées sur la possibilité de faire travailler les détenus (pour leur permettre de dédommager, même symboliquement leurs victimes) ainsi qu’un prononcé plus fréquent de lourdes peines d’amende dans l’esprit de la loi plutôt que des peines de prison qui souvent ruinent un foyer et détruisent tout espoir de réinsertion. Que je proposais encore un statut de profession libérale (pour ceux qui croiraient que je plaisante, j’affirme que je suis tout à fait sérieux) pour les prostituées qui redeviendraient des courtisanes, des « personnes de compagnie » ou plus simplement (pourquoi avoir peur du mot comme de la chose ?) des “expertes du sexe”,  ou des “expertes en massage” avec diplômes, sécurité sociale, retraite, ordre de la profession, paiement par chèque accepté, qui auraient droit au respect comme n’importe quel travailleur ou travailleuse d’autant que d’après ce qu’on m’a dit, elles donnent beaucoup de leur personne. Bref je souhaite qu’elles soient traitées comme le fut Marie-Madeleine par Celui à qui elle avait apporté du parfum, etc. et en contrepartie une application déterminée de la loi dans toute sa rigueur aux proxénètes (à ma connaissance, jamais le maximum de la peine n’a été prononcé, tant s’en faut : il semble qu’ils bénéficient toujours de circonstances atténuantes pour réduire les peines qu’ils encourent !),  de manière que jamais une personne non consentante ne soit contrainte à exercer cette activité. Dernièrement j’entendais  un commissaire de police interrogé par un journaliste à propos d’une affaire de proxénétisme en bande organisée à l’égard de mineures, de plusieurs personnes juste arrivées de l’étranger avec emploi de contrainte et de manœuvres dolosives.  La peine la plus forte

prononcée  dans cette affaire avait été de douze ans d’emprisonnement. Et le Commissaire de déclarer « c’est magnifique, jamais je n’ai vu de jugement aussi sévère !» Or la peine prévue par le code dans ce genre d’affaire est de VINGT ANS DE RECLUSION ET DE VINGT MILLIONS DE FRANCS D’AMENDE  (avec peine de sûreté incompressible, donc sans remise de peine même pour bonne conduite…) Ne croyez vous pas que cette peine systématiquement prononcée aurait des effets plus rapides que des négociations avec les pays balkaniques ?

Je recommandais encore une médicalisation des drogues douces -à titre expérimental- etc. etc.

Et surtout que si, comme je le proposais, on allongeait les peines des récidivistes (à traiter dans le respect du droit du travail mais avec liberté de circulation restreinte), on ne tarderait pas à diminuer le nombre des victimes et celui des détenus.

J’ai montré que les multirécidivistes (correctionnels)  sont incarcérés en moyenne  huit fois, pour un total d’une dizaine d’années pendant leur période « d’activité » qui dure à peu près une vingtaine d’années. Cela montre mieux que n’importe quel raisonnement que les dispositions de la récidive sont absolument ignorées par les tribunaux actuels ! Si les récidivistes (voleurs, escrocs par ex. qui sont les délinquants les plus nombreux et encourent pour chaque fait de un à cinq ans) étaient condamnés selon la gamme suivante: un an avec sursis pour le premier délit, (soit le minimum) puis cinq ans à la première récidive (soit la moitié de peine encourue), enfin dix ans à la seconde, je pense que beaucoup ne dépasseraient pas la seconde étape…Sans oublier une solide amende ! Ce serait autant de gagné pour eux comme pour la Société. Quand j’écris « je pense », une fois de plus c’est une manifestation de ma modestie naturelle. En réalité l’expérience m’a montré à plusieurs reprises qu’il existe une dissuasion inspirée par un événement certain et prochain (j’en étais heureux puisque c’était le bon sens et le statisticien doit toujours se méfier quand ses résultats sont surprenants): ainsi, une peine de neuf mois avec sursis est plus dissuasive qu’une peine de trois mois d’emprisonnement ferme (suivie de moins de récidives), une condamnation avec sursis à un an d’emprisonnement donc non exécutée, assortie d’une solide amende, amène la « sortie de la délinquance » de 90% des personnes condamnées dont on n’entend plus parler.

Il est faux de dire que les peines n’inspirent aucune dissuasion : les personnes qui conduisent sans permis après plusieurs échecs se gardent bien de commettre la moindre infraction, même de stationnement !

Il faut que dès l’enfance toute personne soit avertie qu’aucune infraction ne doit être commise, que la sanction sera inévitable, rapide, qu’aucune excuse ne sera tolérée. Mais il faut que dans une organisation démocratique la loi  s’applique à tous, partout et  que si un jour elle  paraissait ne plus correspondre à la volonté de la majorité de l’opinion elle puisse être modifiée et de même s’il y avait un vide législatif : je vais citer deux exemples ;

-Les femmes souhaitaient maîtriser leur fécondité. Beaucoup avortaient clandestinement, elles finirent par en parler et par obtenir gain de cause.

- des Français refusent les OGM, doivent-ils pour autant détruire des cultures pour les voir interdites sans être sûrs qu’ils sont en majorité ?

Ne peuvent-ils manifester pour montrer leur nombre, faire la grève de la faim devant les établissements de restauration hâtive. Un referendum d’initiative populaire ne résoudrait-il pas mieux les problèmes ou  des lettres aux Elus en attendant que la constitution soit modifiée ? Je m’étonne que le Peuple français ne comprenne pas mieux quel progrès ce serait dans la voie pacifique de l’amélioration de son sort ! Pourquoi admet-il d’être bâillonné au point d’en être réduit, pense-t-il,  à faire la grève du travail, à casser des vitrines, voire à poser des bombes lorsqu’il estime ne pas être entendu?    

Je vais même aller plus loin : toute loi devrait être provisoire et confirmée ou modifiée, fût-ce par la voie du referendum après quelques années d’application. 

 

Dans la suite de cet essai j’insisterai sur la nécessité de revenir à une pratique de bon sens: une peine pour chaque délit: n’est-il pas anormal qu’un délinquant ayant commis vingt vols ou agressions ne soit condamné qu’une fois à la peine encourue et encore bien rarement au maximum. La peine pourra par la suite être tempérée ou suspendue,  l’individu pourra être gracié, mais il faut d’abord qu’il sache ce qui l’attend.

Les peines subies habituellement sont trop courtes pour dissuader de recommencer et surtout pour dissuader les nouvelles générations de les imiter. L’analyse des casiers judiciaires montre que les courtes peines “fermes”, non seulement ne dissuadent pas mais paraissent encourager à la récidive ! Ne parlons pas des mêmes peines avec sursis: autant de médailles en chocolat. Quand après une longue audience j’avais envie de fumer une cigarette, comme Monsieur Charnay avait abandonné cette détestable habitude, j’allais chercher un moment de détente lénifiante dans le hall du Palais où je pouvais bavarder quelques instants avec des avocats ou des collègues devenus des amis et me changer les idées. Combien n’ai-je pas vu de bras d’honneur de garçons qui sortaient de la salle d’audience, en direction ....c’était leur manière de remercier de tant d’indulgence !


En outre le séjour en prison de quelques semaines est absolument inutile: comment leur apprendre quoi que ce soit, fût-ce un métier ? Comment supporter de jeunes gaillards allongés tout le jour à préparer de mauvais coups pour leur sortie, à calculer ce que leurs “protégées” mettent de coté pour eux. Si la peine est plus longue, ils ne peuvent plus dormir la nuit tellement ils s’ennuient de ce manque d’activité alors que leur nature turbulente et souvent généreuse réclame de l’exercice ; alors on leur accorde tous les somnifères et anxiolytiques qu’ils demandent.

Mais l’opinion était formée à autre chose par les plus beaux esprits. Les Français qui ne pensaient pas comme les tenants de la Pensée Unique ne savaient pas faire autre chose que se taire. Ils étaient hypnotisés comme de pauvres petits oiseaux sans cervelle devant un serpent et se demandaient  dans quel monde ils étaient tombés!

Je ne vous donnerai que quelques brefs exemples:

Vous avez certainement remarqué combien la pédophilie secoue aujourd’hui les gens qui seraient prêts à aller lyncher les odieux personnages qui s’y abandonnent.

Dois-je vous rappeler que le fils d’un ancien ministre (ce dernier  finit par se suicider) du Général avait fondé une association tout à fait officielle et déclarée, pour la promotion de l’amour entre les adultes et les enfants?

Et encore récemment un auteur de romans construisit sa réputation et sa renommée qui étaient grandes -il était de tous les cocktails littéraires et les critiques le louaient en l’enviant- sur la spécialité qu’il s’était faite d’aller rechercher à la sortie des lycées des gamines de quinze ans dont il faisait ses maîtresses et qu’il rejetait -disait-il - dès qu’elles en avaient seize ... Je ne vous parlerai pas de ce philosophe qui ne voulait pas décevoir les ouvriers de Billancourt (qui se moquaient bien de lui et de son opinion) ni de son épouse qui était professeur: elle prenait volontiers dans son lit ses élèves qui étaient émerveillées de tant d’esprit et les repassait au philosophe quand elles avaient cessé de lui plaire...L’une d’elles qui se sentit frustrée, abandonnée, trahie par tout ce qui avait été son idéal et son amour en fit un ouvrage dont pratiquement personne ne parla et qui finit au pilon ! Oser critiquer les deux consciences de l’élite pensante ! C’était une gêneuse indigne, pour ne pas dire une em..., c’est tout.

Au moment même où je termine de relire cet essai, je trouve dans les programmes de télévision de la semaine l’annonce élogieuse d’un film qui raconte les amours d’une femme “mûre” (dit le critique : elle a 30 ans!) et d’un garçon de 13 ans...Il semble donc que lorsque c’est une femme qui s’intéresse à un jeune garçon elle ne soit pas pédophile mais initiatrice. De même j’ai découvert dans les ouvrages du professeur Cyrulnik que l’inceste “mère-fils” et même “mère-fille” est beaucoup plus fréquent qu’on ne le croit ...mais on n’en parle jamais. L’inégalité des sexes n’est pas toujours en défaveur du féminin. Ceci lorsque le délinquant est une femme. Lorsque c’est la victime qui est une mineure la condamnation est encore une fois plus sévère pour l’homme. On ne peut nier la composante génétique de ces comportements, dans l’appréciation morale comme législative.

 

 

 

Le désordre actuel montre la nécessité d’appliquer la loi et dans de nombreux cas de la moderniser.

 

Peu de temps après mon exposé au tribunal, sans qu’il y ait de relation entre les deux faits, une violente campagne se développa contre la détention provisoire par les juges d’instruction. Je profitai du bon accueil que mes collègues m’avaient réservé pour prier chacun d’eux de remplir un imprimé que j’avais préparé: il s’agissait de savoir dans quelle proportion les personnes placées en détention par mes collègues à l’occasion des cinq dernières procédures ouvertes à leur cabinet, auraient pu être jugées en flagrant délit.

Comme nous étions 80 cela faisait un bon échantillon aléatoire de quatre cents dossiers.

La réponse fut claire: quatre personnes sur cinq mises en détention par les juges d’instruction auraient pu être jugées sur des faits flagrants en comparution directe! De l’avis même des juges d’instruction !


Pourquoi ne l’avaient elles pas été ? Parce que l’enquête avait fait apparaître, outre ceux qui étaient flagrants, de nombreux faits punissables encore non parfaitement élucidés (il fallait par exemple retrouver les victimes du vol d’un briquet Dupont, d’une carte de crédit étrangère, d’un ouvrage précieux dédicacé, les complices etc.) et qu’il n’est pas d’usage en France de les dissocier. Comme il n’est pas d’usage non plus de libérer les suspects en leur proposant de payer une caution, le juge d’instruction n’a pas d’autre moyen de garder l’inculpé à sa disposition que de le placer en détention provisoire. Dés lors le détenu va s’employer à compliquer et à prolonger l’enquête car il sait que si la procédure (correctionnelle) n’est pas terminée dans les six mois, le détenu  devra être remis en liberté...C’est la loi!

Quand enfin l’heure du jugement sonnera, un autre usage jouera en sa faveur: il est rare qu’un tribunal remette en prison un inculpé libéré en cours de procédure. Il faut dire aussi que le dit inculpé qui avait vainement cherché pendant des années un travail qui lui convienne vraiment, quelque emploi sur mesure, en aura trouvé un - qu’il abandonnera le plus souvent le lendemain du jugement si tant est qu’il l’a jamais exercé - et produira des témoins qui attesteront qu’il est devenu un modèle de sagesse, de retenue, de tempérance...un véritable agneau frisé !

 Bien entendu, cela fit l’objet d’une lettre à tous ceux qui avaient critiqué le nombre des détenus en cours d’instruction. Je leur demandai s’ils étaient pour la procédure de flagrant délit, s’ils acceptaient d’imposer aux prévenus l’obligation de parler sous serment ou de se taire (ce qui est le seul moyen d’abréger les procédures), si enfin le système de la caution leur convenait. Pas de réponse. La seule explication acceptable, même si elle est dure c’est que tous ces gens n’avaient pas compris ce que je leur disais et  que c’est très inquiétant. Voilà des gens qui font l’opinion et refusent qu’on discute l’inspiration sacrée qui les habite, même si on leur prouve qu’ils sont mal informés !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- 3  LA DIFFUSION INCONSIDÉRÉE DES RÉSULTATS DU CNERP

 


Les travaux du CNERP auraient pu demeurer une tentative maladroite et erronée mais intéressante dans son but d’approcher le problème s’ils n’avaient été repris par M. le Professeur Léauté, directeur à l’époque de l’Institut de Criminologie de Paris, qui affirma d’ailleurs avoir participé à leur interprétation: alors que le rédacteur du CNERP concluait à “l’existence d’un lien entre la durée de la peine et le retour en prison”, lien qui pouvait être analysé très valablement comme une corrélation inverse, c’est-à-dire que plus la peine est courte, plus le nombre des récidivistes augmente, Monsieur le Professeur  Léauté a franchi alertement un gué dangereux en arrivant à établir un lien de cause à effet entre la prison et le retour en prison.

Succinctement, si on veut établir le rôle de la prison dans la récidive, il faut comparer le devenir des condamnés qui ont été incarcérés et celui de ceux qui ne l’ont pas été.

Pourtant, s’exprimant à France Culture, le Professeur Léauté déclarait  ” Je suis frappé par un chiffre qui a été publié officiellement et que j’ai d’ailleurs contribué à analyser, ce chiffre indique que dans les prisons françaises, à l’heure actuelle, chaque fois qu’un juge condamne à la prison ferme deux délinquants, dans les dix années qui suivent, il y en a un sur les deux qui reviendra nécessairement en prison. Autrement dit,  notre Société,  telle qu’elle est actuellement, fabrique en partie ses propres récidivistes.”

Le raisonnement était peu convaincant car le professeur aurait aussi bien pu dire “un délinquant sur deux est sauvé par la prison et ne récidivera pas! “ C’est le problème bien connu du verre à moitié plein et du verre à moitié vide !

Dans un article de Sciences et Avenir, numéro spécial consacré au crime, il écrivait encore (je cite de mémoire): “La réaction sociale, par l’emprisonnement, se révèle elle même facteur complémentaire de  récidive criminelle”.

Et aussi, “quand je vois l’augmentation du nombre des délits, je crains que dans quelques années tous les Français ne soient devenus délinquants”.  Il semblait donc penser que chaque délinquant commettait un délit par an....

La faiblesse de l’enseignement criminologique comme celui de Monsieur Léauté est qu’il n’a probablement jamais vu un délinquant ni même un dossier d’instruction ! S’il l’avait voulu, je lui aurais montré avec plaisir des bandes de jeunes gens qui partaient tous les matins pour commettre une douzaine de cambriolages ! S’ils n’étaient pas contents de ce qu’ils avaient volé dans un appartement, ils ouvraient le réfrigérateur et lançaient sur les murs tout ce qu’ils avaient trouvé, oeufs, bouteilles de bière ou de vin, sauce tomate... Ce fut d’ailleurs ce qui les perdit.

Dans la même revue, M. Ph. Robert concluait un article par ces mots “enfin, comme on le sait, l’emprisonnement débouche sur la récidive et un cercle vicieux est bouclé”!.

Si je donne ces citations, c’est seulement parce que si je ne le faisais pas, on me dirait : «  mais non, le climat n’était pas tel que vous dites, vous avez fait un mauvais rêve ! « 

Rien dans le travail du CNERP, pris tel qu’il est, avec toutes ses faiblesses ne permettait de semblables conclusions. Nous sommes exactement dans ce que les mathématiciens appellent “l’algèbre molle”, c’est à dire celle où des concepts flous sont utilisés de manière imprécise: on étudie le comportement de certains délinquants  (sans s’assurer qu’il s’agit d’un échantillon valable) et on l’étend à l’ensemble de la délinquance, on constate une corrélation inverse et on en fait un lien de cause à effet...

Je ne peux citer toutes les interventions du même genre qui furent faites pendant ces années folles. J’affirme que toutes les stations de radio y ont participé, que tous les journaux et périodiques participaient à cette propagande !

Je pouvais ainsi écrire dans les Cahiers de la SCM :

”Je me suis longuement étendu, certains diront lourdement, sur les travaux du CNERP. Je pense que c’était tout à fait nécessaire car ils ont été répandus partout et il est maintenant admis comme une vérité première que la prison entraîne à la récidive. Plus une idée est simple, plus elle est frappante et il faudra sans doute des décennies pour que l’opinion en revienne...”

...     Dans un autre débat public à France Inter, M. Léauté donnait clairement le fond de sa pensée sur la question “la délinquance des récidivistes se distingue-t-elle de la délinquance d’occasion ?

“ C’est une question terriblement compliquée. Le hasard fait que j’ai achevé aujourd’hui même un cours trimestriel qui n’a été consacré qu’à ce problème.”


Un cours de faculté trimestriel peut rarement être résumé en quelques mots. Celui du directeur de l’Institut de Criminologie de Paris le pouvait:

“ Je pense qu’en réalité (reprit M. le professeur Jacques Léauté),  entre l’occasion qui fait le larron et puis le récidiviste, il y a un enchaînement de circonstances très complexe et qui ne permet pas de prétendre que l’animal humain récidiviste soit un autre animal humain que le délinquant occasionnel ou, je crois, que le juge ou le reste des citoyens... Quand je regarde le passé d’un récidiviste, je vois pour la plupart du temps qu’il a les mêmes caractéristiques que le passé d’un délinquant d’occasion et, j’ajouterai, la plupart du temps, les mêmes caractéristiques que le passé de celui qui n’a pas été délinquant du tout”.

Au cours du même débat, un avocat d’une certaine importance dans le milieu judiciaire intervint à son tour. C’était un invité de marque pour l’émission car on lui prédisait un bel avenir.

“ Je considère que virtuellement nous sommes tous des délinquants...On a procédé à une enquête dans les écoles anglaises, on est arrivé à ce résultat surprenant que 72 % des jeunes gens et des jeunes filles avaient commis au moins un acte délictueux... Ils donneront peut-être  des juges qui lèveront les yeux au ciel pour attendre l’inspiration divine...   Le véritable problème est qui est pris et qui n’est pas pris...” 

J’ignore ce que les étudiants ont retenu de leur cours trimestriel sur la récidive mais les  propos de l’avocat ne surprirent pas  les auditeurs, il était dans l’air du temps à défaut d’avoir un fondement scientifique.

J’espère qu’il ne m’en voudra pas si je vous confie d’expérience que lorsqu’un juge lève les yeux vers le plafond (qui lui cache le ciel et le soleil) c’est parce que la plaidoirie commence à lui paraître bien longue...

En entendant parler de criminologie personne ne s’attend d’ailleurs au moindre développement scientifique. Les lieux communs se succèdent avec plus ou moins d’humour, de sévérité, de faconde. Le public attend plutôt “les gaietés de la correctionnelle” ou “comment j’ai mis fin à la cavale de XY .l’ennemi public N°1”…

Auront-ils compris ce jour là, les Français, pourquoi la Justice ne leur donne pas toujours satisfaction, pourquoi elle leur paraît si lointaine de ce qu’ils attendent, pourquoi la délinquance augmente inexplicablement ?

Le jour où cet admirable et tellement enrichissant débat se poursuivait sur les ondes publiques,  il y eut comme tous les autres jours 20 ou 30 tués sur les belles routes de France et 500 blessés dont certains demeureraient profondément handicapés à vie, une dizaine de hold up, des viols de femmes qui revenaient de leur travail (pas dans le seizième mais dans les banlieues où  il faut traverser des terrains vagues pour rentrer chez soi), un ou deux enlèvements ou assassinats d’enfant par un pédophile récidiviste, une femme assassinée par son conjoint ou son amant, deux ou trois cents vols dans le Métro, une centaine de voitures volées, des milliers de chèques sans provision et d’énormes détournements ou escroqueries et abus de biens sociaux au préjudice d’entreprises nationales, etc.

Les victimes, elles,  n’avaient rien de virtuel.. Mais le  seul pôle d’intérêt de certains est constitué des délinquants. Cela encore est une disposition génétique.

Peu à peu les interventions directes devinrent plus rares. Un soir pourtant je fus invité à prendre un verre dans un café proche du Palais par Michel Drucker qui avait encore prié un de mes collègues de se joindre à nous.

 Enfin j’allais pouvoir m’exprimer... les auditeurs de RTL allaient en apprendre...

Michel Drucker nous demanda ce que nous pensions de la prison et me tendit le micro en me recommandant d’être bref pour lancer le débat.


Je répondis seulement que “ l’expérience montre que les délinquants qui ont été incarcérés récidivent moins que les autres et que pendant leur incarcération ils n’ont dérangé ni les tribunaux ni leurs éventuelles victimes. Mais que cela n’empêche pas d’envisager une modernisation des prisons pour permettre aux détenus de travailler pour dédommager leurs victimes et d’étudier.” 

Mon collègue ne fut pas long non plus: “la prison, dit-il, n’est pas une fin en soi, elle pourrit, elle amène à la déchéance, moins il y en aura, meilleure sera la Société. Il reprit même, je crois, la prophétie  de Victor Hugo: “chaque fois qu’on ouvrira une école, on fermera une prison”.

 L’expérience nous a montré que le poète n’a pas toujours raison: on a ouvert beaucoup d’écoles et pourtant on manque de prisons... Victor Hugo avec tout son talent, voyait grand mais faux.

Le débat était lancé, nous allions donc aborder le fond.

Michel Drucker reprit son micro “Chers auditeurs, vous avez entendu deux magistrats, le premier de l’ancienne école, qui ne semble pas avoir compris que les idées et les choses ont évolué et le second, de la nouvelle école qui n’hésite pas à rompre avec un passé révolu. A vous le studio…”

Je me rendis compte mais un peu tard que j’étais tombé dans un piège. Qui l’avait tendu ?

Je ne pense pas que c’était du grand journalisme.

Il y a une autre explication à ce débat avorté : Michel Drucker s’était-il rendu compte que j’étais le seul à avoir quelque chose de concret et de sensé à dire et avait-il voulu m’en empêcher ?

Il y eut l’épisode de la loi “anti-casseurs” qui fut vivement contestée et l’arrivée de Maître Badinter, au Ministère de la Justice. Un de ses premiers soins, semble-t-il,  fut d’adresser une circulaire aux magistrats “jusqu’à présent, nous disait-elle en substance, vous avez appliqué des lois (je n’ose répéter le mot !), maintenant tout va rentrer dans l’ordre...” Je la relus deux fois en me frottant les yeux et me rendis dans le cabinet voisin où je trouvai deux collègues hilares.

-« Vous avez lu ? On n’a jamais vu ça ! Qu’allons nous faire? »

- « Cool, mon cher Fontaine », me dit l’un d’eux. « Voilà ce que nous allons faire. »

Et prenant la circulaire entre le pouce et l’index comme avec une pincette, il la laissa tomber dans la corbeille...et ajouta: « Question réglée... »

J’essayai faiblement de protester -”Mais c’est le Garde des Sceaux...”  Trop tard, ils en étaient revenus à l’histoire qui les faisait tellement rire et qui n’était même pas, comme je l’avais d’abord cru, la circulaire...

 

Il était désormais admis que la prison était un pourrissoir. Cela, semble-t-il, arrangeait fort bien les députés de la Nation qui n’avaient plus besoin de rénover des bâtiments qui seraient bientôt détruits. De même, beaucoup plus tard, le projet de “centres fermés pour mineurs récalcitrants” fut repris pour être aussitôt abandonné. Assez de répression !

Je dois mentionner qu’à cette époque- je suis incapable d’être plus précis car tout cela me paraissait anecdotique et bien loin d’être un jour le thème majeur d’élections importantes et surtout de ma part l’objet d’un essai littéraire- une expérience originale fut conduite par le Ministère de la Justice, honnêtement je ne sais plus quel était le Ministre.

S’agissait-il d’inventer une nouvelle prison ou un centre fermé qui serait enfin agréé par les associations d’usagers et consommateurs ?

Qui était l’auteur de ce projet ? On n’eut guère le temps de s’en inquiéter car l’expérience fut brève, comme vous l’allez voir.


Les crédits ne manquaient pas et une belle maison bourgeoise de la banlieue sud de Paris  fut aménagée en “home” pour jeunes célibataires masculins qui avaient eu maille  à partir avec le Procureur. Tout aurait peut-être changé s’il avait été mixte. On avait prévu un service  correct, une cuisine soignée; les chambres étaient gentiment aménagées;  l’originalité pourtant n’était pas là. Ce qui distinguait cet établissement parmi tous les autres, c’est qu’il était inspiré tout droit de l’abbaye de Thélème de Rabelais. Au-dessus de la porte d’entrée, on eut pu écrire sans exagérer “FAIS CE QUE VEUX” car le règlement directement inspiré de la philosophie de 1968, se réduisait au slogan bien connu “il est interdit d’interdire”. Les éducateurs, car il y en avait, sans doute pour noter les progrès de leurs commensaux, ne devaient en aucun cas leur donner d’ordres ni même les critiquer.

 La pension était gratuite, mais les jeunes pensionnaires n’avaient aucune obligation de prendre leurs repas ou de rentrer pour trouver un juste repos après des activités dont on ne voulait rien savoir. Avaient-ils passé la nuit en prière pour un monde meilleur, avaient-ils visité des amis, peut-être des associés à la rue St Denis pour se joindre à leurs dévotions ou faire des comptes, étaient-ils allés en banlieue pour retrouver leurs racines voire leurs ailes?

Tout ce qu’on voulait savoir c’était si la prison ainsi conçue pourrissait encore et si possible, si elle leur plaisait.

 Elle n’eut pas le temps de pourrir quiconque. Indignés qu’on ait seulement pu imaginer qu’ils allaient se laisser convertir par un confort bourgeois, lassés de tant de prétendues bonnes manières qui ne cachaient -pensaient-ils- que de mauvais sentiments, les jeunes gens placés dans ce centre pour le moins aéré, y mirent le feu... et l’expérience prit fin sans bruit. Pourtant elle était concluante. Bien sûr, on avait dépensé beaucoup d’argent (qui aurait pu servir à rénover une prison) pour démontrer qu’une prison doit être fermée, que les délinquants doivent travailler pour dédommager leurs victimes et d’une manière ou d’une autre doivent être amenés à regretter ce qu’ils ont fait et prendre de bonnes résolutions, mais on préféra étouffer l’affaire.

Les plus hautes consciences nous avaient dit qu’il fallait supprimer la prison, c’était admis. 

Dommage car c’était la première fois que la Criminologie ministérielle devenait expérimentale. 

 

 

 

 

-4 LA DISPARITION DE LA PEINE DE MORT

 

 

 

Un nouveau combat commença en 1981, celui de l’abolition de la peine de mort.

Je trouvais d’abord profondément anormal de procéder à cette suppression sans consulter le Peuple par un referendum. On a dit que c’eut été contraire à la Constitution: je constate qu’on a modifié cette dernière sur des sujets beaucoup moins importants. 

J’étais contre cette suppression, comme 70 % des Français mais pour des raisons différentes:

- à ceux qui disent qu’elle n’est pas dissuasive, je réponds que rien ne dissuadera les criminels endurcis, que c’est la peine la plus douce qu’on puisse leur appliquer, car si on cherchait des peines dissuasives... 

- A ceux qui disent que la mort de l’assassin n’apportera rien aux victimes ou à leurs familles, je réponds que c’est faux, que l’assassin doit une vie, que c’est un sentiment très fort chez les parents des victimes et qu’on n’a pas le droit de les en priver. Je faisais remarquer que je n’ai jamais entendu les “abolitionnistes” avoir un mot de compassion pour les victimes, même du bout des lèvres et que lorsque un crime affreux est révélé, ils ne manquent pas de disparaître pour ne pas avoir à s’expliquer...

Mais surtout il me parait que c’est prendre le problème à l’envers : il faut lutter contre la mort injustement infligée,  contre toutes les morts et d’abord celle donnée à des innocents,  en luttant contre le crime, ce qui est tout à fait possible et la peine de mort disparaîtra d’elle-même faute d’objet.

Supprimer d’abord la peine de mort c’est admettre que l’assassin a sa place dans la société comme le carnivore autour des troupeaux d’herbivores.

J’essayai de participer aux débats, d’envoyer des questions. En vain, la pensée unique était partout et elle était pour l’abolition .Des amis m’ont affirmé que j’ai eu tort de ne pas cacher, dès que je me suis intéressé à la criminologie que j’étais partisan du maintien de la peine capitale parce que je la trouve plus humaine que la peine à perpétuité qui écarte définitivement le coupable de la Société. Quant à punir de 15 ou 20 ans la mort volontairement donnée, fut-elle unique et celle d’un vieillard, c’est inadmissible: il y a trop d’exemples de récidive chez ceux qui sont capables de tuer.


“Vous avez eu tort”, me disent mes amis, “car une telle position inspire l’horreur à l’Intelligentsia: il n’est plus admissible de soutenir un tel point de vue...Il est contraire aux conventions européennes, etc. etc.”. Il y a donc une censure tacite en France, une censure qui n’ose pas dire son nom et qui explique le silence de ceux à qui je m’adressais. L’opinion de soixante dix pour cent des Français est tenue pour nulle. Bien mieux, ceux qui la défendent en présentant au moins des raisons pertinentes sont qualifiés de mauvais et n’ont droit qu’au mépris. Et encore, faut-il souligner  que certains purent invoquer les Saintes  Ecritures. Je me souviens qu’un religieux, le R.P. Bruckberger le fit. Que n’ai-je depuis le début de ma réflexion constitué un dossier !

C’est quand même le fait d’une curieuse démocratie que seuls certains aient le droit de s’exprimer !!!

Car les adversaires de la peine de mort n’ont aucun argument rationnel à faire valoir, seulement des positions sentimentales.

Leur raisonnement est radicalement anti-démocratique: avant 1981, la peine de mort existait dans le Code Pénal mais elle n’était nullement obligatoire. Elle était très rarement prononcée et quand elle l’était, le plus souvent le Président de la République la commuait en peine d’emprisonnement à perpétuité qui en fait durait rarement plus de dix huit ans. Rien n’empêchait les adversaires de cette peine de poursuivre une campagne comme les partisans de l’avortement.  Lorsqu’ils seraient devenus assez nombreux dans le Peuple, s’ils le devenaient un jour, la peine capitale s’éteindrait d’elle même n’étant plus prononcée par les jurys...

Cela ne suffit pas: il fallait interdire la peine, contre la volonté du Peuple. Une fois de plus le Parlement montra qu’il ne représentait nullement l’opinion nationale. Cependant la protestation fut si forte que les élus se rattrapèrent aussitôt en votant des peines de sûreté de vingt à trente ans que tout jury peut maintenant prononcer en complément de la peine à perpétuité.

Ce n’était pas le résultat espéré et un nouveau combat a commencé pour la suppression de ces peines... 

 

La meilleure attitude pour que la peine de mort puisse être supprimée dans le consensus de toute la Nation, n’est-elle pas la lutte contre le crime ? Y a-t-il une peine de mort plus injuste que celle d’un innocent auquel on n’a rien à reprocher, même par erreur ! Un innocent dont le seul tort est d’avoir été choisi par un tueur ou un violeur ?

 

On vient seulement de découvrir que les victimes pourraient aussi bénéficier d’une aide, judiciaire, psychologique, matérielle...quand elles ont survécu, en tout cas leurs proches! Enfin ! Mais surtout qu’elles ne s’imaginent pas qu’elles peuvent intervenir pour réclamer un châtiment ou se plaindre que la peine prononcée est trop faible. Alors les victimes en sont réduites à dire « nous ne crions pas vengeance, non, non. Nous voudrions seulement que cela ne se reproduise jamais… »

Seule la recherche, qu’elle soit statistique, génétique, psychologique permettra peut-être  de guérir, sinon de prévenir les assassins (les seuls concernés par la peine de  mort). C’est cela que les “abolitionnistes” devraient réclamer, plutôt que le raccourcissement des peines de prison infligées à des assassins ou subies par des innocents.

Pour en revenir à la propagande contre la peine capitale,  il y eut là encore, de bons moments ! Un jour je relevai dans Le Monde la lettre d’un lecteur qui citait Néron! 

J’ai encore la coupure du journal que j’avais détachée pour la faire encadrer, mais je ne citerai pas le nom du lecteur car il a peut-être changé d’opinion.

Parmi les abolitionnistes convaincus, oui , l’empereur romain qui avait tué son frère Britannicus avec des champignons des bois soigneusement choisis, sa femme Poppée, enceinte jusqu’aux yeux,  à coups de pieds dans le ventre, sa mère Messaline en l’assommant à coups de rames pour la noyer, son précepteur Sénèque pour une mauvaise note, Octavie son épouse pourtant déjà répudiée,  des dizaines de sénateurs et leurs épouses qui avaient rechigné à se prostituer devant lui (c’était son choix), des milliers de chrétiens crucifiés et enflammés vifs pour éclairer la route de Véies et tant d’autres encore avant d’incendier Rome!

“ Comme on lui présentait à la signature un décret de condamnation à mort (raconte le lecteur du Monde), Néron soupira, leva les yeux au ciel pour y trouver l’inspiration et finit par confesser : comme j’aimerais ne pas savoir écrire!”

Même Néron était contre la peine de mort. ! En face d’un tel spécialiste,  il est évident que je ne fais pas le poids.

Ce qui m’avait le plus surpris ne fut pas la lettre du lecteur (à moins qu’elle ait été une galéjade au second degré, le correspondant étant du Var) mais l’inconscience des rédacteurs du Monde à publier un pareil “scoop”. Et les Khmers rouges de Pol Pot, dont il était souvent question à l’époque, étaient-ils contre la peine de mort?     


Je peux ajouter que j’ai acheté très cher une interview de Madame Corleone…            Bien sûr, c’est une fervente admiratrice de tous ceux qui sont contre la peine de mort. Mais ses réponses étaient tellement cyniques, odieuses, méprisantes que j’ai renoncé -provisoirement- à la publier !       

Sans y manquer j’écrivis à tous les journaux, tous les médias: jamais je n’eus de réponse: la pensée était unique, elle était pour la suppression de la peine de mort.

 

        A cet instant, je dois vous faire, Cher Lecteur encore virtuel, une confidence.

Cet essai n’aurait jamais été écrit sans les encouragements et la participation effective de mon épouse Sophie, Anne, Joigny. Très logiquement et j’ose dire honnêtement je lui proposai donc, respectueusement quand il fut terminé, de le signer avec moi. Elle allégua diverses raisons pour refuser et bientôt je compris qu’il ne s’agissait que de prétextes, qu’en vérité elle était résolument contre la peine de mort. Après réflexion je lui expliquai qu’il m’était difficile d’adresser notre manuscrit à un éditeur en supprimant mes convictions sur ce problème, qu’il me paraissait plus honnête qu’elle puisse librement exprimer son point de vue à coté du mien. Je pense que les lecteurs sont assez grands pour forger leur propre conviction. J’en reviens toujours au même point : ce que je souhaite c’est de m’exprimer, d’essayer de me faire entendre, sans pour autant empêcher les autres de parler.

 Je me permets de signaler que mon opinion sur la peine de mort diverge totalement de celle de mon époux.

 

Oter la vie de quelqu’un me semble être un acte abominable ; répondre à cet acte abominable par un même acte me semble encore bien pire. En effet, nous sommes sensés appartenir à une société civilisée régie par des lois et une morale qui ont été longuement mûries depuis nos débuts sur terre. Nous sommes donc sensés mettre une distance convenable entre nos émotions et nos actes. Laisser subsister la peine capitale c’est non seulement accepter de se laisser gouverner par ses émotions notamment la vengeance mais encore se rendre complice d’un meurtre prémédité !!! En effet, combien de temps s’écoule-t-il entre une condamnation et une exécution ?

D’autre part, il y a dans les différents rituels d’exécutions capitales à travers les sociétés un indéniable côté pervers et sadique. Il y a quelques années, je suis tombée par hasard dans un livre d’ethnographie sur la photo d’un condamné à mort déjà à moitié découpé et  dont on faisait durer le plus longtemps possible le supplice à coups de drogues. J’avoue que cette image m’a bouleversée comme me bouleverse l’idée de décider froidement de l’exécution d’un être humain aussi monstrueux paraisse t-il.

Nos sociétés dites civilisées se doivent de trouver des réponses raisonnées face aux meurtriers .Il n’est pas question ici de laxisme, mais simplement d’humanité.

Justement, plutôt que de se creuser la cervelle pour inventer diverses machines, guillotine, chaise électrique, injections létales …j’en passe et des meilleures pourquoi ne pas réfléchir à des condamnations qui permettraient aux criminels de payer au moins symboliquement une partie de leur dette envers la société : par exemple condamner un assassin d’enfant à fabriquer des jouets pendant sa peine …

Et pour finir, ne me parlez pas d’exceptions comme assassinat d’enfants ou de vieillards. Tout crime est abominable mais la réponse au crime se doit elle d’être humaine.

 

 

     

- 5  QUAND LA GENETIQUE EST UNE MARÂTRE : LE TROUBLE DES ANNEES 70-80

A cette époque,  je fus invité à faire un exposé devant une petite société de pensée par un avocat qui appréciait mes analyses. Pendant le “pot” qui suivit, un des assistants me dit “Mais enfin, comment expliquez-vous l’attitude de ces chercheurs qui ayant connaissance de leurs erreurs -car ils ne peuvent les nier et n’essaient même pas- y persistent par leur silence! »...J’aurais pu répondre avec un mot bref ou dire que persévérer est diabolique mais je préférai m’en tenir aux termes mêmes de mon exposé: “je pense tout simplement que la génétique a été une marâtre pour les chercheurs du CNERP,  il n’y a plus rien à faire..”.

Deux jours plus tard, par porteur spécial, je reçus à mon cabinet une lettre de je ne sais plus quel directeur du Ministère qui m’écrivait en substance “trop, c’est trop ! Il m’a déjà été rapporté des propos que vous avez tenus sur les chercheurs du Cnerp où la dérision se mêle au persiflage. Je pense qu’il suffira que je vous signale que ces chercheurs appartiennent à la Cour de Cassation “.

Je répondis le jour même en substance que « je prenais volontiers acte de ce que les travaux du CNERP n’étaient pas une erreur mais un canular très réussi de la Cour de Cassation qui ne nous avait pas habitués à de tels jeux,  que je pensais néanmoins qu’il serait temps de le faire savoir car trop de gens dont moi-même ne l’avaient pas compris et je l’assurai de mes sentiments respectueux à l’endroit de notre plus haute juridiction. Et j’en profitai pour résumer tous mes travaux dont le directeur n’avait peut-être pas eu connaissance et qui me paraissaient tellement plus importants… J’ajoutai qu’ils étaient cardinaux ceux qui ne voyaient rien dans la lunette de Galilée.” Je n’en entendis plus jamais parler.

Si au lieu de céder à ma fougueuse « jeunesse », pour répondre sur l’heure, j’avais attendu le lendemain, je me serais aperçu en y réfléchissant qu’il ne pouvait y avoir des conseillers à la Cour de Cassation détachés au CNERP.. Qu’ils avaient sans doute bénéficié d’une flatteuse récompense pour leurs travaux statistiques. J’aurais pu faire mine de m’étonner que mon correspondant ne me donne pas les noms de ces conseillers, notamment de celui qui avait trouvé que la famille est criminogène ! Avaient-ils besoin de se cacher derrière un directeur pour être défendus des attaques verbales d’un juge d’instruction ? Mais jamais je n’avais voulu faire de cette affaire un différend personnel et les choses en restèrent là.  

 

Un autre fait mérite sans doute d’être cité pour montrer quel était le trouble des esprits dans ces années soixante dix à quatre vingts.

Un journal fit état un jour de l’attribution d’un prix littéraire au Docteur Roumageon.

Celui-ci était médecin et avait été inscrit sur la liste des experts ”psy” auprès des tribunaux. Son ouvrage était intitulé “Ils ne sont pas nés délinquants”. . L’auteur, après avoir mentionné qu’il a été désigné six mille fois (6.000) par des magistrats pour examiner des délinquants, déclare qu’il n’en a pas vu deux semblables. Sans insister autrement, il ajoute qu’il ne partage pas l’avis des “magistrats mathématiciens” qui croient pouvoir faire entrer les criminels dans des équations ou des courbes.

Je ne connais qu’un magistrat mathématicien contemporain (si peu, hélas, mais le second après Fermat, encore que pour tromper l’ennemi j’aie toujours un Diophante à mon chevet: on s’amuse comme on peut!) mais cela n’exclut pas qu’il y en ait deux ou trois encore plus ignorés et obscurs et surtout plus silencieux que moi. Si cette hypothèse se révélait exacte et qu’ils viennent à me lire, je les inviterais sincèrement à prendre contact avec moi et nous pourrions unir nos efforts pour donner un fondement scientifique à la criminologie.

Et après tout, le docteur a bien le droit d’avoir son opinion sur le sujet. On doit quand même remarquer qu’il n’a guère fait avancer la connaissance du sujet.

Car le livre tout entier, très agréable à lire, se consacre à égrener plutôt les souvenirs de l’auteur sur les délinquants qu’il a rencontrés qu’à présenter une thèse sur l’origine de la délinquance annoncée pourtant par le titre. Nous ne saurons jamais pourquoi le bon docteur pensait que les délinquants qu’il a rencontrés n’étaient pas nés délinquants.


C’est le Président du jury ayant attribué le prix qui explicita la différence entre le titre et le contenu de l’ouvrage: “Si nous avons décerné le prix au docteur, révéla-t-il au cours du cocktail qui suivit la réunion du jury, c’est que le docteur a eu le courage de dire qu’il ne savait rien! 

Ma première réaction fut que si on se mettait à distribuer des prix à ceux qui ne savent rien et parce qu’ils ne savent rien, on n’avait pas fini. A la réflexion pourtant il me parut que c’était plus souvent le cas qu’il ne paraissait.

J’ignore si le bon docteur -qui n’était pas un homme désagréable, loin de là à ce qu’on m’a rapporté- fut satisfait ou s’il trouva à son prix un goût amer.  Les magistrats qui l’avaient désigné six mille fois, furent-ils seulement étonnés ?

Le docteur Roumageon avait dit la vérité et le président du jury aussi. C’était d’ailleurs ce qu’avait fait encore le professeur Léauté  (tous deux étaient assurément des hommes honnêtes et courageux sinon téméraires à l’encontre des chercheurs anonymes du CNERP), quand il avait résumé en quelques mots son cours trimestriel de Faculté sur la différence entre la délinquance primaire et la récidive:

“ Je pense qu’en réalité, entre l’occasion qui fait le larron et puis le récidiviste, il y a un enchaînement de circonstances très complexe et qui ne permet pas de prétendre que l’animal humain récidiviste soit un autre animal humain que le délinquant occasionnel ou, je crois, que le juge ou le reste des citoyens... Quand je regarde le passé d’un récidiviste, je vois pour la plupart du temps qu’il a les mêmes caractéristiques que le passé d’un délinquant d’occasion et, j’ajouterai, la plupart du temps, les mêmes caractéristiques que le passé de celui qui n’a pas été délinquant du tout”. On peut regretter seulement que cette vérité ait été emberlificotée dans une phraséologie bien étrange: que vient faire là dedans l’animal humain ? Certes l’enchaînement des circonstances lui a paru très complexe, fallait-il aller jusqu’au salmigondis?

N’aurait-il pas été plus simple et sincère de dire. ”Tout cela m’a paru très compliqué, je n’y ai rien trouvé de significatif”. Qui aurait pu lui reprocher quoi que ce soit? Depuis près d’un siècle que la criminologie est enseignée, rien d’important n’a été trouvé. Le Professeur Lumbroso avait frôlé la solution en analysant des classes entières de soldats italiens mais il s’en était tenu à leurs caractères visibles. Il en était bien excusable puisque la génétique n’avait pas encore vu le jour. 

Ceux qui ont préparé la loi Berger n’étaient sans doute pas des professeurs de criminologie mais des magistrats qui ont péché par modestie ...et surtout de bons statisticiens puisqu’ils ont su passer outre et sans chercher la cause, trouver que certains, les récidivistes, se conduisent autrement que les autres hommes.

Cette découverte a inspiré une nouvelle rédaction du code pénal français en distinguant les « primaires », les «récidivistes » et les « multirécidivistes ». Cette distinction parait bien oubliée : la relégation des multirécidivistes a été supprimée, l’aggravation des peines en cas de récidive n’est pas « toujours »  appliquée par les tribunaux et même, c’est symptomatique, l’inventaire des délinquants établi encore aujourd’hui par le Ministère de la Justice sur son site WEB établit la distribution des délinquants en fonction de l’âge (ce qui est intéressant notamment pour distinguer  les mineurs des majeurs)  mais non en fonction de leur état de délinquants primaires ou récidivistes. Si cette recherche avait été faite et que je n’aie pas su la trouver sur le site web du ministère, j’en fais par avance amende honorable !

La force d’inertie des esprits est quelque chose d’immense et on aurait tort de ne pas vouloir en tenir compte. Dois-je le rappeler, la loi Berger date de 1881 et le Ministère de la Justice a eu officiellement en mains ma théorie générale de la délinquance, de la récidive et des peines depuis 1974 ! Pour mémoire j’y établis notamment que plus de la moitié des crimes et délits et les plus graves sont commis par les récidivistes ! N’y avait-il pas là tous les fondements nécessaires et suffisants pour fonder une politique pénale et pénitentiaire ? Ou, en tout cas, pour vérifier cette théorie et peut-être en tirer quelques conséquences ?  

   

On peut quand même se demander si un cours trimestriel de faculté est nécessaire pour dire qu’on ne sait rien du sujet !

L’erreur de ces deux hommes distingués, le professeur et le docteur, était sans doute de même nature : cherchant l’origine de la propension à la délinquance, ils examinaient le passé du délinquant   postulant ainsi inconsciemment que cette propension est acquise ! Ils avaient donc parfaitement raison de dire qu’ils n’avaient rien trouvé mais leur conclusion aurait dû être différente : si le caractère délinquant n’est pas acquis, il est peut-être inné !  Il me fut ainsi donné de le montrer.

Les paroles de l’avocat qui l’accompagnait  étaient peu différentes dans le fond de celles de son acolyte (je précise tout de suite, au sens religieux du terme “servant du prêtre à l’autel”),

“ Je considère que virtuellement nous sommes tous des délinquants...On a procédé à une enquête dans les écoles anglaises, on est arrivé à ce résultat surprenant que 72 % des jeunes gens et des jeunes filles avaient commis au moins un acte délictueux... Ils donneront peut-être  des juges qui lèveront les yeux au ciel pour attendre l’inspiration divine...   Le véritable problème est qui est pris et qui n’est pas pris...” 

En se plaçant dans un monde virtuel, “qui n’est pas réalisé, qui n’a pas d’effet actuel, potentiel, théorique” dit le Larousse, voulait-il dire que chacun de nous peut devenir délinquant ? Mais comment avait-il établi cette conviction ? En se fondant sur la statistique anglaise qui l’avait lui même surpris? L’expérience quotidienne montre que nombre de nos concitoyens n’ont pas violé ni tué: cela se saurait...

Il déplace ensuite le problème : nous sommes tous des délinquants, mais nous ne sommes pas tous pris, donc sur tout individu non poursuivi pèse une présomption de culpabilité, la présomption d’innocence étant évidemment réservée à ceux qui ont été inculpés! Il ne déclare pas  qu’il n’a rien trouvé, il conclut que la délinquance n’est pas le propre de quelques uns mais de tous.

Faisait-il du paradoxe? Etait-ce le lieu et le moment? Dans la bouche de Raymond Devos de telles paroles n’auraient pas eu le même sens ni surtout le même poids..

Peut-on imaginer un physicien déclarant “dans un monde virtuel tous les atomes se désintègrent spontanément”. Ses collègues lui répondraient “ Cher Collègue et néanmoins Ami, nous avons établi que dans un monde réel, celui où nous exerçons nos talents, seuls certains isotopes bien connus aujourd’hui  sont  instables. Même dans un monde virtuel, le plomb ne se désintégrera pas...


Un recensement rapide malgré la faiblesse de mes moyens matériels m’avait permis d’établir que quatre vingt cinq pour cent des français n’avaient au cours de toute une vie, jamais été condamnés. Que quelques uns soient passés à travers les mailles de la Police, c’est possible mais difficile, alors qu’il est établi que trois pour cent ont été pris plusieurs fois! Vraiment pas de chance! Peut-on affirmer sérieusement quelque chose qu’on ignore, simplement sur la foi d’une impression alors qu’on se pose ou en tout cas qu’on est pris pour un spécialiste?

J’ai cité quelques exemples d’interventions qui me choquèrent vivement parce que j’avais eu le temps de les enregistrer ou de les découper. Ce que je suis incapable de rendre car il aurait fallu passer son temps à l’écoute des émetteurs de radio ou de télévision, toute la journée, c’est le nombre des intervenants, tous dans le même sens, chacun apportant chaque jour sa pierre: un véritable matraquage, une absolue  propagande totalitaire. On le vit bien à la fin quand le gouvernement de Monsieur Jospin décida de faire construire les centres fermés pour mineurs et que certains, toujours les mêmes le décidèrent à y renoncer : “c’est le chômage qui est la cause de la délinquance, il suffira de faire baisser le chômage !!!”

Proposition radicalement fausse, bien sûr, mais combien outrageante pour les chômeurs ! J’ai souvent relevé que la proportion de délinquants et de criminels est la même chez les riches et chez les pauvres, chez les intellectuels et chez les manuels mais les premiers sont moins nombreux donc moins visibles. Je pourrais citer un duc qui tua la duchesse pour épouser la gouvernante de ses enfants, de même un professeur d’éthologie (tiens, tiens) qui en fit autant puis enterra sa victime dans le jardin avant d’aller à un congrès à Rome avec sa maîtresse qu’il fit passer pour son épouse, un nobélisable qui…ne parlons pas des rois ou des chefs de gouvernement qui massacrent non seulement leurs parents, leurs amis, leurs rivaux et leurs proches en général mais des peuples entiers ! Mais évidemment on a peu de risque de se faire agresser dans le Métro par un avionneur et l’agression est le risque le plus quotidien et le moins supportable dans une société civilisée.

 Ce genre de déclaration venait sur le fond tout à fait particulier de la politique du ministère de la Justice. Au début j’avais cru sincèrement que c’était seulement une propension à se contenter de “l’algèbre molle” dans laquelle on ne définit pas très bien ce qu’on cherche et où on se contente d’arriver à n’importe quoi, par exemple la famille criminogène ! Mais oui, je le répète, c’est un des résultats -jamais démentis-  obtenus par le CNERP émanation du ministère de la Justice et auquel ne crut pas devoir répondre le ministère de la famille ni aucune organisation concernée. A croire que personne ne prend le ministère de la Justice au sérieux ! Ou plus probablement ne le lit !

Si cela avait été publié dans un journal satirique, il n’ y aurait rien eu de grave et j’en aurais bien ri le premier. Mais dans les travaux du Ministère de la Justice, sous une belle reliure gris bleu...

Je vais en donner un nouvel exemple après celui du CNERP.

L’Opinion publique fut un temps émue par le fait que quelques « grands » délinquants, parfois réputés dangereux, avaient bénéficié de permissions de sortie pour un ou plusieurs jours et en avaient profité pour s’éloigner ou commettre quelque nouvelle infraction grave au risque de décevoir les bonnes âmes qui leur avaient fait confiance!

Qu’à cela ne tienne, le Ministère sortit une statistique aux termes de laquelle le pourcentage d’échecs de ces permissions était vraiment très faible, infime! C’était bien simple, les « statisticiens » du Ministère avaient totalisé dans une seule rubrique, toutes les permissions accordées, même à des détenus pour courtes peines ou en fin de peine qui présentaient un contrat de travail, en sorte que les échecs des permissions aux détenus dangereux qui se comptaient sur les doigts d’une main devenaient en pourcentage absolument  négligeables : de quoi vous plaignez-vous? 

Globalement, le nombre d’échecs est très faible, c’est exact, mais ce qui était demandé, c’était quel est le taux d’échec des permissions aux délinquants dangereux, qui est tout à fait différent et redoutable dans ses conséquences !

C’est toujours le même problème : un délinquant est un délinquant, qu’il ait tué, volé, qu’il se soit exhibé, il sera traité de la même façon, il aura droit aux mêmes permissions. N’est-il pas désolant de constater le retard de la criminologie par rapport à la médecine par exemple ? Quand nous déciderons-nous à une recherche fondamentale qui commence par un inventaire de la délinquance puis une analyse et une classification. Il sera possible alors de rechercher des traitements ou des médicaments selon les causes supposées.

J’en reviens toujours au même problème: pourquoi  le Ministère de la Justice ne publie-il pas d’une façon parfaitement transparente les données que l’Opinion souhaite, par crime et par délit:

-chaque mois, en face des statistiques du Ministère de l’Intérieur, par tribunal, le nombre de procédures ouvertes (enquêtes préliminaires, citations directes, informations) concernant le nombre de crimes et de délits, le nombre de personnes en cause, auteurs présumés et victimes.

- chaque mois le nombre de jugements et arrêts rendus (avec mention de la décision en première instance) et le résultat final sur le nombre de condamnés avec mention explicite de leurs peines, non pas des moyennes ou des pourcentages.

 - chaque mois, le nombre de personnes libérées, avec leurs noms, fût-ce en liberté conditionnelle avec mention de la peine prononcée et de celle exécutée et bien sûr des révocations éventuelles : les jugements sont publics et relatés par les journaux quand ceux-ci  le jugent utile, il ne peut y avoir d’objection de principe quant à la protection de la vie privée.

- chaque mois, évidemment, le nombre de détenus incarcérés pour exécuter une peine, en détention provisoire,  présents et libérés;

On comprendrait très bien qu’au début ces travaux soient un peu “vaseux” mais je suis sûr que rapidement tout s’éclaircirait pourvu qu’on ne cherche pas à imposer quelque point de vue tendancieux.


Le Ministère n’a pas à avoir une politique pénitentiaire propre aux convictions de quelques uns des membres du cabinet du ministre mais celle que lui indiquera la Représentation nationale ou mieux encore le Peuple !

Tous les chercheurs disposeraient enfin des données qui leur sont nécessaires : le nombre de délinquants (et criminels, faut-il le préciser chaque fois), les traitements qu’ils ont reçus et les réussites.  La politique suivie actuellement est radicalement contraire à ce que je propose : non seulement le Ministère ne fait rien dans ce sens mais lorsque un chercheur s’y essaie avec quelque succès, non seulement il n’est pas encouragé mais on l’étouffe !

Chaque année enfin, le Ministère pourrait publier le coût par établissement des différents services et notamment de la journée d’incarcération, d’hébergement ou de suivi des personnes assistées, bref, ce que sait faire n’importe quel ...hôtelier. Le Ministère de la Justice n’est-il pas le plus grand hôtelier de France? Pourquoi ne pas le privatiser, comme au Texas?

A l’heure où toute l’activité policière, judiciaire ou pénitentiaire est informatisée, ce travail de pur collationnement n’aurait rien de difficile. Il n’aurait pas besoin d’être imprimé mais serait simplement publié sur Internet où chaque personne intéressée pourrait le consulter sans déranger quiconque, ni avoir besoin de demander une autorisation à laquelle il n’est jamais répondu.

Pourquoi une telle demande paraîtrait-elle offensante ou provocatrice ?

J’ajoute que le besoin d’une comptabilité analytique est criant à coté d’un budget public souvent difficile à lire.

Les Français ont le droit de savoir ce que fait leur Administration et en particulier leur Justice. Celle-ci  a le devoir de répondre à leur attente.

 

Les surprises du Ministère de la Justice.

Je ne sais pas si j’arriverai jamais à mettre un point final à cet essai: j’entends à l’instant annoncer au J.T. de 20 heures qu’un rapport spécial demandé par le précédent Garde des Sceaux, Mme Le Branchu qui voulait savoir comment les jugements sont exécutés (quelle curiosité! Si les ministres se mettent en tête de vouloir savoir ce qui se passe dans leur ministère, où allons nous ?)  vient d’être déposé sur le bureau de son successeur !!!

Trente pour cent des peines inférieures à un an prononcées ne sont jamais exécutées.

Ce fut une grande surprise. On avait bien noté que le nombre des détenus baissait!

Mais pourquoi ? Chi lo sa ? Va savoir, mon fils ?

Chacun y trouva l’occasion de se réjouir puisque selon ses convictions philosophiques,  chacun pouvait y trouver la confirmation de ces dernières !

On pouvait en déduire par exemple que le nombre des délinquants avait diminué... Parce que

- les peines prononcées paraissaient avoir augmenté depuis une vingtaine d’années, étaient-elles devenues dissuasives?

- au contraire, on pouvait penser que les tribunaux renonçaient enfin, comme on les en avait suppliés, à ne se servir que de la prison pour amender les délinquants !

Vous n’avez peut-être pas oublié que critiquant sur un plan strictement scientifique les travaux du CNERP, j’avais établi que 86,5 % des peines prononcées par les tribunaux français à l’époque étaient inférieures à un an. Il est peu probable que cette proportion ait beaucoup changé depuis, c’est donc 29 % des peines « fermes » qui n’étaient pas exécutées ! 

 

L’explication donnée par l’Inspection des Services qui avait rédigé le rapport fut simplement que les tribunaux n’avaient pas ordonné la mise en détention des condamnés lors de l’audience et que les condamnés en avaient profité pour s’évanouir dans la nature...

MAIS IL AVAIT FALLU UNE DEMANDE SPECIALE ET INSISTANTE DU GARDE DES SCEAUX POUR AVOIR UNE CONSTATATION SI ELEMENTAIRE ET UNE EXPLICATION !

        Je dois faire ici une remarque qui ne l’a pas été, du moins à ma connaissance: ces condamnés qui ont été vainement recherchés ou plus probablement n’ont pas été recherchés du tout, pour exécution de leur peine n’ont pas été retrouvés, mais n’ont pas été non plus repris pour un nouveau délit: s’ils l’avaient été, le premier soin du Service qui les avait arrêtés aurait été de vérifier leur situation pénale...et de transmettre leur dossier au procureur pour exécution de  la peine en suspens ! A moins que lui aussi ait fait la réflexion que si le tribunal n’avait pas jugé utile de les faire écrouer la première fois, il ne le ferait pas la seconde…

Il n’est donc pas exclu que ces condamnés se soient bien tenus, comme après un “dernier sursis”, de fait et non de droit, tout à fait recommandable ! Ou encore qu’ils soient partis à l’étranger.

Condamnez un individu à cinq ans de prison avec sursis, lâchez le dans la Nature et vous n’en entendrez plus parler, comme de votre argent !


Quelle est donc la différence entre une peine ordonnée et exécutoire immédiatement et une peine encourue ? C’est seulement que la première est crédible et que la seconde ne l’est pas ou seulement des honnêtes gens. 

 

Je montrerai plus loin que les personnes conduisant sans permis -parce qu’elle sont incapables de soutenir la pression d’un examen et non parce que le permis leur a été retiré ou qu’elles ont dédaigné de le passer,  peuvent conduire pendant des années sans aucun incident, même un stationnement irrégulier qui aurait peut-être révélé le défaut de permis! Il est donc parfaitement possible de conduire plusieurs années sans commettre aucune faute...Avis à ceux qui croient que nous sommes  tous des chauffards. Au lieu de faire passer des épreuves pour obtenir un permis de conduire, on pourrait condamner à cinq ans d’emprisonnement avec sursis tous ceux qui  veulent prendre le volant. Ce ne serait qu’une application nouvelle –mais efficace et gratuite- du principe de précaution !

Une recherche montrerait peut-être que la menace d’une peine à exécuter sans discussion est  plus dissuasive qu’un sursis légal, que la crainte de perdre un point de permis...

Je ne veux pas être injuste. Il semble que le Ministère de la Justice ne soit pas le seul à connaître d’une manière insatisfaisante ce qui se passe chez lui !

On vient d’apprendre avec surprise que des sociétés concessionnaires d’autoroutes avaient, en échange de certains avantages, l’obligation de construire ou d’aménager d’autres tronçons de ces voies : elles l’avaient oublié ! De même, la Direction du Trésor ne vérifiait pas la comptabilité du Crédit Lyonnais puisque les organes de révision les déclaraient satisfaisants !

Pourquoi dès lors entretenir une direction du Trésor ? Peut-être pour fournir des directeurs à la Banque Européenne ?

 

 

 

 

 

-  6. CONSEQUENCES DU TROUBLE DES ESPRITS : LES DERNIERES REFORMES DES ANNEES 90

Quant à moi, je finis par estimer que j’avais beaucoup donné à la Criminologie et à la Justice. Nommé premier juge d’instruction auprès du prestigieux tribunal de Paris, je pouvais prendre une retraite anticipée tout à fait honorable, au moins à mes yeux et porter ailleurs ma curiosité. Mais je gardais un oeil attentif et souvent amusé malgré la gravité de la situation,  aux réformes qui se préparaient et que je n’avais aucune envie d’appliquer. En y réfléchissant aujourd’hui je le regrette car il restait tellement à faire ! Mais le départ de Monsieur Charnay qui avait cinq ans de plus que moi changeait la situation. Avec une jeune greffière, pleine de zèle et de bonne volonté comme elles l’étaient toutes, mais en qui je n’aurais pu avoir la confiance absolue que j’avais en Monsieur Charnay, la situation aurait été toute autre et je n’aurais pu mener de front l’instruction et la recherche…

Les travaux des éminents représentants de la Nation discutant de la “présomption d’innocence”  illustraient parfaitement ce que j’ai dit plus haut. Des faits graves étant reprochés à certains, il convient de leur accorder cette présomption d’innocence tandis que, évidemment les policiers, les gendarmes et les juges étant en liberté -parce qu’ils n’ont pas été pris- doivent faire l’objet d’une présomption de culpabilité !!!

On ne saurait donc les croire quoiqu’ils disent ou fassent...Peut-être les croirait-on mieux si les interrogatoires auxquels ils procèdent étaient enregistrés…Comme si des enregistrements video ne pouvaient être falsifiés !

J’avais eu un avant goût de ce qui se préparait avec les fonctions de juge de la détention ou de la liberté, enfin quelque chose dans ce genre si vous voyez ce que je veux dire.

A  tour de rôle, nous, les juges d’instruction,  devions prendre l’audience vers 19 heures (après une longue journée de travail et souvent sans avoir eu de repos hebdomadaire du Samedi et du Dimanche ni une quelconque récupération) pour décider du sort d’une trentaine de prévenus : attendraient-ils  en prison le moment d’être jugés (dans les 48 heures, juste le temps de convoquer en courant les victimes et les témoins) ou devait-on leur permettre de rentrer chez eux ? Moyennant quoi on aurait dérangé pour rien, une fois de plus les plaignants et les témoins car pas un sur cent des prévenus ne se présenterait à l’audience le surlendemain !

 

Ces gens venaient d’être entendus par le procureur qui avait fait un premier choix. Tous ceux qui avaient un domicile, si précaire fut-il, un emploi même temporaire et saisonnier genre Père Noël de grand magasin, une famille de la main gauche, un bistrot attitré à la rigueur... avaient été remis en liberté. Nous n’avions donc devant nous que des individus aussi volatiles que l’éther,  ici aujourd’hui, où demain? En réalité nous n’avions aucun choix: leur remise en liberté était l’assurance qu’ils disparaîtraient aussitôt et revenait à dire que le travail fait jusque là était absolument inutile. Si ces prévenus étaient recherchés et par extraordinaire repris, le problème  se poserait dans les mêmes termes... Il n’y avait donc pas d’autre solution que de les garder en détention provisoire deux jours. La Police peut-elle se permettre de passer son temps à courir après des gens que les magistrats remettraient aussitôt en liberté ?

L’attitude pragmatique des juges d’instruction ne fut pas toujours celle des tribunaux correctionnels. Nous avons vu plus haut comment on s’aperçut un jour que trente pour cent des condamnations « fermes»à moins de douze mois de prison n’étaient plus exécutées! L’explication est simple : le juge d’instruction suit le dossier qui lui est confié alors que le tribunal n’est saisi que pour un acte, le jugement, il condamne ou acquitte et ne reverra pas son « patient ». 

Conformément à la loi, chacun de ceux qui passaient devant le « juge de la détention provisoire » était assisté d’un avocat d’office: le bâtonnier en désignait chaque soir un ou deux qui allaient assurer la défense de tous. Nous devions permettre à ces avocats de prendre connaissance des dossiers et de préparer leurs plaidoiries.


Par vocation d’abord, ces jeunes avocats  tenaient à bien remplir leur  mission. En outre ils recevaient du Trésor une indemnité qui n’était pas négligeable mais qui multipliée par dix ou quinze assurait un bon cachet. Et puis ce client aurait sûrement encore besoin d’un défenseur pour la suite de la procédure, il avait des amis qui eux aussi...Bref ces dossiers justifiaient bien des efforts et  faisaient de ces jeunes avocats des intermittents du spectacle. Il leur fallait donc une heure ou deux pour se préparer, comme à nous mêmes pour prendre connaissance des dossiers.

Je vous demande d’essayer d’imaginer ce que peut-être une audience où trente fois vous allez entendre plaider que la détention est l’exception et la liberté la règle, et ce propos était martelé, vigoureusement appuyé de larges gestes et mouvements de manche ;  que le prévenu,  certes n’a pas d’adresse, ni de famille, ni de travail ni de café où on peut être assuré de le retrouver, mais qu’il s’engage à se présenter à l’audience du surlendemain...   Que rien ne permet de penser qu’il manquera à sa parole.... (Là, regard de défi : oserez vous douter de sa parole ?, ne vaut-elle pas celle de tout autre , c’est tout juste si eux aussi n’ajoutaient pas : celle d’un juge ?), que la présomption d’innocence enfin...(le geste et le regard devenaient plus doux car l’évidence était posée…la conclusion devenait de droit : CQFD) .

Et la décision, bien sûr ne pouvait qu’être la mise détention provisoire... Cela nous menait gentiment à minuit passé. On avait mobilisé pour ce travail parfaitement inutile, des gardes, des greffiers, un substitut, un juge. Seuls les jeunes avocats ne se plaignaient pas et montraient qu’ils étaient fort attachés à cette mission de défense des libertés, de la Liberté ! Dans la logique du système ils avaient parfaitement raison mais qui aurait compris que nous remettions tout le monde en liberté car c’était aucun ou tous ? En fait nous nous prêtions à une comédie qui signifiait « voyez combien les droits de l’homme sont enfin protégés ! »

Encore faut-il préciser que les gardes n’en auraient fini que lorsqu’ils auraient remis les détenus aux gardiens des différentes prisons auxquelles ils étaient destinés et auraient regagné leur caserne. Quant aux nouveaux prisonniers , après les formalités d’écrou, toujours nécessairement minutieuses, ils recevaient du “room service” de la Maison d’Arrêt une collation avant de trouver un peu de repos bien gagné après la garde à vue, l’attente de la comparution devant le substitut, l’attente avant la comparution devant le juge de la liberté et enfin , quand le dernier cas avait été examiné, la balade jusqu’à Fresnes ou Fleury-Mérogis, les formalités d’écrou : pour la plupart d’entre eux plus de trente heures et souvent quarante huit depuis leur arrestation! Le Législateur n’avait évidemment aucune idée de ce que son texte avait organisé. Tout ça pour rien alors qu’on manque, dit-on, de policiers, de gardes, de greffiers, de juges.   

J’avais déjà connu une expérience du même genre,  les audiences de conduite en état d’ivresse ou sous l’empire d’un état alcoolique... Des substituts malicieux préparaient des audiences de trente ou quarante affaires de ce genre.

Le premier avocat plaidait “c’était l’anniversaire de sa belle- mère. Mon client, gendre affectueux et dévoué, ils ne sont pas si nombreux, avait apporté quelques bouteilles  ...”

Le Président : « Pour sa Belle Mère ? C’est lui qui était ivre ! »

Le second “ La fête du comité d’entreprise qui réunit après une année de dur labeur la direction et le personnel tout entier confondus dans une même fête, celle du travail accompli et de la réussite...”

Le troisième pouvait se servir du calendrier “C’était Noël, un Noël blanc comme le chante l’inoubliable Franck Sinatra...mais un Noël froid, dur pour les pauvres gens...mon client a voulu se réchauffer… »  

Le président : « apparemment il faisait très froid, on l’a retrouvé dans sa voiture arrêtée par un arbre en travers d’un trottoir avec quatre grammes d’alcool par litre de sang… »

Le quatrième avait des lettres “ Ce petit déjeuner qu’on désignait au siècle de Périclès par “akratismos”, le “non mélangé” préparé avec du vin pur et des miettes de pain...car Grand Père ne savait pas encore faire du bon café, avait trompé la vigilance de mon client..”

Tous savaient que le tribunal apprécie toujours les jeux de l’esprit et ils rivalisaient ; ce n’était pas la Conférence du Stage mais cela y ressemblait et dans un tribunal comme Pontoise, avocats et magistrats avaient vraiment le sentiment de former une famille ;

Il  y avait encore le 14 Juillet, la communion du petit, sa réussite au certificat d’études etc. etc.

Mais venaient ensuite ceux qui avaient cru pouvoir se passer d’un avocat et ne savaient pas qu’ils pouvaient demander qu’il leur en fût désigné un d’office :

- “Le lendemain, je devais entrer à l’hôpital pour une cure de désintoxication...alors, M’sieur le président, vous comprenez, le dernier jour, qu’auriez-vous fait à ma place ?”

Et encore, du tailleur de pierre trouvé dans le coma au milieu de la route avec 4,5 grammes d’alcool par litre de sang !

- “ Vous savez, la pierre ça donne soif...”

Le président

“et combien buvez vous, par jour, dans l’exercice de votre art ?”

“ Oh, douze, quinze litres de vin, jamais plus, je vous jure...”

Au moins ces audiences étaient drôles, pas celles sur la liberté due à la présomption d’innocence.


Ce qui nous manquait, à l’époque, c’était de connaître le taux de gamma globuline dans le sang du prévenu: bien souvent il aurait indiqué que ce dernier était un buveur excessif d’habitude et non d’occasion comme il était plaidé chaque fois.   

 Après deux audiences qui me paraissaient inutiles sans même être drôles, je n’en pouvais plus. Je n’étais pas le seul.  Avec deux collègues nous allâmes trouver le substitut chargé des audiences :

-”Au moins, Cher Collègue, puisque nous sommes dans la fiction ne mettez pas en liberté tous ceux qui peuvent l’être, laissez nous quelques prévenus ayant un domicile ou un travail, de différentes origines si possible, que nous ayons l’air de pouvoir décider quelque chose, que les avocats qui sont commis paraissent jouer un rôle utile, qu’ils aient quelque chose de sérieux à plaider et obtiennent de temps en temps un succès...!”

 Certains substituts le comprirent, d’autres oublièrent ou firent mine.

Par chance, je n’ai pas eu à intervenir comme juge de la liberté lorsque le prévenu a été présenté à un juge d’instruction.  Comment pourrait-on prendre la décision qu’on attend sans connaître parfaitement le dossier et tout ce qui s’est dit pendant l’audience de mise en examen, du dossier de la Police aux déclarations faites devant le juge. Qui peut le connaître mieux que celui qui vient de passer deux heures avec l’inculpé et son avocat. Tout devrait donc être repris, redit! C’est bien, je pense, ce qui explique quelques décisions de mise en liberté surprenantes...

Je préfère donc n’en rien dire, sauf à faire deux remarques de principe

-  si la détention provisoire est haïssable, ce que je suis le premier à reconnaître, il ne sert à rien de la faire ordonner par un second juge ou même par un collège ou un jury. Il y a d’autres solutions que nous verrons plus loin mais tous, nous nous refusions à l’hypocrisie qui aurait consisté à mettre en liberté le prévenu sous réserve du paiement d’une caution dont  il aurait été incapable de payer le premier centime .

- pour je ne sais quelle raison, probablement la facilité, le Législateur a esquivé la véritable réforme, celle qui aurait changé bien des choses : la mise en examen éventuelle  avec débat public par le tribunal dans les affaires correctionnelles ou par un jury dans les affaires criminelles.

Dans les pays anglo- saxons, au terme de son enquête la Police prévient le procureur et lui transmet le dossier. Si cela lui parait nécessaire, le procureur s’assure de la personne du suspect et lui donne le choix d’être  inculpé par lui-même ou par un jury populaire. La transposition en France où le juge d’instruction existe encore devrait sans doute être différente : l’enquête préliminaire de la  Police devrait être transmise comme maintenant au procureur. Celui-ci continuerait comme aujourd’hui soit à décider d’un classement sans suite soit à ordonner une comparution immédiate soit enfin à ouvrir une information et à demander au président du tribunal la désignation d’un juge d’instruction.  Là où tout changerait c’est qu’après étude du dossier, si celui-ci est accompagné d’un détenu et à tout moment où il apparaîtrait que des charges pèsent sur une personne, le juge d’instruction devrait s’assurer de celle-ci et lui donner le choix : être mise en examen soit par la chambre d’accusation  (émanation de la cour d’appel)  pour les affaires relevant du tribunal correctionnel,  soit par un jury populaire dans les affaires relevant de la cour d’assises, mais dans les deux cas à l’issue d’un débat public. Et c’est soit le tribunal correctionnel soit le jury qui se prononcerait sur la détention provisoire ou le contrôle judiciaire ou la mise en liberté sous caution. En fonction de l’affaire le tribunal ou le jury (et non la loi) prononcerait la durée de l’instruction accordée au juge et fixerait ainsi la date de retour de l’affaire devant le tribunal  ou le jury qui pourraient ainsi apprécier les diligences accomplies et le cas échéant prolonger le délai d’instruction ou juger  l’affaire.

Cette procédure présenterait de nombreux avantages :

Tout d’abord elle conserverait le juge d’instruction pour instruire à charge et à décharge en vue de la manifestation de la vérité, ce qui n’est pas le cas aux USA où le procureur n’instruit qu’à charge, laissant le soin d’instruire à décharge à l’avocat du prévenu.

Ensuite, la mise en examen comme la mise en détention ne pourraient plus servir de moyens de pression sur le mis en examen éventuel. Ces deux actes essentiels et souvent dramatiques de l’instruction pénale seraient sans doute retardés pour être bien assurés, mais le procès y trouverait un avantage immense, celui de la transparence ! Il en serait fini de ces affaires où l’inculpé, détenu ou non, clame qu’il n’y a rien dans le dossier alors que le juge d’instruction demande au procureur de parler, lui qui peut le faire…comme aussi de ces procédures où un détenu fait l’objet d’un non lieu ou d’un acquittement après quelques mois de détention…Je dois souligner que l’inculpation dite aujourd’hui mise en examen n’est jamais une formalité. J’ai vu des hommes parfois importants, se rouler par terre ou menacer ou plus simplement  pleurer, refuser de signer, parfois tenter de se suicider pour essayer d’échapper à la mesure fatale ! 

Mais qu’on y prenne garde, rien ne sera possible si tous les moyens nécessaires ne sont pas donnés aux policiers comme aux juges pour remplir leurs missions et si toutes les réformes que je propose plus loin ne sont pas adoptées !

Le législateur doit bien comprendre qu’une enquête menée sans délai sera beaucoup plus facile qu’une enquête commençant quelques mois plus tard, ou avec un enquêteur là où il en faudrait dix. Nous verrons cela en détail.

 

 

 

 

        Avant de terminer cette première partie je voudrais rapidement vous montrer

L’évolution de la criminalité que j’avais annoncée dès le début des années 70.

 

Selon les chiffres publiés par le Ministère de la Justice sur son site Web auquel vous accèderez facilement par celui le la SCE (criminologie-expérimentale.com) pour les crimes et délits jugés au cours des années 97, 98, 2000 et 2001 (je n’ai pas pu trouver 1999 qui parait manquer,

Les CRIMES commis par les majeurs sont demeurés sensiblement constants passant seulement de 2609 en 97, à 2615 en 2001

Les crimes commis par les mineurs et jugés sont passés de 372 en 1997 à 647 en 2001.

Soit une augmentation de 72% en cinq ans ;

Les DELITS jugés de même de 97 à 2001

Par les majeurs sont passés de 404.980 à 384.532 soit une baisse de 5%.

Par les mineurs, sont passés de 30.193 à 38.017 soit une hausse de 25 %.

Des réserves importantes sont à faire sur ces chiffres :

  1. il est prudent de considérer que les faits jugés avaient été commis environ deux ans plus tôt.
  2. Nous ignorons si les juridictions des majeurs ou des mineurs ont pris de l’avance ou du retard sur le total des affaires qui leur sont déférées.
  3. La critique la plus grave est que divers paramètres ne sont pas donnés :
  4. Un jugement ne signifie pas que UN AUTEUR ou UN FAIT a été jugé. Un jugement peut condamner un homme pour dix viols ou meurtres ou dix inculpés pour cinq hold up et trente vols ;

Ces données sur les jugements rendus ne sont donc pas inutiles pour apprécier l’activité des différentes juridictions mais insuffisants pour aller plus loin. Enfin, qu’on me pardonne de me répéter, toute la politique judiciaire et pénitentiaire pourrait être infléchie si le Ministère voulait bien faire apparaître le rôle des récidivistes dans la délinquance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DEUXIEME  PARTIE

 

 

 

UNE PREMIERE GRANDE REFORME A ENTREPRENDRE:

APPLIQUER LA LOI !

 

 

 

 

 

 

- 1 . NOUVELLES MESURES CONTRE  L’INSECURITE

 

 

Au moment où je termine cet essai, les premières propositions du nouveau gouvernement commencent à être connues. Je crois que c’est l’essentiel, il est donc possible d’en dire quelques mots.

Une partie de mes propositions est adoptée, pas celles qui me paraissent les plus importantes, mais j’aurais tort de faire la fine bouche: l’essentiel est que l’insécurité soit reconnue et que l’on abandonne la vieille contestation soixante-huitarde qui gouvernait les esprits. Les solutions retenues ne sont pas toujours celles que j’ai proposées, on peut espérer que le gouvernement s’en rendra compte! Bien sûr je vais lui écrire et peut-être encore, si vous lisez ces lignes c’est que l’ouvrage a paru et finira bien par tomber dans de bonnes mains !

 

 

 

 

 

       

 

 

 

 

 

 

 

-1a. CONTRE L’INSECURITE  ROUTIERE

 

 

On parle de deux mesures, la meilleure et la pire

 

La police de la route.

 

Tous ceux qui se sont préoccupés du génocide routier sont arrivés à la même conclusion : rien ne sera possible sans elle.

Imagine-t-on une Police Judiciaire qui ne serait sur le terrain que deux ou trois jours par semaine ou à Noël? On ne peut expliquer l’hécatombe qui nous accable autrement que par la liberté donnée aux automobilistes de faire ce qu’ils veulent en toute impunité. Quelques uns en abusent. Ce qui me surprend c’est qu’il n’y ait pas plus d’accidents !

Certains ont imaginé qu’il suffirait de mettre 20.000 agents sur les routes les jours de grands départs. Quelle déception ! Apprendra-t-on à lire aux élèves en mettant un examinateur derrière chacun d’eux les jours d’examen ?


Quand l’accident est arrivé, c’est trop tard, il n’y a plus qu’à envoyer les blessés à l’hôpital, les morts à la morgue.

La Police de la route suffira-t-elle ?

  Si l’automobiliste -comme le routier et le motard, faut-il le préciser, peut craindre à tout instant d’être surpris en faute, sur l’autoroute comme sur les départementales  et les autres, il apprendra à se modérer.

L’exemple des motards est particulièrement significatif : ils se plaignent souvent de payer un très lourd tribut à l’insécurité routière. Mais qui ne s’est pas indigné en les voyant slalomer entre les voitures sur le périphérique, souvent à 100   ou 120 KmsH , multipliant les appels de phare et les coups d’avertisseur pour obtenir le passage voire les gestes de menaces s’ils estiment  que le « plouk » qui les gène ne dégage pas assez vite !

J’ai toujours approuvé toutes les mesures de prévention mais je soutiens que la sanction est  aussi une excellente prévention: elle est personnelle, l’intéressé sera obligé d’y prêter attention et s’en souviendra si elle est assez cuisante. Pour qu’elle soit efficace, elle devra se manifester à la moindre faute, à la moindre incartade et non pas seulement après l’accident. Une amende (à régler sur le champ, évidemment, ce qui implique qu’avant de prendre le volant il faudra s’assurer qu’on a fait le plein du portefeuille comme celui du réservoir !) n’est-elle pas le meilleur avertissement ?

L’efficacité de la mesure de surveillance omniprésente sera multipliée par dix si les contraventions, amendes et suspensions du permis de conduire sont sanctionnées à l’instant même ! L’agent verbalisateur doit dresser procès-verbal mais ensuite réclamer le montant de l’amende forfaitaire prévue. Le véhicule demeurera immobilisé sur place jusqu’au règlement de l’amende. De même si le permis doit être retiré il faut que ce soit fait dans les heures qui suivent devant un tribunal ou une commission administrative qui siège au besoin jour et nuit ! Le risque de voir la promenade interrompue, les rendez-vous d’amour ou d’affaires manqués, les clients perdus, rendra sage n’importe quel homme ou femme pressé...L’obligation de ne prendre la route qu’avec 150 ou 200 euros dans la poche ou à son compte en banque et de risquer de les perdre au premier Uniforme rencontré calmera, j’en suis sûr, les plus excités. Et celui qui n’aura pas les moyens d’avoir cette somme sur lui sera encore bien plus prudent. Il y a des personnes qui ne parviennent pas à réussir à l’examen du permis de conduire. Après cinq ou six coûteux échecs elles renoncent.  Par nécessité elles prennent alors le risque de conduire sans ce permis si désiré et indispensable de nos jours: le nombre des accidents qui leur surviennent est infime ! Il n’est pas possible de le déterminer exactement car nous ignorons quel est le nombre des personnes qui conduisent ainsi, mais il arrive qu’à l’occasion de contrôles inopinés, sans relation avec une faute, on découvre des gens qui conduisent sans permis depuis 15, 20 ou 30 ans et qui n’ont jamais eu d’accident ni même de contravention!!!  Leur casier judiciaire ou de circulation n’en porte aucune trace. Avec une curieuse logique, au lieu de leur accorder le permis devant un stage si éloquent et faute de pouvoir  leur retirer le permis, on leur interdit d’essayer de l’obtenir !!! Et cette fois si l’envie les reprenait de prendre le volant,  le délit serait  encore plus grave car ce serait malgré une interdiction de le faire! On peut tout comprendre et tout pardonner sauf de désobéir à l’AUTORITE ! Ne vaudrait-il pas mieux leur donner un soutien et essayer de comprendre pourquoi conduisant si bien ils ne peuvent obtenir ce sacré parchemin ? Direz-vous de quelqu’un qui lit couramment qu’il ne sait pas lire parce qu’il n’a pas le certificat d’études?

En Suisse, pardonnez moi de la citer encore une fois, après trois échecs à l’examen du permis, le malheureux candidat a l’obligation de consulter un psychiatre qui va essayer de comprendre ce qui ne va pas et l’aider. Il semble que cela ne soit pas inutile car ensuite beaucoup réussissent!


Les faits et considérations que je viens de rapporter datent des années quatre-vingts. Il semble qu’en ce domaine les choses aient bien changé en dix ou vingt ans. Alors que je vous parlais de personnes qui avaient échoué à l’examen du permis de conduire malgré des efforts qui avaient duré des années, une nouvelle population de conducteurs sans permis est née. Ils ne se soucient pas plus de conduire sans permis que sans assurance ou …sans voiture car ils en volent une quand ils veulent faire un tour...Ces jeunes gens obtiendraient facilement le permis s’ils se présentaient aux épreuves mais cela est cher. Pendant leur service militaire, au moins l’Armée leur offrait ce fameux permis et c’était un avantage par rapport aux jeunes filles qui devaient le payer.

Quand je pense à ce que l’Education Nationale dépense pour les garder- d’une manière absolument inutile sur les bancs des écoles où ils ne font que gêner les autres élèves (admirez l’euphémisme : de mon temps les cancres restaient tranquilles au fond de la classe ou près du poêle, alors qu’aujourd’hui ils paraissent plus turbulents),  je me demande s’il n’y aurait pas intérêt à créer une filière “conduite des engins, motos, autos et poids lourds, tracteurs, engin de levage” qui pourraient les intéresser et peut-être leur ouvrir une voie vers le travail, avec tout ce que cela leur promettrait ? Le seul fait de constater qu’ils peuvent réussir à l’école,  les encouragerait peut-être à continuer et servirait à quelque chose. Ce n’est là qu’une application des techniques des arts martiaux où l’on se sert de l’effort de l’adversaire.  

La dépréciation psychologique des sanctions lointaines joue contre les mesures telles que l’audience de jugement dans six ou huit mois donc la réclamation de l’amende dans un an ou deux, la perte d’un point sur le casier dont on sait qu’elle est bien souvent oubliée   ...etc.

Je me souviens de ces audiences où ayant condamné un ressortissant portugais à une amende,

je le voyais sortir son portefeuille et vouloir absolument la régler : comment lui expliquer qu’en France on fait confiance aux agents assermentés pour rédiger les procès verbaux mais pas pour encaisser les amendes…Il est piquant de constater que les politiciens français pensent que, peut-être, les agents verbalisateurs ne sauraient pas résister à la tentation...

Par curiosité je suivis le cursus de quelques unes de mes décisions. Il était trop long pour que je le rapporte ici, très coûteux aussi en temps passé par des fonctionnaires, en honoraires et débours aux huissiers, pour un rendement extrêmement faible: 50 a 60 % seulement des amendes étaient recouvrées!  Allez chercher quelqu’un qui habite chez un copain qui habite chez une copine. Avec joie j’écrivis à divers journaux et aux administrations concernées. Je n’eus pas de réponse mais France Soir découvrit le problème et y consacra un long article. Un an après, l’amende forfaitaire à régler avant jugement était instituée. S’agissait-il d’une coïncidence, d’une convergence entre de grands esprits qui s’étaient rencontrés ? Il ne s’agissait en fait que d’une demie mesure.  

Je crains qu’il y ait aussi une autre explication: Toutes ces complications pour recouvrer des sommes tellement minimes ont un résultat : le dossier se promenant de service en service, d’administration en administration, les occasions de le supprimer ou de le perdre sont multipliées...D’autant que personne ne vérifie jamais, même par un contrôle aléatoire que le travail a été bien fait. Alors que si le contrevenant devait payer sur le champ, il lui serait difficile d’obtenir son remboursement. Voilà encore une fois des milliards qui entreraient dans les caisses de l’Etat sous forme d’amendes et des milliards qui n’en sortiraient pas sous forme de frais de procédure qui seraient économisés! Il faut bien constater que nos gouvernants sont très forts: quels sont les besoins des Français? Des logements, des crèches, des parkings ? Vous n’y êtes pas, d’ailleurs, il n’y a pas d’argent. Par contre, de longues et coûteuses procédures pour éviter de faire entrer des recettes...Irai-je jusqu’à vous confier que le lobby des notaires ou des huissiers est beaucoup plus efficace que celui des magistrats… ?

Et je dois ajouter que je n’ai raisonné que sur les contraventions parvenues sur la “table de justice”. Certains affirment que sur cent contraventions dressées par la Police ou la Gendarmerie, trente se perdraient...Il en resterait ainsi soixante dix dont la moitié ne seraient jamais payées malgré les frais engagés pour y arriver alors que le montant des contraventions en France est le plus bas des grandes nations: tout ce fatras pour encaisser trente cinq pour cent des contraventions dressées ! A quel niveau est donc tombé ce pays ? Et il faut remarquer que tout est mis en place pour éviter tout contrôle: l’agent de verbalisation devrait opérer sur des carnets à souche numérotés d’où on pourrait partir pour faire une sorte d’audit...C’est l’ABC d’un travail sérieux.  Il n’en est rien, bien sûr...


Je soutiens que dans un pays organisé qui voudrait vraiment arriver à la délinquance zéro, en inscrivant au casier toutes les contraventions avec un permis à point etc. , l’agent qui dresse une contravention doit le faire sur un ordinateur portable en liaison avec son poste de commandement. Le texte de la contravention est enregistré au départ et à l’arrivée, la délivrance du reçu sera ordonnée par le poste de commandement, ainsi que la mention éventuelle du règlement. L’effacement n’est possible qu’avec un code différent sur chaque appareil (départ et arrivée) que ne connaissent ni l’un ni l’autre mais seulement deux autres personnes. A la fin de la semaine ou du mois un collationnement interviendra pour permettre toutes vérifications utiles notamment de la Caisse ou du compte ou seraient versés les règlements par chèque ou par carte de crédit. J’entends les objections: comment allons-nous équiper les policiers ou gendarmes d’ordinateurs, d’imprimantes pour les reçus, d’appareils pour les cartes de crédit etc. Je crois que cela coûtera infiniment moins cher que le système actuel, s’amortira rapidement compte tenu du nombre de contraventions dressées et payées et de la diminution de délinquance qui s’en suivra.

Pourquoi cependant faire si compliqué ? 

Ce qui n’allait pas dans le système de l’amende forfaitaire, c’est qu’il fallait encore que le service de Police collationne toutes celles qui avaient été payées par un timbre, les déduise de la liste des amendes dressées pour renvoyer devant le tribunal celles qui ne l’avaient pas été.

A mon avis il serait bien plus simple de remettre à chaque agent verbalisateur, chaque semaine, quelques carnets de timbres amendes à mille francs, pardon 150 euros, à délivrer contre paiement de l’amende. A la fin de la semaine l’agent remettrait les timbres reçus ou la contre valeur  de ceux qui ont été « vendus ». Bien entendu, la responsabilité entraînée par cette gestion devrait conduire à une indemnité, non pas en pourcentage mais fixe. 

 Je ne voudrais pas encore piétiner les plates bandes des Commissions chargées de simplifier la vie des Français qui ont montré leur efficacité : ce n’est qu’une simple suggestion qui touche bien au domaine de la criminologie expérimentale à laquelle je me suis voué.

Revenons à nos délinquants, quand à la fin du mois l’automobiliste fera ses comptes, quatre  contraventions pour lui, une pour son épouse et une pour son fils, il comprendra qu’il peut faire un meilleur usage de ses revenus et ce sera beaucoup plus dissuasif que le lointain permis à point !

Quand la famille qui partait en vacances devra faire enlever sa voiture par une entreprise pour la ramener au garage et continuer le voyage en train parce que le permis de Papa lui a été retiré, elle sera la première, une autre fois, à réclamer une conduite apaisée ! Et la famille aura bonne mine, quand arrivée enfin au bord de la mer,  les amis poseront d’une voix de fausset des questions – « Mais, Cher Ami,  qu’avez vous fait de votre voiture ? »  Quelques imprudents se lanceront peut- être dans une explication « Me croirez vous si je vous dis que j’ai été assez bête pour vendre ma voiture avant d’avoir reçu celle que j’avais commandée… » J’ai un ami qui devant remettre son permis à la Police, obtint un délai de quelques jours, juste le temps d’acheter un billet pour une croisière de trois semaines. Son épouse s’est toujours demandé s’il avait voulu fuir une blonde chercheuse d’or ou…

Je parie que plus d’une famille passera ses vacances à la maison, les volets fermés ou invoquera quelque maladie contagieuse du dernier né ! En économisant pour payer l’amende.

“Sadique !” Vont penser quelques uns...d’entre vous à l’idée que je m’amuse de telles situations. Il n’en est rien,  je suis sûr de sauver plus de gens sur la route que d’aucuns.

Pourtant ne vous y trompez pas, le seul but de ces amendes n’est pas d’ennuyer les automobilistes. Quand les élus ne pourront plus assurer leur clientèle en faisant “sauter” les procès verbaux,  quand eux mêmes ne pourront faire autrement que payer ou laisser la voiture en fourrière, ils devront bien se résoudre à gagner des électeurs en améliorant la circulation, en créant des parkings, des transports en commun,  ce sera simplement le triomphe de la Démocratie et de la Sécurité sur la route...Je vais encore vous faire sourire : dans de nombreux cantons suisses, quand les élus sont convoqués à une réunion officielle, ils reçoivent une indemnité de transport sous la forme de deux tickets de transport en commun, un pour l’aller, l’autre pour le retour. Ajoutez à cela que la Confédération étant située à l’Est d’une bonne partie de l’Europe, les séances commencent à sept heures du matin…

Bien entendu, la personne faisant l’objet des amendes ou immobilisations que je viens d’énumérer  devra toujours pouvoir s’adresser au tribunal pour les contester si elle les estime mal fondées, mais à son initiative, ce qui aura pour avantage de réduire les rôles des tribunaux au centième de ce qu’ils sont aujourd’hui et de supprimer les jugements réputés contradictoires ou par défaut, les oppositions etc.

Une telle mesure serait aussi efficace que le recrutement de 100 juges et autant de greffiers, de secrétaires etc.

Un corps spécial de policiers de la route devra être lourdement équipé: armes pour se défendre- on a vu trop de conducteurs devenus meurtriers pour éviter un contrôle-  agir par équipes de deux agents, motos ou autos puissantes, radars, téléphones et radios etc.

Coûtera-t-il cher?  Il ne devrait rien coûter ! Une équipe de deux agents devrait revenir à 1.000 euros  par jour, y compris les congés, l’amortissement de l’équipement, l’essence et les retraites, donc trois ou quatre contraventions. Toute l’économie des morts, qui n’ont pas de prix, des blessés, des préjudices moraux et matériels, de la baisse des primes d’assurance profitera à la Société ! Un pactole de plusieurs dizaines de milliards d’euros à se partager chaque année !

Mais SI ON LE VEUT ON PEUT ALLER BEAUCOUP PLUS LOIN !

Beaucoup de Français, beaucoup plus qu’on ne le croit sont sérieux et souffrent de voir tant de gens se tuer ou se blesser sur les routes alors que circuler devrait être une activité comme une autre et toujours un plaisir : pourquoi ne pas faire appel à des bénévoles, hommes et femmes en activité ou en retraite ? Ces personnes dévouées au bien public devraient présenter toutes garanties : casier judiciaire vierge, longue expérience de la route, ancienneté du permis de conduire sans aucune suspension et attestation qu’elles n’ont jamais causé d’accident corporel délivrée par leur compagnie d’assurance. En effet certains pourraient ne pas avoir fait l’objet de poursuites judiciaires ce qui n’est pas le cas des accidents mortels. Il est regrettable qu’on ne puisse envisager de se servir des fichiers des assurances pour les accidents matériels : les règles adoptées par les assureurs pour le règlement amiable inter­- compagnies des « sinistres » sont très éloignées de celles du Code Civil : pour les petites affaires, il y a des règles arrêtées à l’avance qui désignent comme responsable un conducteur qui ne l’est pas toujours. Il y a un avantage à ces règlements : ils sont plus rapides que si chaque incident devait donner lieu à un procès, d’autre part ce n’est pas le conducteur « déclaré » fautif qui paiera le dommage mais son assureur et sur un grand nombre de cas la répartition entre assureurs est correcte. Il n’en reste pas moins que c’est bien le déclaré fautif qui subira un « malus » et celui-ci apportera quelque douceur à son assureur.

Pour en revenir à nos bénévoles, toutes garanties obtenues sur leur passé de conducteurs, ne pourraient–ils subir une formation puis un examen, prêter serment et enfin faire un stage sous l’autorité d’un policier ou d’un gendarme et avant d’être enfin être «lâchés dans la Nature» ?

Pour commencer ils pourraient circuler dans leur voiture et selon la densité de circulation faire des appels de phares aux conducteurs circulant en sens inverse. Rares sont ceux, parmi ces derniers qui ne ralentissent pas aussitôt. Ils pourraient aussi circuler à la vitesse maximale autorisée, mais avec précaution : souvent l’automobiliste qui les suit va se rapprocher, faire des appels de phare, essayer de doubler de plus en plus dangereusement. Le bénévole devra alors céder le passage et ne pas s’arrêter, il pourrait être agressé : j’ai  eu l’occasion de juger une affaire semblable : sur une route un vieux monsieur conduit avec prudence sa voiture,  à 70 kmh, vitesse limite autorisée. Un automobiliste le rattrape, essaie de le doubler, klaxonne, fait des appels de phare. Impossible ! A quelques kilomètres de là un feu est au rouge : les deux automobilistes s’arrêtent, le second descend de voiture, ouvre la portière du premier, le sort de sa voiture et commence à le gifler. Il est alors maîtrisé par deux gendarmes qui suivaient avec le plus grand intérêt son manège depuis un moment. Celui que j’appelle le second était si excité qu’il n’avait pas vu les gendarmes qui le suivaient !  Et pourtant je me souviens qu’il cumulait toutes les infractions possibles : outre sa violence, sa conduite dangereuse sous l’empire d’un état alcoolique, sans permis ni assurance, dans une voiture où tout était en défaut, c’était une fête dont il se souvient certainement encore car à l’encontre des délits, les contraventions se cumulent !

Les bénévoles s’étant si l’on peut dire aguerris, ils pourraient recevoir des véhicules équipés de radars, d’appareils photos, de téléphone pour alerter les policiers ou gendarmes qui seraient en poste avant le prochain carrefour ou la prochaine sortie d’autoroute…

Ils pourraient aussi après un certain temps recevoir une planche de timbres de contravention numérotés, un carnet à souche numéroté lui aussi sur lequel ils rédigeraient leur procès verbal, mentionneraient sur le feuillet détachable remis au conducteur en faute et sur la souche le numéro du timbre délivré.

Je crains que beaucoup de Français n’apprécient pas ces propositions. Habitués, comme ils sont à 50 ans de laxisme absolu, ils n’admettront pas que la route devienne enfin  un domaine de civilisation, de respect des autres et la loi. Ils  m’adresseront les mots les plus rudes et infamants parleront de délation, de régime du Big Brother. Ce que je crains, en vérité, c’est que ce ne soit pas encore pour demain ! 

Je crois avoir déjà signalé qu’au Royaume Uni, des Retraités et des Mères de famille sont nommés juges de paix, avec une compétence beaucoup plus importante que celle des juges d’instance professionnels français (jusqu’à dix ans d’emprisonnement). Ils semblent réussir parfaitement, donnent satisfaction et sont parfaitement respectés…Pourquoi en serait-il autrement en France ?  Peut-être est-ce là la véritable exception française…

 

 


Une boîte noire sur chaque voiture.

C’est un projet industriel qui fait rêver, la fortune pour deux ou trois entreprises !

Il paraît avoir le vent en poupe, plusieurs organismes de sécurité routière  le recommandant. Que dis-je, l’attendant!

Imaginer qu’on décide d’équiper en quelques années 20 millions de voitures d’ un système qui coûterait - s’il ne s’agit en réalité que d’un enregistreur de vitesse sur disque et non pas d’une boîte noire d’avion- que 500 euros (3500f). Cela représenterait au bas mot DIX MILLIARDS D’EUROS  SOIT 66 MILLIARDS DE FRANCS                  

C’est à dire l’inverse d’une fameuse relance par la distribution d’argent. L’Etat avait distribué quelques milliards qui n’avaient servi qu’à acheter des magnétoscopes japonais !

 

Et cela ne servirait à rien.

1- Je le maintiens, il n’y a que trois pour cent de conducteurs dangereux parmi ceux qui circulent, mais ils roulent beaucoup et se font remarquer : on ne voit que ceux qui vous dépassent dans un tournant ou vous font une queue de poisson, mais pas tous ceux qui roulent tranquillement devant ou derrière.

La confirmation en a été donnée lors de la tentative de contrôler aléatoirement les personnes conduisant sous l’empire d’un état alcoolique. Il est donc parfaitement inutile d’équiper toutes les voitures. Si on veut connaître la vitesse d’un véhicule au moment d’un accident, il y a d’autres moyens: les témoins, l’importance des dégâts, les traces de freinage etc.     

2- Un enregistreur consulté a posteriori permettrait de connaître la vitesse d’un véhicule au cours du temps enregistré et d’apprécier s’il y a eu excès de vitesse, soit par rapport à la vitesse autorisée au type de véhicule par exemple un poids lourd à vide ou en charge, soit par rapport à la voie autorisée (autoroute ou départementale par exemple) s’il est possible de reconstituer l’itinéraire suivi. Jusqu’à ce que la loi soit modifiée, une telle constatation ne pourrait servir de fondement à une condamnation puisque la faute n’a pas été constatée par une des personnes désignées par le code. Lorsque le “permis à points” avait été créé en 92, les routiers avaient organisé une énorme manifestation contre l’utilisation du disque enregistré pour les condamner: ils savaient bien que leurs permis n’auraient pas résisté longtemps. Outre la remarque que je viens de faire sur la nécessité d’un agent verbalisateur qualifié, les routiers se sentaient injustement défavorisés par rapport aux autres conducteurs circulant sans disque enregistreur.

 

3- Une “boîte noire” a des fonctions multiples et bien différentes de celle d’un enregistreur de vitesse: elle permet notamment de connaître ce qui se passait dans la cabine de pilotage, les propos de l’équipage et les échanges d’information entre l’équipage et les contrôleurs aériens et son prix serait sans commune mesure avec celui d’un enregistreur de vitesse.

Par contre si on voulait, à n’importe quel prix, surveiller chaque voiture, il serait possible de le faire de la manière suivante:

Chaque voiture est équipée d’un émetteur tel que ceux qui sont fixés sur les animaux sauvages

qu’on veut suivre à la trace et d’un récepteur. Bien entendu l’émetteur est mis à jour en permanence du nom du propriétaire et de la validité de son permis, de la date du dernier contrôle technique de la voiture, de l’assurance, de ses vitesses autorisées etc.


Un (ou plusieurs) satellite(s)  balayent sans arrêt le territoire surveillé (France, Europe?). Un logiciel installé sur un puissant ordinateur (plusieurs milliards d’opérations à la seconde) permet d’identifier tout véhicule qui dépasserait la vitesse autorisée là où il circule, ne serait pas à sa place, circulerait en sens interdit, ferait des manoeuvres dangereuses, serait volé, etc. Selon le cas un message de mise en garde serait adressé au véhicule ou un ordre d’arrêt transmis aussi à la Police de la Route pour intervention.  C’est évidemment la mise en place du “Grand Frère” et cela exigerait l’intervention de la Commission Informatique et Liberté.  Bien sûr un tel dispositif ne pourrait être opérationnel définitivement et sur l’ensemble des territoires à surveiller sans une période de préparation; des essais pourraient être faits sur les poids lourds, les transports en commun par exemple, avant d’être généralisé. Qu’en penseraient les Français et les Chauffeurs Routiers qui avaient manifesté si vivement en 1992 contre l’utilisation rétroactive des disques d’enregistrement de leur vitesse à des fins pénales !

D’autres systèmes sont à l’étude et parfois à l’essai.

On a parlé, récemment d’un appareil monté sur les véhicules qui recevrait du satellite non pas un avertissement mais une réduction de l’alimentation en carburant du moteur ce qui induirait un ralentissement en cas de dépassement de la vitesse autorisée...

Imaginez quelle devra être la finesse du logiciel pour ne pas ralentir la voiture qui termine son dépassement ou celle qui est suivie d’autres voitures circulant trop près l’une de l’autre!

Depuis 1997 un tronçon d’autoroute californienne est équipé de capteurs (près de 100.000 sur douze kilomètres) noyés dans le béton de la chaussée qui fourniraient aux véhicules munis d’un dispositif ad hoc, assez d’informations pour circuler. Les mêmes véhicules seraient équipés de radars leur permettant de se tenir à deux mètres de la voiture qui précède et de celle qui suit. Ces autoroutes et voitures “intelligentes” seraient utilisées ainsi au mieux et on éviterait les encombrements, les accidents, la consommation de carburants serait réduite...

C’est possible mais seule l’expérimentation permettra de le dire. On ne peut envisager une mise en route avant plusieurs décennies.    

Il faudra encore tenir compte que les autoroutes françaises sont beaucoup moins dangereuses

que les départementales, donc c’est par celles-ci qu’il faudrait commencer

En réalité le problème fondamental est qu’on a toujours privilégié l’amélioration technique, performances des engins dans la vitesse, le confort, le freinage, la tenue de route, les routes, etc. plutôt que l’amélioration des conducteurs par la sélection et la mise à l’écart de ceux qui ne peuvent ou ne savent conduire avec intelligence: drogués, rétifs à l’obéissance au code, aux règles de civilité, maladroits, handicapés, etc.  C’était pourtant par là qu’il fallait commencer...

La difficulté se trouve dans le fait qu’en améliorant les performances d’un modèle, fut-ce dans sa sécurité ou son freinage, ce qui est un excellent argument de vente, on donne aux mauvais conducteur plus d’assurance. Un de mes amis qui aimait  faire du paradoxe soutenait qu’au lieu mettre à la disposition du conducteur une ceinture de sécurité et un airbag, on devrait disposer en face de lui, à hauteur de la tête un grand clou qui ne l’épargnerait pas en cas d’accident. Je suis contre une telle mesure car il arrive que l’accident ne soit pas dû à ce conducteur.

 

Le jeu des gadgets vaut-il la chandelle ? Je pense que non et que le même résultat peut-être obtenu à moindres frais par des mesures simples et peu coûteuses dont le bénéfice sera immense pour la collectivité et qui devraient être beaucoup plus faciles à faire accepter.

 

La première est d’écarter de la route tous ceux qui sont “accros” à l’alcool ou aux drogues ou frappés d’un handicap quelconque que révélerait un examen médical approfondi renouvelé tous les cinq ans jusqu’à 70 ans et tous les deux ans après ; ainsi que les condamnés de droit commun dont les faits sont relativement graves et surtout, tous les récidivistes. Un examen de sang certifiant  l’absence d’accoutumance à l’alcool devrait être joint au permis et renouvelé après tout accident ou faute. Tout contrôle d’alcoolémie positif devrait être suivi d’une analyse de sang qui révélerait au tribunal si le prévenu est un buveur d’habitude ou seulement occasionnel, comme va le plaider son avocat parce que son client le lui aura juré…

Mais qu’on ne s’y trompe pas : il ne suffira pas d’écarter de la route les récidivistes, les accros de d’alcool ou de drogues, ceux qui n’ont pas ou plus les moyens physiques, les réflexes etc.

Et ceci pour une raison évidente : un conducteur peut très bien se tuer ou tuer ses copains, sa famille ou des tiers avant d’avoir montré qu’il est en passe de devenir un récidiviste ou un accro, notamment s’il n’a pas cru nécessaire de demander un permis ! Tous les incidents doivent donc être relevés. La mesure dont je n’ai pas encore parlé, qui me parait la plus spectaculaire, la plus efficace, la mieux proportionnée aux revenus du mauvais conducteur est la confiscation de la voiture à laquelle le mauvais conducteur est souvent très attaché : on a pu parler d’un attachement quasi sexuel !


Les loueurs de voitures ou ceux qui en auront prêté une seront plus attentifs et auront un recours …sans doute demanderont-ils une caution : ils auront intérêt à ne pas se contenter d’un chèque …

La seconde est de mettre en place des sanctions immédiates: les amendes doivent être payées sur le champ, la voiture étant immobilisée jusqu’au paiement avec mise en fourrière le cas échéant. Le retrait du permis doit de même être immédiat, le mauvais conducteur devant poursuivre son déplacement à pied ou être remplacé par un autre conducteur: le permis est transmis sans délai au tribunal compétent et l’affaire est jugée le lendemain. Ces deux dispositions à elles seules assureraient mieux le respect du Code que n’importe quelle campagne ! Bien sûr un recours contre des décisions qui paraîtraient illégitimes doit être ménagé, avec dédommagement le cas échéant. 

 

.La troisième est une application sévère de la loi. L’indépendance de la magistrature est une très bonne chose à préserver, mais va-t-elle jusqu’à faire n’importe quoi ? On m’a parlé d’un collègue qui refusait des dossiers au nom de son indépendance.

Quand la Loi puni l’homicide involontaire “simple” de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 francs d’amende et l’homicide involontaire aggravé  “En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement “de 5 ans d’emprisonnement et de 500.000f d’amende”, l’esprit de la loi, sinon sa lettre est-il respecté lorsque généralement les peines infligées sont le vingtième ou le cinquantième des peines prévues ? S’il n’y avait pas un génocide sur les routes, si les homicides et les blessures involontaires étaient rarissimes, cela pourrait s’expliquer sinon se comprendre...Mais depuis cinquante ans que le génocide se poursuit, les peines infligées n’ont cessé de diminuer, l’homicide et les blessures ne cessant de se banaliser !

 Pourquoi le Parlement qui a voté les lois ne s’inquiète-t-il pas, apparemment du moins, de la manière dont elles sont appliquées?

Il ne s’agit en aucune manière de dire aux Cours d’Appel -puisque ce sont elles qui font la jurisprudence- comment elles doivent juger. Il s’agit de savoir si -dans les limites des lois et du Code Pénal- les peines prononcées sont conformes à la volonté du Peuple Souverain. 

Ce qui serait possible, c’est d’abord, de savoir comment les diverses Cours jugent les différents crimes et délits en demandant au Ministère de la Justice d’établir pour les dernières années, la distribution des condamnations prononcées. S’il apparaît que j’ai raison, demander à une commission d’étudier pourquoi on trouve un tel hiatus entre la loi et son application: faut-il modifier l’une ou l’autre ou les deux et dans quel sens. Le Peuple pourrait sans doute aussi donner son avis...pour une fois !

La quatrième est de prononcer systématiquement la suspension du permis de conduire (jusqu’à cinq ans) et éventuellement son annulation avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis avant cinq ans, sanctions prévues actuellement pour les  délits  non routiers qui “ne paraissent pas” être toujours prononcées. Encore une fois, seul le Ministère de la Justice peut nous faire savoir comment, au cours des dernières années ces peines complémentaires de sûreté ont été prononcées. Là est la vraie transparence qu’on réclame de toutes parts.

 


Une telle politique, précédée avant sa mise en place d’une forte campagne d’information, devra bien faire ressortir qu’elle ne vise que 3 % de la population des conducteurs (en précisant lesquels, au cas où ils ne se reconnaîtraient pas) et non leur ensemble. Comme l’impôt de solidarité elle devrait donc être bien acceptée par ceux qui ne sont pas concernés. Et une fois de plus je pose la question, pourquoi tous les organismes de sécurité routière s’acharnent-ils à nous faire croire que tous les Français sont à égalité des chauffards? Est-ce pour justifier de coûteuses campagnes qui ne font trembler que les conducteurs qui se tiennent bien ? Dois-je conclure, comme Galilée qu’il est inutile d’écrire pour les ignorants, les imbéciles et les philosophes (criminologues) du “papier” (et non de l’expérience).

 

Tout à fait incidemment je ferai encore une remarque: les accidents dans lesquels des poids lourds sont impliqués sont de plus en plus nombreux et souvent spectaculaires. Les poids lourds ne sont pas toujours fautifs, il faut savoir qu’ils ne se conduisent pas comme une voiture légère et que la réaction de leurs véhicules sera toujours plus lente que celle d’une voiture légère : même habiles leurs chauffeurs ne pourront pas éviter un accident comme aurait pu le faire une voiture légère. Ne vous êtes vous jamais étonnés du nombre de poids lourds avec remorque qui se retournent ? Surtout quand ils sont vides.

Faut-il leur réserver une voie dont ils ne devraient pas sortir, leur interdire tout dépassement, alors qu’on sait que leur nombre augmente d’année en année? Je pense que le ferroutage serait la meilleure solution ou encore le transport par voie fluviale ou maritime...

Je peux vous donner deux bonnes nouvelles :

        -les discussions entre la France et l’Italie sur le financement d’un nouveau tunnel transalpin avancent,

        - les travaux de construction d’un nouveau tunnel suisse avancent : il pourrait entrer en service dans six ou huit ans.

Enfin, lorsque la vitesse est limitée, il est implicitement interdit de la dépasser même pour passer devant un véhicule qui circule lui-même à la vitesse autorisée. Celui qui croit savoir conduire assez pour ne pas prendre de risque en dépassant cette limite est un mauvais exemple pour les autres qui se croient obligés de lui ”filer le train”.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les campagnes contre la violence routière

 

 

Nous venons (été 2002) de connaître une nouvelle campagne médiatique de la Sécurité routière axée tout entière contre la consommation excessive du vin: le champ de vision d’un conducteur est masqué par l’étiquette d’une bouteille de vin...et le commentaire “off” explique: la consommation d’alcool (ou de vin, je ne sais plus) réduit le camp de vision.

Cela est vrai, mais les producteurs de vin se sont, je n’hésite pas à le dire, légitimement émus.

Pourquoi s’en prendre directement au vin, alors que tous les alcools sont également dangereux, en fonction seulement de la quantité absorbée ?

Mais il y a surtout me semble-t-il, une profonde erreur de raisonnement dans l’esprit des concepteurs de cette campagne ...et des précédentes.

Le raisonnement que je mets en cause est le suivant :

 a) En proportion  élevée, les conducteurs ayant provoqué un accident sont sous l’empire d’un état alcoolique ou ont absorbé des stupéfiants.( Les évaluations diffèrent beaucoup : j’estime que compte tenu des conducteurs auteurs d’un accident et décédés des suites immédiates de l’accident, cette proportion s’établit autour de 40%).

b ) Donc un nombre élevé de conducteurs présents sur la route sont “imprégnés”, puisque tous les conducteurs se valent.

c ) Pour les atteindre et les dissuader de continuer, nous pouvons nous adresser à tous les conducteurs, donc à tous les Français.

L’erreur gravissime de raisonnement est là: c’est dans la population fautive que les alcooliques sont nombreux: dans la population “victime”, il n’y en a que deux pour cent

S’adresser à 100 % d’une population pour en toucher un peu plus de 1 % c’est peut-être beaucoup de gaspillage…alors que l’industrie ou le commerce nous montrent comment un apéritif visera les femmes actives de 25 à 35 ans (magnifique crinière qui ondoie, tailleur Chanel gonflé là où il faut et attaché-case Hermès), une lessive s’adressera aux ménagères de plus de 50 ans (celle là on ne la voit jamais alors que la femme de cinquante ans ne démérite pas...)

Il serait possible, comme je le recommande, de s’adresser aux alcooliques d’habitude et aux récidivistes...

C’est là que réside l’erreur puisque -en réalité, je le répète- ceux qu’il faut toucher ne sont seulement que 40% des fauteurs d’accidents soit 40% de 3 % des conducteurs!   


Pour ceux qui seraient passés trop vite sur le début de ce travail, je répète comment je suis arrivé à pouvoir affirmer qu’il n’y a que 3% de conducteurs dangereux dont 40% d’alcooliques ou drogués:

Celui qui provoque un accident (il est bien identifié au terme de la procédure judiciaire qui a suivi l’accident) tire au sort un échantillon des automobilistes qui circulent comme on tire au sort des billes qui remplissent un sac et font ainsi connaître la nature du contenu du sac !

Et si on examine la population des conducteurs qui ont été déclarés fautifs, on s’aperçoit qu’elle est tout à fait différente de l’autre!!! C’est donc bien sur celle là (celle des fautifs) qu’il faut agir et c’est facile si on a la volonté de réduire le nombre des accidents.

Ce qui me console de voir mes travaux ignorés, depuis 1962, c’est de savoir qu’ils ne sont pas les seuls:

J’ai cité la thèse du docteur Legrand qui mit en évidence que les conducteurs agressifs sont aussi souvent que les alcooliques, des récidivistes, de délits routiers comme de délits de droit commun. Il serait encore plus facile de leur interdire de conduire puisqu’il suffirait de consulter leurs casiers judiciaires et d’appliquer la loi! Combien coûterait une campagne pour réclamer cette mesure ? Rien, seulement des communiqués à l’Opinion !

Aussi longtemps que les Français n’auront pas compris et admis -et surtout ceux qui prétendent penser pour eux- qu’il existe deux populations génétiquement différentes en ce qui concerne leur comportement vis à vis de la loi, il sera impossible d’organiser les aspects dangereux de la vie en collectivité tels que la circulation avec des engins qui pèsent une tonne et se déplacent à 30 ou 40 mètres par seconde, sur une trajectoire commune, ou encore l’enseignement aux enfants, le port d’armes etc.

 

Certains auront du mal à admettre ce que j’avance, à savoir qu’il existe deux “variétés” différentes génétiquement au sein d’une même population. Je vais vous donner un exemple

que personne ne conteste: il existe des personnes allergiques au gluten. Si le médecin leur prescrit de ne manger ni pain ni pâtes, ni semoule, etc. lui obéiront-elles? Doivent-elles admettre qu’elles sont différentes des autres ? En ce qui concerne le gluten, assurément !

 Oui, me répondra-t-on, mais il s’agit là d’un caractère physiologique et non éthologique ? Je vais donc vous en citer un autre: comme je l’ai raconté plus haut, je me suis obligé à étudier les jumeaux: il en est résulté qu’ils constituent une population particulière en ce qui concerne par exemple le mariage, comportement bien défini s’il en existe! Eh bien, les jumeaux, d’une manière tout à fait significative ne se comportent pas de la même manière que les autres.

Qu’en conclure en ce qui concerne le problème de l’insécurité?

Qu’il existe une approche tout à fait élémentaire: “il faut lutter contre la vitesse, contre l’alcool au volant, etc.” et une autre plus élaborée :”il faut écarter de la route ceux qui pratiquent une vitesse excessive, sous l’empire d’une drogue et que nous pouvons identifier avant qu’ils aient causé un drame dont ils seront souvent les premières victimes !”

 Est-ce impossible à expliquer aux Français ?,

Je suis depuis toujours et inconditionnellement partisan de la prévention. Mais celle- ci n’exclut absolument pas la répression qui est la meilleure forme de prévention. Je vais même vous en suggérer une qui ne s’est guère développée en France. Dans plusieurs pays riverains vous verrez que la circulation est réglée à la sortie des écoles par de jeunes adolescents. Munis de survêtements phosphorescents et de bâtons blancs, sûrs de leur connaissance du code mainte fois vérifiée, surveillés de temps en temps par un policier ou une mater attentive, ils ont le geste précis. Seront-ils plus tard de bons conducteurs ? Je le parie volontiers.


Puisque nous en sommes à l’école, je voudrais encore faire une proposition. Ne pourrait-on essayer d’apprendre aux jeunes enfants la démocratie en l’organisant d’abord dans la classe dès le cours préparatoire. Le règlement serait préparé et étudié dès le début de l’année scolaire. On procéderait à des élections. L’avantage énorme sur la situation présente serait que l’ordre et la sécurité dans la classe appartiendraient aux élèves, et ne seraient pas imposés de l’extérieur. Peut-être cela suffirait-il à les responsabiliser au lieu qu’ils aient à attendre une solution des grands. Bien entendu, il faudrait commencer par des essais, sous contrôle discret.

 

 

 

 

 

 

Le rôle de l’amende dans la répression des délits routiers.

 

Depuis la loi du 10 juillet 2000, l’homicide involontaire est puni de trois ans d’emprisonnement et de 300.000 francs d’amende, en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence, de cinq ans d’emprisonnement

et de 500.000f d’amende avec doublement en cas d’ivresse au volant...

Il semble que bien peu de gens le savent. Depuis que la guerre est déclarée aux chauffards, on en cite au moins un par semaine qui réunit l’homicide involontaire d’une ou plusieurs personnes, la prise délibérée de risque pour autrui et l’état alcoolique. Au journal du soir une charmante jeune voix féminine vient de signaler qu’une jeune conductrice, après un premier accrochage a pris la fuite et dans sa course effrénée a tué un piéton ! Le contrôle a révélé son état alcoolique J’attendais qu’on signale à l’actualité une femme car j’en prévois dix pour cent. Mais ce qui m’a choqué c’est que la jeune voix annonce que la chauffarde encourt cinq ans de prison alors qu’elle risque bel et bien dix ans et un million de francs d’amende, cette seconde partie de la peine n’est que rarement prononcée, en tout cas citée!!!    

Malgré les 10.000 morts, je ne crois pas que de telles amendes aient jamais été prononcées.

Dans les faits nous trouvons actuellement: 

 

Pour les délinquants:

-Sanction infime

-Réparation imposée  nulle,

 

Pour les victimes d’accidents

- coût maximum de l’assurance, (également répartie entre les bons et mauvais conducteurs),

- réparation toujours partielle: même si les ayants droits d’une victime sont dédommagés de la perte économique et affective qu’ils sont subie, pour celui qui est mort ou handicapé c’est fini! Le second dans son fauteuil roulant aura seulement la satisfaction de savoir que celui qui l’a mis dans cet état est occupé à ses distractions favorites, sans peine ni dépens, prêt à recommencer...

Très intelligemment, le Législateur a prévu des amendes élevées qu’il est possible d’infliger plutôt que des années de prison. Pourquoi les tribunaux ne les prononcent-ils pas ?

Ils ont un rôle éminent à jouer puisqu’ils pourraient pondérer l’amende en fonction de la gravité de la faute, de l’importance des dommages et de la fortune de l’auteur des faits!


Que signifiait une peine de un mois d’emprisonnement avec sursis et mille francs d’amende pour un homicide involontaire par imprudence sous l’empire d’un état alcoolique qui fut si souvent prononcée ! 

Tous les “conducteurs agresseurs” ne sont pas insolvables. S’ils le sont aujourd’hui, ils ne le seront peut-être plus demain.  Beaucoup ont des revenus et des biens. Je ne comprends pas pourquoi la collectivité ne les fait pas payer!

Si ces conducteurs savaient que peut-être, en raison de l’amende à payer après l’accident leur portefeuille d’actions, leur maison seront vendus ou  qu’ils vivront avec ce qui reste après une saisie-arrêt qui durera sans doute jusqu’à la fin de leurs jours, ce qui amènera bien souvent l’épouse ou plus encore la maîtresse à aller voir ailleurs, ils réfléchiront peut-être un peu !

 

Il faut appliquer toute la Loi ! Cette réforme est possible, elle doit être réalisée dans les meilleurs délais: elle ne coûtera rien: qu’on ne s’arrête pas aux protestations: “elle va entraver le développement de l’industrie automobile, la vente des carburants, augmenter le chômage...” Ou encore avec plus d’indécence. “Faut-il ruiner le chauffard?”

Bien sûr qu’il faut lui rendre la vie misérable, lui qui a tué ou rendu grabataire un innocent, souvent plusieurs! Il faudra du courage mais des milliers de vies en dépendent.

Le même raisonnement vaut pour tous les délits: comment les magistrats en sont-ils venus à considérer que la seule peine valable ou possible est la prison. Est-ce le sentiment que la privation de liberté est égale pour le pauvre et pour le riche, alors qu’il est plus difficile de calculer une proportionnalité en fonction des revenus ? Est-ce le calcul que celui qui n’a pas de salaire parce qu’il ne travaille pas ou dissimule ses revenus ne paiera rien au contraire de celui qui bosse et doit tout déclarer au Fisc ? Il me parait qu’il vaudrait mieux, à coté d’une peine de prison avec sursis (pour les primaires) prononcer l’amende qui parait équitable et laisser faire le Fisc pour les recouvrer ou même créer un corps de chasseurs de primes qui seraient intéressés à ce recouvrement.

 Je n’ai personnellement aucune satisfaction à envoyer à la ruine ou à la prison qui que ce soit: je serais infiniment plus heureux de distribuer de belles images et des médailles en chocolat.

Pourtant je prends le pari qu’avant que cent fois un chauffard ivre ayant causé la mort d’une ou plusieurs personnes ait été condamné à cinq ans d’emprisonnement avec sursis et soixante quinze  mille euros d’amende (soit la moitié de la peine qu’il encourt)  le nombre des morts sur la route aura significativement baissé!

Je continue cependant à recommander, comme première mesure, la plus facile, la moins coûteuse, la plus efficace, le retrait du permis de conduire aux alcooliques d’habitude et aux récidivistes, car alors , non seulement on sauvera des vies mais aussi des alcooliques dont beaucoup deviendront sobres pour conserver leur permis !!!

 

 

       


Un substitut à la prison a été proposé depuis deux décennies, il s’agit des travaux d’intérêt général. Il a été peu employé. D’une part il paraissait limité aux “petits délinquants non dangereux” d’autre part ces derniers sont souvent dépourvus de toute formation: il fallait donc trouver des travaux à leur mesure, tels que repeindre les grilles ou la façade d’un établissement  public, curer des fossés communaux etc. Le résultat n’était pas toujours satisfaisant .Tout dernièrement, fin Septembre 2002, il a été proposé de punir les parents d’élèves qui font un peu trop souvent l’école buissonnière, d’une amende de 2000 euros soit environ 13.000 francs et /ou leur supprimer les allocations familiales. Je ne dirai rien du résultat qu’on peut attendre d’une mesure qui n’a pas encore été mise en pratique mais sera difficile à appliquer car ces familles n’ont en général que des dettes et auront bien du mal à payer ou à survivre sans les allocations qui sont souvent leurs seules ou principales ressources. Faut-il les punir plus sévèrement que les chauffards?

Deux mille euros représentent grossièrement deux mois de SMIG net soit seize week- ends. Pourquoi ne pas convoquer parents et enfants buissonniers (encore que les buissons soient rares dans nos belles banlieues) à se présenter pendant ces huit  fins de semaines dans l’école où ils auraient dû se rendre, pour y recevoir des cours d’éducation civique: “l’école est un privilège”, “tous les enfants n’ont pas la chance de pouvoir aller à l’école”,  “manquer l’école est une sottise et une faute contre soi même” etc. Je pense qu’on trouvera facilement des bénévoles;

Une heure d’exposé serait suivie d’une autre à copier cent fois un petit résumé. Certains ne savent pas écrire, qu’à cela ne tienne, on essaiera de leur apprendre. Bien entendu, après la fin des cours les locaux devront être nettoyés, y compris les toilettes et les couloirs. Balais secs, seaux et serpillières, détergents seront apportés, évidemment, par les familles.

Le règlement des allocations sera repris et le recouvrement de l’amende suspendu, dès qu’il sera établi que parents ET enfants sont assidus à ces cours et font preuve de bonne volonté pour apprendre.

Mais me direz vous, s’il n’y a pas de bénévoles, cela coûtera encore de l’argent ! Pas du tout, tous ceux qui ont été condamnés à des “jours de revenu” (que  nous allons voir dans un  instant) pourront être requis dans cette activité sociale.

 Croyez-vous que la prison ne coûte rien ? J’ajoute que pendant ces fins de semaine les parents ne joueront pas aux courses, les enfants ne vendront pas de drogues, toutes activités qu’on leur reproche communément et qui sont peu souhaitables.

 

J’en terminerai sur ce sujet par une proposition que j’ai faite dès que j’ai commencé à prononcer des amendes. Celles-ci pourraient être avantageusement remplacées par des “jours” ou “mois de revenu” distincts du jour-amende qui existe actuellement mais qui est très rarement prononcé. Actuellement le montant du jour-amende est calculé par le juge en fonction du revenu, des charges etc. du condamné et ne peut être supérieur à 2000 francs soit environ 300 euros, ce qui est dérisoire. Si un artiste, un sportif, un homme d’affaires dispose d’un revenu d’un million par mois, son jour de revenu est de 30.000 euros. Ces revenus sont rares, raison de plus pour les retenir. Celui qui devra les payer s’en souviendra beaucoup mieux que de jours de prison avec sursis !

Je n’hésite même pas à écrire que l’imprimé à remplir par chaque contribuable devrait informer ce dernier du mode de calcul de son « jour ou mois de revenu ».

Dans tous les cas où la voiture est conduite par un chauffeur, si l’employeur de droit ou de fait est présent, il sera pénalement responsable pour n’avoir pas ordonné le respect du code.   

Il serait facile de créer dans chaque centre des impôts, éventuellement à l’échelon national un fichier de tous les contribuables que les agents verbalisateurs et les tribunaux pourraient consulter en une minute, comme celui des voitures et de leurs propriétaires. Si le fichier ne répondait pas, la voiture (même  si elle a été prêtée) serait immobilisée jusqu’à ce que la situation fiscale de “l’intéressé” soit éclaircie...

Bien entendu, les personnes ayant un revenu égal ou inférieur au SMIG pourront toujours offrir de se libérer avec des journées de travail à effectuer pendant leurs périodes de congé.

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- 1b .  CONTRE L’INSECURITE GENERALE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’IMPUNITE ZERO

 

Cet objectif a été annoncé sans ambiguïté. Je crois seulement devoir rappeler après la controverse sur l’amnistie consécutive à l’élection présidentielle, que l’impunité zéro commence au non respect de l’interdiction de stationner en certains lieux. Ou à certaines heures.

 

Les premières mesures annoncées sont cohérentes: on recherchera “l’impunité zéro” et on donnera aux Forces de Sécurité davantage de moyens pour la réaliser et parvenir à terme à la délinquance zéro. Tout crime, tout délit, toute attitude incivile (contravention) doit être relevé et poursuivi. Il faudra, par la même occasion, revenir sur une fâcheuse tradition, celle de correctionnaliser des faits qualifiés de crimes par le Code Pénal ou modifier ce dernier.  C’est évidemment un objectif et il faudra un certain temps pour l’atteindre.

Nul doute que si la volonté d’appliquer une telle politique est ressentie, elle fera hésiter un certain nombre de délinquants en puissance quand ils demanderont

- “Mais où est donc Momo (Maurice ou Mohamed selon les quartiers) ? Ça fait un bout de temps qu’on ne l’a pas vu...

- En cabane !

- Quoi !  Pour combien de temps ?

- Deux ans...

- Deux ans, tu dis !

- Ouais, deux ans !!

- Les salauds !

- Comme tu dis.

- Bon, moi je rentre à la maison....”  

Supposons que les Forces de Sécurité soient en nombre et en équipement suffisants pour relever toute infraction. Très justement, il est prévu d’augmenter le nombre de magistrats, de greffiers, de secrétaires pour assurer le suivi, jusqu’aux services du Casier judiciaire..

Puis viendra l’heure de la sanction.

Même dans les domaines où tous les faits connus sont sanctionnés, le sont-ils de manière satisfaisante ?


Jusqu’à maintenant les magistrats étaient dans l’impossibilité de prononcer celle qui était prévue par la Loi. On manquait d’établissements , de lieux de détention aménagés pour les mineurs...et même les prisons qui se sont tellement dégradées, qui depuis longtemps ne répondent plus à leur objectif de permettre aux détenus de travailler (alors on a supprimé l’obligation de travail), de s’instruire ( c’était plus facile et moins coûteux que de construire de nouveaux locaux); alors les décisions restaient sans suite et j’ai pu montrer des casiers judiciaires portant vingt condamnations toutes parfaitement inutiles: la Justice brassait du vent, “on entendait le moulin, on ne voyait pas la farine “... se plaignait d’être débordée...et continuait impassible et impavide !

Tout cela pourrait donc changer?

Ce n’est pas si sûr, car j’ai pu montrer aussi que la moitié au moins des crimes et délits sont commis par des récidivistes. L’actualité récente montrait le comportement de criminels récidivistes qui avaient déjà été condamnés trois fois par des Cours d’Assises!             Non plus deux comme je l’avais connu!

Chaque fois à des peines très éloignées du maximum prévu par la loi, réduites ensuite pour bonne conduite, sans que ni à la seconde ni à la troisième fois l’aggravation prévue en cas de récidive ne soit appliquée ( de 20 ans à la  perpétuité). Où sont les savants juristes qui annotent d’une main compétente la nouvelle jurisprudence dans la Gazette du Palais?

J’ai raconté plus haut comment la Société française de la fin du XIX°, prise à la gorge par la délinquance, issue des désordres de la Révolution et des guerres napoléoniennes avait réagi: une bienveillance attentive, un pardon provisoire et sous condition pour les délinquants primaires, avec l’invention du sursis, mais sévérité accrue conduisant à mettre les récidivistes à l’écart de la société par de longues et lourdes condamnations et par la déportation.

Le Peuple français a admis bien des réformes supprimant la relégation, la déportation au  bagne mais n’a jamais été consulté même à travers sa représentation pour dire s’il approuve ou non l’abandon de l’aggravation des peines encourues en cas de récidive. Il faut dire que malgré des titres sensationnels, il n’a jamais été correctement informé. On s’est indigné, par exemple, quand on a appris que “le Chinois” présumé auteur de six assassinats, avait été mis en liberté “surveillée” alors qu’il était en détention provisoire. Liberté surveillée dont il aurait abusé pour commettre de nouveaux crimes. Mais personne ne s’était étonné de savoir que revenant devant les Assises en état de récidive, il avait été condamné avec indulgence comme l’aurait été un délinquant primaire non spécialement dangereux.

En réalité, si la Loi avait été appliquée, au lieu de trois affaires jugées aux Assises et de six assassinats qui restent à juger,  il n’y aurait eu que deux affaires  et après le jugement de la seconde, “le Chinois”, puisqu’il avait été déclaré coupable, serait “parti” pour 20 ou 30 ans compte tenu de la nature des seconds faits !

Beaucoup de travail inutile, donc pour la Justice - qui se plaint de manquer de moyens -et surtout une demi-douzaine de morts innocentes évitées !!!

Je suis prêt à manger ma toque si les instigateurs des agressions contre les transports de fonds au lance roquette, contre les bureaux de change et les joailliers à la voiture bélier, ne sont pas des récidivistes auxquels on n’a pas fait application des dispositions sur la récidive.


Quelques uns d’entre vous, non des moindres, vont jeter les feuillets qu’ils sont en train de lire en disant “ce type est fou, il est obsédé par la répression qui n’arrange rien, par la prison qui déstructure;  on sait bien que c’est le chômage qui conduit à la délinquance et la Justice qui fabrique les récidivistes, etc.” Cette opinion était si répandue, elle avait une telle force que le Premier Ministre Jospin n’hésita pas à expliquer la politique de son gouvernement par le fait qu’il avait cru - en toute innocence- expliqua-t-il, que la délinquance était causée par le chômage et qu’en réduisant ce dernier il réduirait donc la délinquance!!! 

C’était exactement ce que pensaient les attachés et peut-être les directeurs de cabinet des Ministres de la Justice  qui ne transmettaient jamais à ces derniers mes lettres et rapports, qui se gardaient comme de la peste de m’inviter à un séminaire contre la violence. On aurait dû dire plus exactement “séminaire contre la répression de la violence”.

On peut quand même s’inquiéter que la politique d’un pays comme la France puisse se décider sur des idées qui courent les rues, sans enquête, sans simulation, bref sans précaution !

Je suis heureux que des amis enseignants, médecins, hommes d’affaires m’aient assuré qu’il n’en est pas du tout de même dans les ministères de l’Education nationale, de la Santé, de l’Industrie ! Là, heureusement, des prévisions à long terme sont faites et mises à jour régulièrement...Les effectifs, les moyens et les objectifs sont bien définis et on sait où on va. 

Etonnez-vous, après cela que les astrologues soient à la Sorbonne ! C’est au Ministère de la Justice qu’ils devraient être .Il y a un grand trouble dans les esprits en France, je crains qu’on ne sache plus distinguer ce qui est important et grave de ce qui ne l’est pas. Il y a peut-être trop de gens qui étudient et parviennent à des postes de responsabilité sans savoir ce qu’est la vie.

Ce qui m’obsède c’est la mort des victimes des assassins, des fous de la route, des violeurs, des pédophiles: les handicapés à vie, les honnêtes familles ruinées et brisées, etc.

Quelle responsabilité pour ceux qui ont remis en liberté les auteurs de ces crimes alors qu’ils avaient les moyens, que dis-je, le devoir de les mettre hors d’état de nuire!

A plusieurs reprises déjà, j’ai souligné combien l’interprétation de la Loi par certains tribunaux paraissait aberrante au commun des mortels !

Peut-on vraiment affirmer qu’il existe un problème ? Dont l’intérêt national n’échappera à personne?

Il serait facile de tirer cette affaire au clair: une équipe de statisticiens et de juristes indépendants (magistrats à la retraite, avocats, professeurs de droit,  députés ou sénateurs, associations de consommateurs) pourraient être chargée de tirer au sort une dizaine de tribunaux d’instance, de grande instance, de cours d’appel et de cours d’assises. Parmi les jugements et arrêts rendus en 2000 et 2001 par ces juridictions, l’équipe tirerait encore au sort le nombre de décisions qui leur paraîtrait opportun concernant les principales contraventions, les principaux délits et crimes. Pour chaque infraction jugée, les décisions seraient soigneusement décortiquées pour mettre en évidence les facteurs qui ont été retenus  pour aboutir enfin à la décision.

Une comparaison pourrait alors être établie :

- à l’intérieur de chaque catégorie d’infraction pour des faits aussi semblables que possible,

- entre les sanctions prévues par le Code et les sanctions prononcées et enfin appliquées. .

Je crois devoir souligner que cette manière de procéder n’aboutirait en aucune manière à désigner telle ou telle juridiction comme laxiste ou répressive par exemple. Il s’agirait bien d’un examen à l’échelle nationale de la manière dont la justice est rendue et la loi appliquée.

Par contre, ce qui apparaîtrait clairement, c’est certaines habitudes telles la correctionnalisation de faits criminels, la détention prononcée à l’endroit de délinquants primaires, de courtes peines qui n’ont aucun sens dans la mesure où elles sont assorties du sursis, la non-application des dispositions aggravantes en cas de récidive...dont je crois que personne ne les conteste.


Il est possible que la conclusion de ce travail soit que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes judiciaires possibles. Je m’inclinerai volontiers et cesserai d’importuner de mes lettres. C’est pourtant peu probable. J’avais établi dès les années 70 que si la lettre de la loi était respectée, par exemple la condamnation d’un homicide involontaire commis par un conducteur sous l’empire d’un état alcoolique à un mois de prison et mille francs (nouveaux) d’amende était conforme à la lettre de la loi, elle paraissait éloignée de son esprit  (pour les faits antérieurs à l’application de la loi du 10 juillet 2000 la peine prévue était de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 200.000 f, depuis elle est de trois ans et 300.000 f , ainsi que 5 ans et 500.000 f d’amende en cas de mise en danger délibérée, peines doublées en cas d’ivresse) de même qu’un hold up avec usage d’armes et blessés commis en récidive puni de 7 années de réclusion.. au lieu de trente !.

La volonté de durcir les peines était manifeste dans la loi de Juillet 2000 a-t-elle été ressentie dans les tribunaux ?

Le profane s’étonnera que des procédures longues souvent de plusieurs années, au cours desquelles tous les aspects des circonstances du crime, de la personnalité des victimes et des auteurs ont été minutieusement examinés puissent se terminer d’une manière aussi décevante.

L’explication est pourtant simple: quand tous les facteurs qui peuvent et doivent être examinés l’ont été, il reste à les pondérer, à les conjuguer et cela est, pour l’heure -car tout pourrait changer- très subjectif, que la décision appartienne à un ou plusieurs juges et même à un jury !

 

L’homicide involontaire, article 221-6 (loi de Juillet 2000) écrit “ le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui, constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 300.000 f d’amende. En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 500.000 f d’amende.

L’état alcoolique est  encore une autre circonstance aggravante prévue spécialement qui double la peine encourue. Ainsi des faits d’homicide involontaire par violation manifestement délibérée (par exemple rouler en agglomération, en zone de marché, à 120 Km par heure  sous l’empire d’un état alcoolique, font encourir une peine de 10 ans d’emprisonnement et un million de francs d’amende. De tels faits ne sont pas une vue de l’esprit, ils se sont produits récemment (2002) et ont abouti à la mort de plusieurs personnes. Je suis curieux de savoir comment l’aggravation des peines décidée par le Législateur en 2000 se traduira dans la jurisprudence. Une chose est sûre, les médias qui n’en parlaient jamais, comme si ces faits étaient parfaitement banals et n’intéressaient personne sont soudainement devenus prolixes et les relatent chaque semaine avec force photos ! Dois­-je seulement dire que je m’en félicite ?

 

Je citerai encore un exemple qui a beaucoup défrayé la chronique parce qu’il paraissait incompréhensible. Au même moment,

- un guide de montagne professionnel, après avoir pris la Météo qui est mauvaise et annonce des risques élevés d’avalanche, entraîne un groupe de jeunes gens sur la neige.  Effectivement, une avalanche les surprend et provoque une dizaine de morts  et une condamnation avec sursis du guide.

- un religieux bénévole absolument ignorant des dangers de la mer et de l’existence même de la Météo envoie au large un petit groupe de jeunes gens sans aucune pratique de la navigation car il pense ainsi « former leur caractère”: cinq ou six morts dont un sauveteur et une lourde condamnation à de la prison ferme...

Les deux prévenus étaient primaires. Le guide était professionnel et rémunéré et devait connaître le risque qu’il prenait. Le religieux était “amateur bénévole” et n’avait même pas assez de bon sens pour mesurer le danger éventuel. Jamais les familles n’auraient dû accepter de lui confier un seul jeune.


Pourtant, dans les deux cas les familles des victimes prirent en majorité la défense des auteurs des faits ( !) qui furent jugés par des magistrats professionnels.

Comment expliquer des jugements aussi pusillanimes et aberrants que ceux dont je viens de parler ?

Il existe sans doute plusieurs raisons:

 

- Un discours mensonger et cynique dont j’ai déjà donné des exemples, selon lequel la seule différence entre un honnête homme et un délinquant est que le premier n’a pas été “pris” et l’étrange affirmation -qui ne repose sur rien- que “nous sommes tous des assassins, des voleurs et des violeurs”ainsi que le proclamaient des titres de films. Le raisonnement est simple: puisque celui qui n’a pas été pris est en liberté, pourquoi pas l’autre?

De même que pour tous les organismes de sécurité routière, nous sommes tous des chauffards (virtuels) alors que l’analyse des faits montre qu’il n’en est rien ! Mais toute la politique choisie pour lutter contre le génocide routier en est rendue parfaitement inutile comme le montrent les faits : 500.000 morts en 50 ans, cette affaire est bien pire que celles du sang contaminé, de la vache folle, de la marée noire, etc.

 

- Un mauvais exemple venu de très haut. Assurés de l’impunité, certains se permettent tout. Pour en rester au domaine routier, on a pu relever que les ministres les plus impliqués dans la lutte contre l’insécurité routière (comme les autres)  prenaient de grandes libertés avec le Code de la route.

 

- Les massacres quotidiens dont nous sommes chaque jour les témoins par médias interposés ont fait perdre beaucoup de prix à la vie. Mais, curieusement, pas à celle des meurtriers !

Combien de fois n’ai-je pas entendu plaider à propos d’un chauffard qui avait tué ou handicapé à vie quelques pauvres piétons :

- “Je ne peux envisager qu’il soit emprisonné”. ou  encore..” privé de son travail...lui retirer son permis le condamnerait au chômage ! “

A quoi le Ministère Public répondait en général

-” Mais cela permettra sans doute de donner du travail à un chômeur qui n’a encore tué personne..”.

Le massacre d’innocents n’a jamais mobilisé comme le “combat” (sans risques et sans victime) contre la peine de mort ou les OGM et ne parlons pas de la marée noire ou des « clones » dont on n’est même pas sûr qu’ils soient nés !

 A ma connaissance les hérauts de telles causes n’ont jamais eu une parole de compassion pour les victimes ! Ceux qui se dépensent tellement pour éviter que la peine de mort ne fasse une victime innocente ne se sont jamais manifestés contre le génocide routier qui tue tant d’innocents... S’ils avaient plaidé avec autant de force et de passion contre le génocide routier ou l’insécurité que pour l’abolition de la peine de mort, je n’aurais peut être pas besoin d’écrire cet essai.

La faiblesse des raisonnements est telle que j’ai entendu, lors du naufrage de l’Erika un père qui s’inquiétait en regardant les plages souillées “ Mon Dieu, quel avenir allons-nous laisser à nos enfants?” !

J’espère seulement que ses enfants échapperont au génocide de la route ...C’est bien ce qui les menace le plus !

 


- Condamner exige beaucoup de conviction et de caractère et cela ne s’apprend dans aucune école. Ce n’est même pas beau ou noble du point de vue des gens qui en sont démunis. Pour ces derniers encore, au contraire, être indulgent, tout comprendre, tout admettre, cela est généreux, ne demande aucun effort et ne leur coûte rien...

 

 

 

  1. 2.  LES REFORMES ANNONCEES
  2.  
  3.  
  4.  
  5. LES TRIBUNAUX DE PROXIMITE

 

 

C’est une proposition qui a été avancée. Elle est encore très vague. Je ne peux donc rien dire à son sujet. Par contre je peux raconter une expérience que j’ai faite et qui touche au sujet. Nommé, comme je l’ai dit plus haut, à .mon retour de Tunisie dans un tribunal d’instance de la région parisienne, je découvris que la réforme de la Justice mise en place par le Premier Ministre, Monsieur Michel Debré, avait prévu avec beaucoup de sagesse et de courage une procédure de conciliation obligatoire avant tout procès.. Une personne ne pouvait en assigner une autre, dans les limites de la compétence du tribunal d’instance, sans avoir obtenu d’abord du juge un “permis de citer” qui ne devait être accordé  qu’après une tentative de conciliation restée vaine.  Economie et rapidité, telles étaient les deux mérites de cette procédure qui était absolument gratuite et dispensait de l’assistance d’un conseil. Le greffier convoquait gratuitement les parties, il n’y avait aucun frais et si un accord était trouvé, le procès verbal dressé par le juge avait la valeur d’un jugement contradictoire. C’était magnifique. Je ne doute pas que dans l’esprit du réformateur, ci cette réforme avait réussi, elle eut pu être étendue aux procédures devant le tribunal de grande instance.

La veille de la première audience, la jeune secrétaire du greffe vint dans mon bureau et me demanda en minaudant si je voulais signer les permis de citer qu’elle avait préparés, ce qui me dispenserait de “monter à l’audience”. Sans bien comprendre la portée de sa demande, je lui répondis que j’aimais bien l’audience et que nous verrions ça le lendemain. En ouvrant l’audience, je commençais à réaliser ce qui se passait: alors qu’une vingtaine d’affaires devaient être appelées, il n’y avait que trois ou quatre personnes dans la salle qui se regardaient en se demandant ce qu’elles faisaient là.


L’huissier ayant appelé la première affaire, personne ne se présenta. Je mis le dossier de coté, personne à l’appel de la seconde... Je fis signe  à l’huissier de venir près de moi: sont-ils tous en retard? Non, me dit-il, en général vos collègues donnent le permis de citer sans tentative de conciliation... Comme elle n’aboutit jamais...Je me penchai vers la jeune secrétaire et lui demandai de convoquer à nouveau toutes les parties absentes avec la mention “présence indispensable”

Elle me confia alors comme un secret:”Maître X. (le greffier), ne va pas être content ! Vous savez, on fait ça gratuitement...alors s’il faut le recommencer”.

Quinze jours plus tard, la salle d’audience était à moitié pleine.

Pas de chance, le premier demandeur appelé était absent, le défendeur présent, je refusai donc le permis de citer. Le deuxième demandeur appelé était présent, le défendeur aussi. Il s’agissait de meubles impayés, le débiteur reconnaissait sa dette. Je leur exposai l’économie du système: le débiteur accepta de verser un acompte et le reste en six mensualités égales. Le créancier était ravi, c’était le représentant du plus gros marchand de meubles de la région..Et il s’attendait comme d’habitude à un long procès pour récupérer son argent, le débiteur aussi car il économisait beaucoup de frais...En deux heures tout fut réglé: une douzaine de conciliations, autant de procès évités, quelques refus de permis et quelques défauts de conciliation.

.A quelques jours de là, je croisai dans le hall du tribunal, deux ou trois des auxiliaires de Justice attachés au tribunal. Comme j’en avais pris l’habitude en Tunisie, je les invitai à prendre un café et nous bavardâmes agréablement quelques instants. Comme je leur confiais que j’étais heureux de travailler avec eux, ils me confièrent en riant que si je persistais à concilier les gens, ils n’avaient plus qu’à s’en aller travailler ailleurs...Mon collègue  arriva fort à propos pour me suggérer d’accepter de prendre toutes les audiences pénales et de lui laisser les audiences civiles. J’acceptai, à regret, mais  je ne pouvais décemment pas, alors que j’arrivais de Tunisie depuis quinze jours, tout chambouler....A tout bien considérer, c’était au Garde des Sceaux de savoir ce qui se passait dans ses tribunaux et de veiller au respect de la procédure. Je crois qu’il avait d’autres soucis : nous étions en 1962... D’après ce que j’ai appris par la suite, il était parfaitement informé, comme aussi du comportement de beaucoup de greffiers officiers ministériels (et non fonctionnaires comme ils le sont devenus depuis) qui jouaient avec les tarifs et les saisies-arrêts....

Si je peux me permettre, l’erreur à ne pas renouveler était de trop bien faire en voulant une procédure absolument gratuite. Etait-il indispensable de demander au greffier de travailler pour rien ? Les avocats auraient été « honorés » s’ils avaient assisté un client, les huissiers de même si le débiteur n’avait pas tenu ses engagements. En tout cas personne n’aurait souffert d’un préjudice: quand un client paye sa commande, avocats, huissiers perdent une affaire mais n’ont rien à réclamer.

Le débiteur, qui avait peut-être des excuses, n’avait pas tenu ses engagements et aurait volontiers accepté de payer une centaine de francs...et même plus: qu’au moins quelqu’un souhaite cette procédure! 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

LA COMPARUTION IMMEDIATE

 

 

C’est une excellente mesure que j’ai proposée depuis plus de vingt ans.

J’ai montré qu’un sondage auprès de mes collègues avait révélé que 80% des détenus en détention provisoire auraient pu être jugés en comparution immédiate.

Tout le paysage carcéral et même pénitentiaire en serait changé !!!

On n’imagine pas le travail et je dirai le souci que donne un détenu. Nécessité de l’entendre à tout bout de champ, toujours inutilement, car tout ce qu’il n’a pas dit à la Police et lors de la première comparution, il ne le dira plus après avoir consulté ses co-détenus et ses avocats  (avocat d’office au début et avocat désigné par la suite...sur les conseils d’un vieux cheval de retour.). Par contre, ne risquant rien il inventera n’importe quelle histoire dont il faudra bien démontrer qu’elle ne correspond à rien de sérieux. Vous imaginez sans peine le travail qui en résultera!

Et si l’inanité de cette histoire est démontrée, il ne mettra pas longtemps à en trouver une autre! Bien entendu, chaque fois  il y a lieu à convocation par LR de l’avocat, au moins 24 heures avant l’interrogatoire, et en raison de ce que la Poste n’est plus ce qu’elle était, communication téléphonique avec l’avocat pour fixer une date et éviter une demande de renvoi, ordre d’extraction du prévenu avec tout ce que cela implique de travail à la Maison d’Arrêt, pour éviter toute erreur, toute tentative d’évasion alors qu’on manipule une population pleine de mauvaise volonté etc.

Ne parlons pas des demandes de mise en liberté renouvelées sans arrêt et portées devant la Cour d’Appel, donc chaque fois une ordonnance de rejet sur consultation du Parquet... On peut dire que la moitié du travail du juge d’instruction, la plus délicate, celle qui donnera lieu aux nullités que le profane ne s’explique pas, est rigoureusement inutile, mais c’est la LOI !Et après six mois la mise en liberté sera prononcée d’office.

On dirait que ces procédures ont été conçues par des extra-terrestres pour un monde utopique! Car jamais, lorsqu’ils ajoutaient au travail des juges ou le compliquaient,  les députés de la Nation n’ont pensé à augmenter leur nombre ou celui de leurs auxiliaires.

Le raisonnement du Législateur est incompréhensible: si vous voulez qu’un coureur aille plus vite, allez vous le charger de sacs de plomb et ajouter à son parcours des côtes et des obstacles ? Non, au contraire, vous rendrez son parcours plus facile et son chargement plus léger...

Vous parlerai-je de la période des vacances: pendant les mois de Juillet et d’Août, chaque juge d’instruction présent est chargé du cabinet d’un juge en congé: dès lors tous les détenus présentent systématiquement des demandes de mise en liberté puis font appel de l’ordonnance de refus: les dossiers sont alors, par dizaines envoyés à la Cour. Il arrivera que l’un des dossiers s’égare. Un jour de retard et la Cour ne peut que constater que le délai est dépassé et mettre en liberté le détenu !    Pratiquement les juges présents ne peuvent rien faire d’autre, les procédures n’avancent pas...est-ce encore de la bonne justice ?

Rien n’empêcherait de juger les faits établis en comparution immédiate et de poursuivre l’instruction des autres, quitte à prononcer la confusion des peines lorsqu’il apparaîtra que les faits ont été commis dans le même temps…

La confusion était admissible et logique lorsque les délinquants commettaient un délit et parfois un second tout à fait connexe, mais maintenant que les personnes arrêtées en avouent car elles n’ont rien à perdre vingt, trente, j’ai vu une fois un dossier portant sur plus de 100 vols, la confusion ne se justifie plus. Je dois vous dire un mot de ce dernier dossier. Les inculpés avaient mis au point une technique extraordinaire : ils avaient remarqué que lorsque les commerçants forains arrivent sur un marché, dans le petit matin glacé de l’hiver, avant d’aller monter leur étalage, ils vont se donner du cœur au ventre en consommant un petit noir généreusement « arrosé »…ou plusieurs. Ils ne peuvent pas tous parquer leur camion devant la porte du bistrot et le laissent nécessairement à cent ou deux cents mètres, parfois oubliant même les clés au tableau. La meute se mettait alors en chasse. Un premier groupe volait le camion chargé de préférence de vêtements, rejoignait un camion qui attendait dans la forêt à cinquante kilomètres de là et transbordait le chargement. Le nouveau camion se rendait alors sur un marché à vingt kilomètres de là où une nouvelle équipe bradait la marchandise à des prix incroyables : vingt francs un pull- over ou trois paires de chaussettes de laine etc. A dix heures tout était vendu, les bonnes gens qui ne sont pas toujours méfiants ou sérieux faisant le plein pour l’hiver!

Les voleurs  furent difficiles à identifier car ils étaient toujours en voyage mais une véritable opération militaire réussit à perquisitionner dans leur campement et ce qu’on découvrit fut gigantesque.

La bande fut incarcérée et le dossier mesura bien vite plus d’un mètre de haut ; il y avait une quinzaine de détenus qui au début de l’été se mirent à présenter inlassablement, à tour de rôle des demandes de mise en liberté puis à faire appel du rejet, le dossier devant être alors transmis à la Cour. Il était matériellement impossible de faire quinze copies d’un tel dossier et ce qui devait arriver arriva, à savoir que la partie indispensable à la Cour ne put arriver à temps devant le conseiller qui fut bien obligé d’ordonner la mise en liberté…Le pauvre gars ne sut pas en profiter, quinze jours après il était tué lors de l’attaque d’un agent payeur des allocations familiales ! Je vous ai raconté cette histoire un peu longuette pour vous montrer des difficultés que personne ne connaît.


La comparution immédiate est donc une bonne mesure, encore faudrait-il la compléter par l’abandon de la confusion des peines en cas de pluralité de délits ou de crimes:

- une peine pour chaque délit ou crime, sans confusion, cela signifie 45 ans de réclusion pour trois viols...et non pas quinze, ce qui n’empêchera pas de remettre en liberté le criminel à 65 ou 70 ans s’il s’est bien conduit.

La Justice des Nations les plus démocratiques pratique ainsi.

 

 

 

LES CENTRES DE RETENTION  FERMES.

 

 

Que peut-on faire de jeunes gaillards qui commettent récidive sur récidive ?

Est-il sain de les garder allongés sur un lit ou occupés à “taper le carton” des heures durant?

Et je cite là les occupations les moins blâmables !

J’en ai connu un qui venait toujours aux audiences où il était convoqué: ça l’intéressait mais il était là incognito. Il volait une voiture pour venir et une autre pour rentrer chez lui. Un jour il vola ainsi celle du président qui venait de le condamner avec tant d’indulgence. « Désolé, » dit-il, à la Police « c’est un chic type! J’aurais dû en voler une autre! »    

C’est la Révolution, il ne faut pas l’oublier, qui a inventé la prison et le bagne. La perte de la liberté - le plus précieux des biens- lui paraissait la pire des peines et la prison fut substituée à tous les châtiments corporels et tortures, aux galères etc. 

Je ne suis pas sûr que le raisonnement des Conventionnels soit confirmé par l’expérience !

Depuis que les d’Abboville et autres traversent volontairement les océans à la rame, ne devrait-on pas relativiser ce châtiment`?     

«  Vous êtes condamné à faire Marseille-Alger à la rame, avec sursis, attention à ne pas récidiver dans les cinq ans ». Entendrons nous bientôt de tels avertissements ? J’en doute.

Les vaisseaux du Roy avaient un équipage surtout composé de Maures faits prisonniers ou de Protestants et réciproquement ceux des pirates avaient un équipage composé de Chrétiens qui avaient refusé de se convertir à l’Islam.

Il faut quand même mentionner que les galériens ne ramaient que pendant de très courtes périodes, lors de l’attaque des pirates. Le reste de la croisière se faisait à la voile. Pendant les périodes de repos au port, six à neuf mois par an, les galériens faisaient des travaux en ville, souvent chez l’habitant où ils préparaient la cuisine, gardaient les enfants, ou chez des artisans et commerçants ou même à leur compte. Il y avait même des volontaires qui s’engageaient pour plusieurs années pour une prime qu’ils consommaient en une nuit de folle ivresse!

Sans en revenir là, je sens des réticences chez quelques uns de mes lecteurs, n’y a-t-il pas des travaux d’intérêt général qui puissent être confiés à ces jeunes gens pleins d’énergie, dans la mesure où ceux ci ne sont pas dangereux pour les personnes avec évidemment retour à la prison chaque soir. 

D’abord, n’aurait-il pas été plus logique, s’il s’agissait vraiment d’enfants, ayant commis des  délits d’enfants (?) de leur infliger des peines d’enfants ? A quel âge n’est-on plus un enfant ? On pourrait confier à une commission ad hoc le soin de le définir et ensuite soumettre ses propositions au Peuple.

En réalité, l’ordonnance de 1945 a été une suite de profondes erreurs.

- Dans un grand élan de générosité idéaliste (tout comme la fermeture des maisons closes dont on mesure depuis longtemps les dégâts), sans aucune précaution, sans aucune vérification des résultats après quelques années,  le Législateur s’était imaginé qu’il existait une délinquance juvénile, à traiter spécialement, comme les maladies du même nom. Il suffisait de faire ce que j’ai fait, une analyse de ces jeunes délinquants pour s’apercevoir qu’il n’y a pas de délinquance juvénile mais seulement une délinquance précoce, d’autant plus grave qu’elle commence plus tôt et va se poursuivre plus longtemps.

- De même il a paru possible de corriger ces  “enfants” avec des admonestations, des avertissements, des roulements d’yeux, des froncements de sourcils, des index levés, des peines légères jamais appliquées...


 

      Le jeune devinant que la punition est mal volontiers prononcée, en rajoute, comme l’enfant se sentant protégé lorsque les parents se disputent à son sujet...

 

- Malgré de nombreuses restrictions et souvent la nécessité de motiver spécialement des dérogations, la sanction des jeunes restait possible. Alors, que s’est-il passé ? Tout simplement qu’avec la loi, le Parlement n’a pas voté les crédits nécessaires à son application: trop peu de quartiers réservés aux mineurs dans les prisons, pas de centres de rétention... Pourquoi n’ont-ils pas été réclamés ?  

 Par la faute des représentants de la Nation comme des Gouvernements successifs, les prisons françaises sont devenues pour beaucoup d’entre elles, (notamment depuis les années soixante) des lieux qui ne sont plus tolérables même pour des adultes. La prison a perdu tout son sens : elle devrait être un lieu d’éducation, d’études, de travail, préparant -si une telle chose est possible, ce qui n’est nullement démontré- la réinsertion. En outre, devant l’état des prisons beaucoup de mes collègues hésitent à prononcer de « longues peines » (au moins douze mois, même avec sursis, car il faudra révoquer ce dernier en cas de récidive) dont j’ai démontré qu’elles sont les seules à être dissuasives.

Ce sera certes difficile mais plus on attendra pour traiter ces jeunes gens moins on aura de chances de réussir. Et il ne faut pas croire que de petits séjours dans des établissements dont le nom importe peu suffiront pour pallier toutes les déficiences dont ils ont été victimes. Si les parents n’ont pas su les corriger quand de simples remontrances auraient suffi, combien d’éducateurs, combien d’années seront nécessaires pour les sauver ? Il ne s’agit même plus de les punir mais bien de préparer leur avenir ! Il faut assurément leur donner une formation de base indispensable, leur donner un métier, leur faire faire des stages, les aider à trouver un emploi et les persuader que là est leur salut...Vaste projet, entreprise noble mais difficile!.          Le plus pénible sera certainement de lutter contre l’état d’esprit de certains fonctionnaires chargés de l’encadrement des jeunes en instance de réinsertion: je me souviens d’une assistante qui m’annonça un jour qu’elle préférait démissionner. Je m’en étonnai et lui demandai des explications. Confidentiellement elle me confia que tandis qu’elle trouvait du “boulot” à ses jeunes qui ne savaient rien faire, il fallait bien qu’ils commencent au plus bas, d’autres les incitaient à refuser : “tu ne vas pas te faire exploiter à pousser des caddies...”

Depuis longtemps (je n’étais pas le seul), j’avais proposé des établissements

- légers : habitat sous la tente, dans les forêts, dans les montagnes, en petites unités de l’ordre de cent individus dont l’entretien sera assuré par les hôtes, donc très économique.

- une discipline très stricte, une propreté irréprochable, un discours correct,

- 35 heures de véritable travail, et, en outre,

- un enseignement adapté pour conduire à un cursus sérieux et reconnu,

- un véritable entraînement à beaucoup de sport d’équipe,

La fin du séjour dans ces centres devra être couronnée par un certificat de satisfaction et de travail. Un suivi sera assuré après la sortie. Les “Anciens” devront toujours pouvoir se tourner vers leur établissement pour trouver des conseils et de l’aide.

-Les jeunes devront être amenés à travailler pour leur confort : création du terrain de sport par exemple et non à recevoir tout ce qu’ils désirent : ils doivent être fiers de leurs réalisations.

Les relations avec leur ancien milieu ne doivent reprendre que lorsqu’elles  paraîtront sans danger et seront la première récompense d’une bonne conduite.


Le travail doit être justement rémunéré (nettoyage  de la forêt, pour éviter les incendies, lutte contre les incendies eux mêmes, nettoyage des vallées pour éviter les inondations, construction de barrages de retenue des eaux en hauteur, fabrication de charbon de bois, etc.) mais une contribution pour la pension sera exigée, sur le reste, une part servira à cantiner, une autre à constituer un pécule. Cela coûtera infiniment moins cher que les dégâts de ces jeunes gens ou leur entretien dans les prisons quand ils auront dix huit ans.

Les punitions ne seront jamais à la discrétion de l’encadrement qui sera étroitement surveillé par l’administration centrale pour éviter les dérives de sinistre mémoire des bataillons disciplinaires ou du bagne.

Assurés que ces établissements ne risquent pas de dériver comme ce fut le cas pour le bagne ou la prison, les juges pour enfants devenus enfin par la loi des “jeunes” ou “adolescents” devront prononcer leur placement dès que des faits multiples ou en récidive auront été commis. Les jeunes ne doivent pas prendre goût à la délinquance: à la sortie de cette minorité protégée, ils seront les premières victimes.

Les placements devront être longs: je fais confiance à mes collègues pour apprécier, au vu des avis et rapports des assistants sociaux, des psychologues, sur le jeune et sa famille, son environnement : la durée nécessaire du placement et le choix de l’établissement (plus ou moins fermé, disciplinaire, etc.). Au vu des résultats : dédommagement des victimes, réussite aux examens, conduite, le placement pourra être suspendu si l’intéressé présente un plan de réinsertion sérieux -et repris si ce plan n’était pas respecté ou réussi. Plus que tout, le jeune doit comprendre que c’est une aide qui lui est apportée.

Ceux qui ne veulent pour les mineurs ni de la prison ni des centres fermés devraient sans tarder présenter leurs projets.

Il y aura des échecs: certains sont incapables de comprendre les contraintes de la vie en société. D’autres ont été pris en charge trop tard.

Je me souviens de jeunes qui avaient commis une série impressionnante de hold up. Je leur demandais comme je le faisais toujours “qu’est ce qui vous intéresse dans la vie?”,  l’un d’eux me répondit “je voudrais m’occuper des bêtes, des vaches ou des brebis, à la montagne...”

Je mis le fait en évidence dans le dossier. Comme souvent, ces jeunes que j’avais envoyés aux Assises parce que la loi ne me permettait pas autre chose me donnaient de leurs nouvelles avec des voeux de fin d’année. Celui qui voulait être berger au lieu de retourner dans sa banlieue m’écrivit un jour pour me dire qu’il travaillait dur dans un atelier de polissage de pare-chocs mais qu’il espérait sortir bientôt pour bonne tenue et me demandait une recommandation. Je lui en envoyai une, chaleureuse. Je n’ai plus eu de nouvelles: on peut imaginer le meilleur et le pire.

Je pense que notre législation est beaucoup trop rigide.

Une fois de plus, faute d’imagination et de peur de dépenser trop pour de “jeunes voyous”

il n’y a jamais que le choix  prison - liberté, alors que  ce qui serait dépensé pour eux serait le meilleur placement...

        Plus loin je proposerai que la règle « une peine par délit »  soit adoptée, cela conduira donc au prononcé de très longues peines.

Chaque fois que les faits n’ont pas révéle une dangerosité pour les personnes, cela ne devrait conduire qu’à la possibilité d’ajuster les peines à la personnalité des délinquants.

Après une période d’isolement (de quelques jours ou de quelques semaines au plus) au cours de laquelle le condamné ne devrait recevoir d’autre visite que celle d’un psychologue-educateur qui devrait le conduire à une prise de conscience .

Viendrait ensuite une période au cours de laquelle le détenu serait appelé à travailler et étudier à l’intérieur de la prison.

Troisieme période, il serait placé dans un établissement plus ouvert qui lui permettrait d’aller exercer « en ville » le métier qu’il a choisi ou poursuivre ses études ;

lorsque le moment sera venu, une liberté conditionnelle pourra lui etre accordée et enfin une grace, meme si théoriquement de longues annees restent à subir . Tout devrait etre possible en prison : desintoxication, apprentissage au sens le plus large, amour de la vie et de la liberte en vue de la reinsertion. Il faudrait seulement renoncer à en faire un lieu pour se débarrasser aux moindres frais de ceux qui gènent.

 

 

 

 

 

 

 

 

- 3.  LES REFORMES A ETUDIER

Il reste à mettre en chantier des réformes urgentes et surtout indispensables.

Des réformes enfin qui pour une fois ne coûteraient rien et bien au contraire permettraient de larges économies.

 

 

- Si on veut réduire rapidement la délinquance,

 

A- il faut écarter de la société les récidivistes qui commettent la moitié au moins des crimes et délits -et les plus graves. Une modification de la loi pourrait ordonner que dans tout jugement ou arrêt, les tribunaux et les cours répondent aux questions suivantes:


1- l’auteur des faits était-il en état de récidive?

2- existe-t-il des circonstances particulières et spéciales qui permettent d’estimer que l’auteur des faits n’est pas dangereux et de ne pas appliquer dans leur totalité les dispositions aggravantes de la récidive prévues par la loi?

3- Les quelles ?

 

B- Il faut procéder à un débat parlementaire, voire “ad referendum” et décider si on doit mettre fin à la confusion des peines et en venir à la politique de nombreux pays, une peine pour chaque délit ou crime.

 

 

- Si on veut raccourcir les procédures

- il faut accorder à l’inculpé qui reconnaît les faits dès le premier interrogatoire au

 fond  (et non pas après avoir promené la Police et le Juge pendant des mois) une véritable indulgence légale que la loi précisera. Ce n’est que l’application de l’adage admis par la justice populaire: “Faute avouée est à moitié pardonnée”, alors que celui qui persiste dans ses mensonges devrait encourir le maximum prévu par la loi quand la vérité sera enfin démontrée.

Le criminel sera d’autant plus incité à reconnaître les faits que le principe un fait-une peine lui fera craindre une très lourde condamnation.

 Peut-on craindre que des inculpés en viennent à reconnaître des faits qu’ils n’ont pas commis? Cela arrive tous les jours. Il faut faire confiance aux juges et aux policiers pour les reconnaître à temps.

- en cas de pluralité des inculpés, il faut accorder l’immunité et une protection à celui d’entre eux qui décidera de collaborer avec le Ministère Public, qui dira tout, le premier, sans rien omettre .

-ne donner qu’un seul  choix aux inculpés, se taire ou parler sous serment (risquant ainsi une lourde condamnation pour parjure, égale en principe à la peine encourue pour les faits poursuivis), ce qui aura déjà pour premier effet de raccourcir les détentions provisoires...

Ces dispositions exigeront une modification de la loi dont l’annonce seule va provoquer des cris d’orfraie ! Il faut savoir ce que l’on veut : le scandale est de voir une justice engorgée, des procédures qui durent des années, des détentions provisoires criminelles sans fin.

Je crois que la France est le pays de la Communauté Européenne le plus souvent condamné pour des détentions provisoires abusivement longues.

Qu’un inculpé s’en tire par ce qu’il a livré tous les autres est moins scandaleux que de voir tous les inculpés échapper à un juste châtiment...par ce qu’ils ont observé la loi du silence!

 

- Une réforme lourde de conséquences heureuses serait  celle qui consisterait à doubler le nombre des juges d’instruction en constituant des équipes comprenant un titulaire et un suppléant habilités à se remplacer s’il y a une quelconque nécessité qui empêche l’un d’eux. Le gain de temps serait tel qu’il se traduirait par une économie. Vous constaterez volontiers avec moi que toutes affaires importantes qui ont été « loupées » étaient des affaires où un jeune juge d’instruction fraîchement nommé était assisté d’une jeune secrétaire inexpérimentée ! Les scellés n’étaient pas réguliers ou se perdaient, on bavardait avec les journalistes, les procès verbaux n’étaient pas réguliers, on rêvait de la principale inculpée…

N’y avait-il pas eu de la légèreté à nommer n’importe qui à ce poste si important et si solitaire !

  

- une dernière réforme me paraît essentielle, elle ne coûtera rien, au contraire.

Il n’y a pratiquement plus de procédure, même minime sans que soit ressenti le besoin d’une expertise. Le public pense souvent que la science et la technique donneront des réponses plus sûrs qu’une enquête; beaucoup de juges aussi.

Comment pratique le juge ? Il dispose d’une liste d’experts agréés par la cour d’appel ou le tribunal pour les différentes spécialités médicales ou techniques dans laquelle il va piocher. En général, car il est prudent, le juge contactera ces experts jusqu’à ce qu’il en trouve deux qui lui déclarent être disponibles. Les experts passeront alors au cabinet où le juge leur remettra le dossier pour examen et la commission d’expert. Quand l’expert en aura pris connaissance, il examinera avec le juge les difficultés et on fixera le délai d’exécution, le plus souvent deux mois sauf pour les affaires de comptabilité souvent énormes.

En réalité, il arrivera souvent que les délais ne soient pas tenus. Toutes les excuses sont bonnes, mais après deux ou trois remplacements d’experts on attendra encore l’expertise après six mois.


Il y aura ensuite une notification de l’expertise aux parties, puis un délai pour demander une contre expertise ...et on recommence.

Il me semble que l’affaire pourrait être gérée autrement:

- Pour tout ce qui est relatif aux armes, il existe déjà un laboratoire de la Police et le plus souvent les examens arriveront au juge avec la première enquête. De même pour les examens de biologie, d’ADN etc.  

- Pour tout ce qui concerne les examens psychologiques, psychiatriques ou simplement médicaux, il serait avantageux de disposer d’un corps de médecins recrutés à temps plein et qui seraient disponibles à tout moment par roulement.  L’inculpé pourrait toujours désigner un médecin inscrit sur la liste actuelle mais qui accepterait de se rendre disponible pour opérer avec ses confrères. Ce sont des mois de détention qui seraient économisés et des décisions surprenantes: pour donner un exemple, il semble que le ”Chinois” dont j’ai déjà parlé avait été mis en liberté dans une affaire criminelle par ce que l’expert oculiste chargé d’examiner quelqu’un n’arrivait pas à déposer son rapport après plusieurs mois! N’y a-t-il qu’un expert oculiste en France ? Celui ou celle qui n’arrivait pas à déposer son rapport a-t- il (elle) été seulement rayé (e) du tableau des experts ?  Et le juge qui attendait en piétinant la moquette de son cabinet ?  Six morts!!! 

 

 

L’important est de savoir ce qu’on veut...

 

- Si on souhaite diminuer le nombre des détentions provisoires,

--il faut  multiplier les libertés sous caution,

- chaque fois que c’est possible, choisir la procédure de comparution immédiate.

Toutes ces dispositions sont depuis longtemps en usage dans des pays profondément démocratiques: ce n’est  pas en faisant apprécier la nécessité de la détention provisoire par un second juge, voire par un collège ou un jury que l’on avancera vers le progrès : c’est en supprimant cette détention chaque fois qu’on le pourra.

 

 

 

Imaginez, faites un rêve: toutes les réformes que je préconise sont appliquées et voyons ce que cela donne dans une affaire comme Elf ou le Crédit Lyonnais:

- ceux qui sont poursuivis n’encourront  plus cinq ans au maximum mais vingt ou trente fois cette durée. Ce qui les rendra plus ...souples et coopératifs. Cela ne me choque nullement: quand on détourne ou permet de détourner des milliards, on prend des risques.

- Justement, ils n’auront plus le choix que de parler -sous serment, avec les peines à la clé pour parjure- ou de se taire;

- le premier qui offrira de tout dire, de A jusqu’à Z, deviendra le témoin de la République et jouira d’une immunité absolue pour tout ce qu’il aura révélé. Quelque chose d’approchant à ce marché est pratiqué, en toute illégalité, bien sûr : dans une affaire grave, il arrive qu’un suspect propose à la Police qui l’interroge de tout raconter si sa femme est laissée en dehors de la procédure. Il est dangereux pour l’Officier de Police Judiciaire de faire des promesses qu’il ne pourra pas tenir car aucun truand ne lui ferait plus confiance. En général il connaît bien le juge d’instruction avec lequel il travaille. Il préfèrera donc lui en référer et ils examinent ensemble d’une part si le rôle de la femme a vraiment été mineur (elle a eu connaissance du « casse » sans y participer, même de loin ou si elle a reçu des bijoux qui seront restitués par le casseur sans que soit mentionné le passage dans les mains de la femme et d’autre part quelle est la valeur de la contribution apportée à l’enquête par le même. S’il y a accord, tout le monde jouera le jeu. Mais je peux affirmer que cette occurrence est extrêmement rare.

 Aux Etats-Unis, quand un accord est passé, il est communiqué officiellement au tribunal qui est tenu de l’observer : l’inculpation d’assassinat sera ramenée à celle d’homicide par imprudence alors qu’en France, le tribunal ne manquerait pas de requalifier souverainement ! En Italie, le système des « repentis » qui racontent tout contre la promesse d’une nouvelle identité et d’une protection pour eux-mêmes et leurs familles a réussi à faire condamner de nombreux parrains mais la Maffia a retrouvé un certain nombre de ceux qui les avaient livrés et les a condamnés à mort…beaucoup préfèrent donc se taire. Comme me l’avait confié Madame Corléone …Non, je ne puis me résoudre à publier ses propos, ce serait en prendre la responsabilité ! Il faudra pourtant que le législateur se penche sur le problème : la criminalité a changé, la procédure pénale doit suivre.

Puis-je encore vous conter une affaire qui montre bien le pragmatisme britannique : au 19°, une bande écume un comté. Elle est arrêtée. L’un des malfrats raconte tout, devient le témoin du roi ; il est libéré et les autres pendus- Mais on s’aperçoit qu’il avait oublié de mentionner le vol d’un cheval, il fut donc pendu à son tour !

 Celui qui aura dit la vérité (vérifiée par l’instruction et la juridiction de jugement) dès le premier interrogatoire au fond, bénéficiera d’une indulgence égale à la moitié de la peine encourue, avec un maximum de peine qui variera évidemment avec la nature des faits.

Il n’y a que bien peu de chances qu’une telle transformation de la justice voie le jour en France. L’habitude est prise de condamner plus sévèrement celui qui avoue que ses comparses: 

« Celui- là, au moins on est sûr qu’il est coupable alors qu’il y a un doute pour les autres qui n’ont jamais cessé de clamer leur innocence »   selon l’expression consacrée!

D’où le cri du boucher Avinain en montant à l’échafaud  “n’avouez jamais !”

Il résonne encore au fond des cabinets d’instruction comme le son du cor dans les vallées alpines.


Même si les réformes que je préconise étaient adoptées, le principal obstacle à la manifestation de la vérité subsisterait: chaque fois que les juges d’instruction risquent d’aller trop loin, le “secret défense” vient jeter un voile pudique...C’est une exception culturelle propre à la France que les citoyens français aiment bien, contre laquelle ils n’ont jamais manifesté...sans doute y sont-ils attachés comme à la baguette et au « kil de rouge ». 

Imaginons maintenant ce qui se passerait dans la répression de la délinquance de tous les jours, la plus banale : on ne verrait plus de ces jugements portant sur 20 ou 50 vols ou agressions ! Bien sûr la peine de cent ans d’emprisonnement pourrait donner lieu à une libération conditionnelle après quelques années de détention, mais le premier nouvel incident entraînerait une nouvelle longue incarcération qui ne serait pas provisoire et une nouvelle condamnation!

Je suis persuadé que si mes propositions parviennent au public ce seront des cris “où est la démocratie, où sont les droits de l’Homme, “ qui couvriront seulement ceux de “ Mais alors, on ne pourra plus voler!”.

Je répondrai sans faiblir « c’est bien ce que le Peuple désire !».

Consultons le et essayons cette réforme provisoire pendant dix ans. Ensuite nous verrons.

 

Dernière réforme, non la moindre, celle du langage.

La présomption:

-C’est un jugement non fondé sur des preuves mais sur des indices qui serait donc d’une valeur inférieure.

- Mais c’est aussi une supposition, tenue pour vraie dans la pratique, jusqu’à preuve du contraire. (Cf Larousse)

Dans les deux cas il faut retenir la réserve faite d’une incertitude dans la présomption par rapport à la déclaration certaine qui résulterait de l’emploi du verbe d’état : “il est présumé innocent” est beaucoup moins fort et n’a jamais le sens de “il est innocent” . De même pour le contraire de innocent, à savoir “coupable.” La présomption est un état précaire et incertain qui sera confirmé ou infirmé.

A première vue, je dois le relever, ces deux présomptions paraissent complémentaires.

Il n’en est rien. Il n’y a rien de commun entre elles car elles sont de nature différente. La première a une origine légale : tout homme qui n’a pas été condamné définitivement est présumé innocent, c'est-à-dire qu’il ne peut être amené à subir le sort d’un homme qui précisément a été condamné : prison définitive, exécution capitale, privation de ses biens etc. Mais par contre il peut être emprisonné –provisoirement- interdit de circuler ou de rencontrer certaines personnes etc.

La présomption de culpabilité au contraire est un pré jugement qui se construit tout au long de l’enquête ou de l’instruction de l’affaire. Quand les charges s’accumulent ou s’affaiblissent, la présomption de culpabilité se renforce ou au contraire s’affaiblit.

Il n’y a aucun lien entre présomption d’innocence et présomption de culpabilité. Elles sont  indépendantes, ni exclusives ni complémentaires.

Je propose qu’on emploie deux mots différents ce qui lèverait tout ambiguïté, par exemple en conservant  deux radicaux très explicites : présomption d’innocence et suspicion de culpabilité.

Par exemple:

“X sera présumé innocent jusqu’à son jugement. Pourtant il est suspecté d’être coupable en raison des charges qui pèsent sur lui.  Conformément à la loi, le juge d’instruction l’a mis en examen dès que les premiers indices à charge sont venus à sa connaissance, afin que X soit en mesure d’assurer sa défense en étant assisté d’un conseil et en ayant connaissance du dossier. “

Le code de procédure pénale était parfaitement rédigé. Faute d’être éclairés les non-spécialistes persistaient à voir dans l’inculpation, comme au jour d’hui dans la mise en examen une pré condamnation.  Plutôt que de donner des explications, le législateur a préféré créer le “témoin assisté” qui parle sous serment mais peut bénéficier de l’assistance d’un conseil.


C’est un premier pas vers la réforme que je propose avec insistance: tous les mis en examen devraient parler sous serment ou se taire. En cas de parjure, ils seraient condamnés au maximum de la peine prévue pour les délits ou crimes objets de la mise en examen.

 

Le secret de l’instruction:

Il est invoqué à tort et à travers. Ce n’est rien d’autre que le secret professionnel de ceux à qui la procédure est confiée: le juge évidemment, le greffier, le ou la secrétaire à qui le dossier a été confié pour copie, l’officier de Police Judiciaire chargé d’une commission rogatoire (mais non pendant l’enquête préliminaire, avant que l’instruction soit ouverte).

Imaginez-vous qu’un juge puisse se répandre dans les salons en racontant que Mme X a un amant ? Comme un médecin qui raconterait partout que M. Y a le sida ?

Par contre les parties à l’instruction : l’inculpé d’abord qui peut protester de son innocence et faire  toutes les déclarations qu’il veut, les témoins assistés ou non qui peuvent dire (à l’encan mais non au juge car alors ils parlent sous serment) tout ce qu’ils veulent, le procureur (qui est une partie) qui donnera souvent des communiqués, les parties civiles ; aucun d’eux n’est lié par ce secret.

 

Encore une réforme que je vais proposer : celle d’ajouter une courte matière aux

 

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programmes de l’Enseignement.

Une femme est toujours une créature précieuse, fragile qui sait rarement se défendre.

Ma réforme ne fera rire que ceux qui n’ont jamais vu une femme, souvent une très jeune fille martyrisée, défigurée, trop souvent décédée ou handicapée à vie, après une agression par une brute.

Je propose qu’on leur apprenne d’abord à ne pas s’exposer inutilement et ensuite à se défendre !

En attendant qu’un tel programme soit enseigné, avec l’éducation physique par exemple, de tout ce que j’ai eu à connaître, je peux leur conseiller quelques gestes qui les sauveront si elles les ont répétés et trouvent la hargne et le courage de les employer:

- dès que l’agression se précise, hurlez de toutes vos forces, du cri le plus aigu et le plus puissant que vous pourrez, à donner la chair de poule à tous ceux qui sont dans un rayon de cent mètres ! Je peux témoigner qu’un jour un individu étant entré, revolver à la main et plein de mauvaises intentions dans une bijouterie, boulevard de Sébastopol, une jeune vendeuse poussa un tel hurlement que la circulation s’arrêta sur le boulevard alors que c’était une heure de grande affluence. Quand un gardien de la Paix vit sortir de la boutique un individu qui titubait en se couvrant les oreilles de ses deux mains, il n’eut plus qu’à le cueillir!

- si l’agresseur se rapproche, sans hésiter essayez le violent coup de pied en bas du ventre!

-s’il se saisit de vous, avec la tranche de votre semelle de cuir, râpez lui la crête du tibia !

- avant d’en être au corps à corps, n’hésitez pas à lui planter un doigt dans l’oeil, celui-ci ne sera pas toujours perdu et vous étiez vraiment en légitime défense; enfin servez vous de votre bouche pour mordre et arracher tout ce que vous pourrez, les oreilles, le nez et le reste...

Souvent un de ces gestes sera suffisant pour vous faire gagner les quelques  secondes nécessaires à vous éloigner et trouver du secours. Entraînez vous dès maintenant : demain il sera peut-être, trop tard.

Ne croyez pas que d’être passive vous protégera: aujourd’hui le violeur tue après son acte et parfois avant, pour échapper aux poursuites.  

 

 

 

Pour terminer, je crois utile de revenir sur ce que j’ai dit plus haut, en insistant autant que je puis le faire: seule la recherche génétique parviendra à établir pourquoi une modification probablement aléatoire du génome entraîne un individu isolé dans une famille normale (du type le plus répandu) à devenir délinquant d’habitude. Je crois qu’une telle recherche n’a jamais été tentée. En l’état de la Science elle est possible et ouvrira la voie à un traitement adapté sinon à la guérison.

Tous ceux qui souhaitent la Vérité et la Justice doivent la souhaiter.


Pendant longtemps la dissection des morts fut interdite, les progrès de la médecine ne sont venus que lorsqu’elle fut autorisée. Pendant cent ans les Français refusèrent la pomme de terre et il y eut dix famines nationales. Aujourd’hui la recherche génétique et l’expérimentation sur des cellules humaines sont interdites à leur tour. Il faut savoir que néanmoins elles se poursuivent partout. Seront-elles autorisées un jour? Voire encouragées ?

Ce serait enfin un progrès dans les sciences humaines, un pas éclairé, plus important que le premier sur la Lune.

 

Le moment est venu de faire un bilan :

En 1962, j’ai pu établir que les fauteurs d’accidents sont peu nombreux au sein de la

 

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population qui circule sur la route, environ trois pour cent, auxquels il faut ajouter ceux qui ont été leurs propres victimes et que je n’ai pu dénombrer car ils ne font pas l’objet d’une enquête judiciaire : ils sont décomptés parmi les morts relevés mais non parmi les auteurs d’accidents.

Au début des années 70, j’ai établi de même que

  1. la délinquance juvénile (propre aux jeunes mais disparaissant à l’age adulte) n’existe pas et qu’il existe seulement une délinquance précoce d’autant plus affirmée qu’elle se manifeste tôt : 50% des délinquants ont moins de 21 ans et 25% ont de 21 à 28 ans .
  2. que plus de la moitié des crimes et délits  et les plus graves sont commis par les récidivistes de droit commun, environ trois pour cent de la population française masculine et 0,3 % de la population féminine. Les délits commis sur la route sont de même nature que les délits de droit commun.
  3. La lecture de la thèse de doctorat du docteur Legrand me permit de conclure que ce sont les mêmes individus qui empoisonnent et ensanglantent la société et les routes françaises.
  4. Le développement exponentiel du nombre des délits et des crimes était la conséquence d’une politique laxiste des autorités politiques : réformes pénales inconsidérées et jamais suivies d’un accompagnement de moyens (Centres  de rétention et moyens éducatifs pour les mineurs, prisons susceptibles de donner un enseignement, un métier et la possibilité de travailler aux détenus) et des autorités judiciaires prononçant des peines dérisoires très éloignées de l’esprit de la loi, même si elles étaient conformes à sa lettre (par exemple peines de un mois de prison avec sursis et mille francs d’amende banalisant l’homicide involontaire) ou encore oubli systématique de l’aggravation des peines en cas de récidive).
  5.  A la  même époque    tous les  commentateurs confondant la délinquance (ensemble des crimes et délits commis) et la délinquance (ensemble de la population des délinquants et criminels) soutenaient  que le nombre des délinquants avait augmenté puisque le nombre des délits explosait. Les explications ne manquèrent pas : la banlieue, l’immigration, les familles désunies…le chômage !

Je fus le seul à comprendre que ce qui avait augmenté c’était le nombre des crimes et délits commis par individu, les récidivistes profitant seulement de la liberté qui leur était laissée –pour ne pas dire offerte- de « s’éclater » 

Je profite de cette occasion pour réitérer la proposition que j’avais déjà faite quelque part de dire « délictuosité » pour parler de l’ensemble de ce qui est délictueux et de « délinquance » pour viser l’ensemble de ceux qui sont délinquants. Je suis sûr que si cette discrimination avait existé, elle aurait interdit l’erreur de raisonnement que je viens d’évoquer.

  1. La prison réduite à l’enfermement dans une cellule vouant le détenu à l’oisiveté ne peut

être  un traitement universel de la délinquance : il existe mille solutions pour la moduler, il suffirait d’abord d’analyser LA délinquance pour y distinguer plusieurs classes de délinquances.

-   Cette dernière remarque n’est nullement contradictoire avec l’hypothèse d’une origine génétique de la propension à ne pas respecter la loi que j’avance. La même mutation associée au sexe masculin déterminera le violeur, associée au comportement qui construit l’esprit de propriété (de territoire chez les animaux) elle déterminera le voleur etc.

, De tout cela toutes les Autorités furent prévenues, dont certaines officiellement

 

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Il faut dire qu’à l’époque, des travaux complètement déraisonnables (incompétence ou canular ?) du Ministère de la Justice même  concluaient que c’était la Justice elle-même qui fabriquait les récidivistes et c’est cette thèse qui reçut un accueil enthousiaste et soutenu ! L’erreur triomphait : ce ne fut certainement pas la première fois…ni la dernière !

Si simplement la loi avait été appliquée, ce sont des milliers de vies et des milliards d’euros qui auraient été épargnés, des milliers de familles qui auraient évité le désespoir et la ruine ! Quelle responsabilité pour ceux qui auraient pu éviter ce désastre d’autant plus que je pus montrer que dans les années 1880 la France confrontée au même problème de société avait réussi à le surmonter  en adoptant les lois dont je demandais l’application et qui avaient été abandonnées. Enfin, après la lecture des travaux de M.Pinatel sur les quatre caractères constants des délinquants,  je pus terminer en montrant que la seule explication à la délinquance d’habitude est génétique. Je conviens volontiers qu’en pleine période postérieure à 1968 cela pouvait passer pour une certaine provocation. 

En terminant ce modeste essai, je dois dire à ceux qui m’ont  fait l’honneur de me lire que ma satisfaction est immense de savoir, puisque cet ouvrage est dans leurs  mains, puisqu’il s’est trouvé un éditeur qui lui a trouvé assez d’intérêt pour le publier (je ne le remercierai jamais assez), que le cours des idées s’infléchit dans le sens pour lequel je me suis battu seul - “je persiste et je signe”-  pendant plus de trente ans ¨!!!

Pendant ces trente dernières années l’avancement de toutes les sciences a été foudroyant !

La fusée Voyager lancée il y a 25 ans est maintenant aux confins du Système solaire, le génome humain est décrypté et en voie d’être compris. Même la conjecture de Fermat (conseiller au Parlement de Toulouse) a été démontrée.

C’était bien le moins que la criminologie changeât aussi un peu.

 Qu’on le veuille ou non, elle est devenue une science expérimentale et a reçu des lois. Bientôt les criminels pourront être soignés....Quelle merveilleuse époque nous avons vécue!

 Je n’ignore pas qu’il reste beaucoup à faire.

Le silence présent -toute honte bue- de ceux qui pendant des décennies ont retardé la lutte contre le crime en répandant des affirmations absurdes “c’est la justice qui fait les récidivistes”, « nous sommes tous des assassins » ou “il n’y a pas de différence entre le délinquant et le juge qui cherche une réponse au plafond”, et surtout en censurant ceux qui ne pensaient pas comme eux  ...est maintenant assourdissant : est-ce seulement par ce qu’on ne leur tend plus de micros ? Auraient-ils compris enfin qu’ils nous avaient abusés, que peut-être même ils s’étaient trompés eux mêmes? Vont-ils faire acte de repentance ou seulement d’honnêteté ?

Certes, dire qu’il faut appliquer la loi dans toute sa rigueur et qu’il faut penser aux victimes avant de penser aux délinquants n’est pas une oeuvre originale de l’esprit qui mérite une protection contre l’imitation ou la contrefaçon. Mais vous avez pu mesurer combien il a été difficile de la faire passer! Au moment où j’écris, cela n’est pas encore le cas partout !

D’autres que moi ont  pu arriver, même récemment,  aux mêmes conclusions fût-ce en consultant jour et nuit le site de la SCE sur la toile, qui n’a jamais connu tant de visiteurs qu’en cet Automne 2002, je ne m’en plains pas, au contraire, il n’est là que dans ce but.

Il reste seulement une antériorité que personne ne pourra contester.

C’est un plaisir intense et rare de constater qu’on avait raison trente ans avant les autres, mais c’est triste de penser à tout ce qui aurait pu être fait: tant de vies et de dépenses épargnées...

Faisons au moins que la Justice soit enfin rendue pour une meilleure sécurité et une vie un peu plus facile.

J’ai parfois critiqué la Justice telle que nous la connaissons, elle me le pardonnera parce qu’elle sait que je l’aime et demain elle sera encore plus belle.

 

Trente Septembre 2002

 

       

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